Des économies risquées chez Stellantis ?
L’INFO DU JOUR – Adepte de la réduction des coûts à tout prix, Carlos Tavares aurait trouvé le moyen de dépenser beaucoup moins d’argent dans le développement des nouveaux modèles par rapport aux groupes automobiles concurrents. Avec un risque de ne plus arriver aux mêmes standards de qualité ?
Tout le monde connaît l’appétence de Carlos Tavares pour la réduction des coûts. Arrivé à la direction du groupe PSA en 2014 à une époque où il fallait redresser Peugeot et lui éviter de sombrer, il garde sa méthodologie actuellement aux commandes du géant Stellantis.
Difficile de lui donner tort quand on regarde les derniers résultats annuels du groupe, d’ailleurs, puisque Stellantis a affiché des chiffres assez impressionnants sur l’exercice 2023 comme celui de 2022 en comparaison de ses principaux concurrents. Mais ces excellents chiffres à court terme cachent-ils des perspectives moins réjouissantes pour le plus long terme ?
La stratégie même de Stellantis, notamment sur la conception de ses autos et les jolies économies d’échelle réalisées par les financiers du groupe, pourrait finir par lui nuire. Certes, le scandale du moteur Puretech ne doit pas ses origines à la gestion de Carlos Tavares, puisque les premiers moteurs incriminés datent de 2012. Mais la gestion des problèmes de fiabilité du fameux moteur essence 1,2 litre continue d’être critiquée actuellement et elle fait même l’objet de procès devant la justice.
Même remarque pour le traitement des grosses campagnes de rappel autour des airbags Takata montés dans des Citroën et des autos d’autres marques du groupe. L’image même de la marque aux chevrons semble pâtir de cette gestion, comme l’illustre le dernier baromètre Posternak dont nous vous parlions récemment.
Stellantis dépense moins pour concevoir ses autos
Outre des délocalisations parfois difficiles à justifier, les économies de Stellantis concernent bien évidemment la conception de ses voitures. Certes, on pourrait difficilement lui reprocher d’uniformiser au maximum les éléments techniques des modèles de ses marques en les regroupant au sein de plateformes communes. Après tout, Volkswagen et d’autres grands groupes automobiles fonctionnent de cette façon depuis la nuit des temps ou presque.
Mais Stellantis dépenserait beaucoup moins d’argent que les autres sur le développement de ces voitures. D’après la directrice financière du groupe Natalie Knight citée par les journalistes du Monde, Stellantis dépenserait en moyenne 905 millions d’euros pour concevoir un nouveau modèle. Vous trouvez que c’est beaucoup ? D’après la même source, les autres grands groupes comme Toyota ou Ford investiraient en moyenne 2,6 milliards d’euros par nouveau véhicule. Stellantis dépenserait ainsi 2 053€ en recherche et développement par modèle, au lieu de 4 217€ en moyenne pour les autres. Les ingénieurs de la marque parviennent-ils à fiabiliser leurs véhicules aussi bien que ceux des groupes concurrents avec ces moyens-là ?
Inquiétudes sur la stratégie de distribution et les ventes
Stellantis a vu baisser ses ventes de 10% dans le monde au premier trimestre 2024. Chez nous en Europe, le groupe fait face à quelques échecs comme la Fiat 500e -qui va finalement recevoir une version thermique pour se relancer- ou les performances moyennes de Maserati. Le groupe mise sur le retour de Lancia, la dynamisation d’Alfa Romeo et l’arrivée chez Fiat d’une nouvelle famille de modèles pour progresser. Les Citroën C3 et C3 Aircross, modèles abordables bientôt rejoints par des cousins notamment chez Opel (et Fiat), doivent également permettre de reprendre des parts de marché.
Mais la stratégie de distribution en elle-même pourrait gêner les opérations du groupe. Comme le rapportaient récemment les journalistes d’Auto Infos, Stellantis a vu ses ventes chuter vertigineusement en Belgique où il a mis en place son nouveau modèle « New Retail Model » changeant totalement les relations entre le constructeur et les concessionnaires. Peugeot a reculé de 43%, Opel de 40%, Citroën de 12,6%, DS de 50%, Fiat de 42% et Alfa Romeo de 35%. L’hiver dernier, les concessionnaires rapportaient une baisse des ventes de 50% en moyenne pour les marques du groupe dans le pays !
Ces chiffres constituent-ils des alertes sur la viabilité à moyen et long terme de la stratégie de Stellantis à tous ces niveaux ? Comme d’habitude, ce sont de toute façon les chiffres qui permettront de la valider ou au contraire de prouver son échec. Après deux années exceptionnelles sur le plan financier, Stellantis pourra-t-il garder ces niveaux en 2024 malgré une mauvaise entame ? La rémunération de Carlos Tavares, le seul point où le groupe n’a pas fait d’économies avec une belle augmentation l’année dernière, dépend de toute façon directement de ces bons résultats. Reste à voir si le système mis en place par ce gestionnaire estimé est pérenne.
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