DESIGNbyBELLU - Le physique de l'emploi : "Je m’engage dans la voie d’une sagesse quasi-mystique, dont je renonce à faire de la bagnole un objet de désir"
Il est encore tôt pour faire le bilan de 2019, mais on peut d’ores et déjà avancer que l’évènement majeur de l’année aura été le lancement du premier modèle spécifiquement électrique chez Volkswagen. Mais qu’est-ce qu’implique pour le designer la conception d’une voiture propre ?
Depuis des mois, la rumeur publique éclaire ses convictions à l’électricité. De Paris à Pékin, les politiques brandissent l’énergie électrique non pas comme une promesse, mais comme une menace. Comme une sanction destinée à punir l’espèce humaine de toutes les perversions motorisées dont elle s’est rendue coupable depuis des décennies.
Oubliées les senteurs enivrantes du ricin qui enveloppaient autrefois les sports mécaniques ; étouffés les hurlements stridents ou rocailleux des moteurs thermiques, les râles envoûtant des gros V8 aux cylindrées inavouables… À terme, l’automobiliste de base sera privé de ses petits plaisirs, certes simplistes, mais infiniment délicieux.
Dans la quête justifiée mais angélique d’une solution miracle, on élude les effets secondaires que devrait supporter notre environnement si le « tout électrique » s’imposait. On ne mesure pas les répercussions de l’augmentation de la production d’électricité et ce, quelle que soit son origine.
Quand ils brandissent la carte de l’électricité, les bien-pensants omettent de prendre en compte sa production, l’extraction des métaux rares qui entrent la composition des batteries ou le recyclage de celles-ci. En Chine, les autorités encouragent la généralisation des voitures électriques, mais dans ce pays, la production d’électricité dépend du charbon à hauteur de plus de 70 %… Dans une Europe a priori plus ouverte aux énergies renouvelables, l’électricité d’origine solaire ou éolienne ne représente qu’environ 3 et 9 % de la production totale et ce, au prix d’une dégradation fâcheuse des paysages. En France, 86 % de l’énergie électrique est d’origine nucléaire, une source par ailleurs vivement contestée par les défenseurs les plus frénétiques de la voiture électrique. De plus, les mêmes ayatollahs confondent souvent motorisation cent pour cent électrique et hybride…
On préférerait entendre les donneurs de leçon avouer que la réponse idéale n’a pas encore été trouvée pour lutter efficacement contre toutes les pollutions. Quoi qu’il en soit, un constructeur ne peut plus se passer d’une voiture propre à son catalogue. Une aubaine pour le designer qui pourrait explorer d’autres formes, d’autres volumes, d’autres architectures ? C’est ce que l’on croyait. Dans la réalité, l’avènement des voitures électriques ne s’est pas accompagné d’une révolution esthétique. Passons sur les premières tentatives qui restaient caricaturales. On l’a oubliée, la première voiture électrique proposée au grand public pour faire de la route fut le coupé EV-1 proposé dès 1991 par General Motors, mais il n’a séduit que 1 117 marginaux.
La grande série ne s’est vraiment intéressée à l’électricité qu’en mars 2009 avec l’avènement de la très citadine Mitsubishi i-MIEV (vendue aussi sous le nom de Peugeot iOn et de Citroën C-Zéro sous nos latitudes).
Cinq mois plus tard, Nissan se positionna sur le segment des compactes avec la Leaf. Puis il y eut la Bluecar de Bolloré qui a pollué pendant quelques saisons le paysage parisien. Dans tous les cas, ces voitures affichaient ostensiblement leur différence à travers un physique pour le moins ingrat. Un style qui sans doute traduisait les convictions de son usager : « je déteste l’automobile, mais je suis obligé d’en posséder une, j’affiche donc ma récusation en me montrant dans un véhicule vilain qui rejette toute notion de séduction et de plaisir ».
On a connu cette posture avec la première voiture dotée d’une motorisation hybride, la Toyota Prius (1997) au physique franchement disgracieux. Les générations suivantes ont joué sur une silhouette pseudo-futuriste, clairement différenciante. « Je m’engage dans la voie d’une sagesse quasi-mystique, dont je renonce à faire de la bagnole un objet de désir ».
L’excès de zèle s’est poursuivi avec les berlines nourries à l’hydrogène grâce à une pile à combustible. Produite à partir de juin 2008, la Honda FCX Clarity fut la première du genre, arborant une ligne effrayante de laideur. La Toyota FCV lancée en octobre 2014 a mené la même croisade contre l’harmonie, le charme et le bon goût.
Tout a changé avec l’entrée en scène de Tesla. Pas tout de suite : il y eut d’abord une période de rodage avec le Roadster, aux lignes vieillottes, présenté en juillet 2006. Puis Tesla est passé aux choses sérieuses en mars 2009 avec le modèle S, berline élégante dont la silhouette classique ne laissait pas supposer qu’il s’agissait d’une voiture cent pour cent électrique, la pierre angulaire de la démarche d’Elon Musk pour s’introduire avec succès sur le segment des grandes routières monopolisé par les marques allemandes. Le patron de Tesla a voulu montrer à une clientèle incrédule que « la voiture électrique n’est pas seulement faite pour se déplacer sur les parcours de golf. […] Elle n’est pas forcément laide, inutilisable et handicapée par une faible autonomie ».
Pour donner une forme à sa première véritable création, Elon Musk avait fait appel à Franz von Holzhausen qui avait déjà travaillé pour Volkswagen, General Motors et Mazda. C’en était fini des voitures propres mais laides, responsables mais discriminantes. Comme la Renault Zoe en son temps, la Volkswagen ID.3 qui débute en cette fin d’année s’annonce séduisante. Dans sa silhouette générale comme dans ses proportions, l’ID.3 s’apparente à une Golf.
Décidément, la conscience écologique se banalise.
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