Et si la fin du permis à vie était une incongruité ?
Une proposition de loi prévoit la fin du permis pour tous et tout le temps. Selon le texte, les seniors devront passer une visite médicale tous les 5 ans. un délai ramené à 15 pour les autres conducteurs. Pourquoi une telle mesure est inutile et même contre-productive ? Explications.

C’est plus qu’un marronnier, c’est un débat en chêne massif qui ressurgit à chaque fois qu’une personne âgée est impliquée dans un accident grave au volant de sa voiture. Il n’en faut pas plus pour que l’opinion publique, et ses haut-parleurs que sont les réseaux sociaux, réclame un âge limite pour conduire pour les plus radicaux, ou un examen médical régulier pour les plus modérés.
De leur côté, les politiques un brin opportunistes sautent sur l’occasion dès qu’un senior emprunte une autoroute à contresens, ou provoque une collision mortelle, pour promettre une loi. C’est ainsi qu’une proposition a été déposée au mois de mars par une centaine de députés, regroupée derrière l'ex-ministre de la santé Frédéric Valletoux, et qui doit être examinée dans quelques jours.
Les jeunes plus dangereux que les vieux
L’idée ? Forcer les seniors à produire un examen médical tous les cinq ans à partir de 70 ans pour être aptes à conduire et, pour faire bonne mesure en évitant les procès en discrimination par l’âge, instaurer le même certificat médical pour tous, mais tous les quinze ans seulement.
Mais quel est l’intérêt d’une telle mesure, si ce n’est de caresser dans le sens du poil un électorat qui réagit plus sous le coup de l’émotion que de la réflexion ? Car ce texte, s’il est adopté, est clairement destiné à ségréguer les conducteurs âgés. Or, ce sont eux qui provoquent le moins d’accidents, car ils roulent moins et plus lentement, beaucoup moins en tout cas que les 18 – 24 ans. Et si les personnes âgées meurent plus que les jeunes dans ces accidents, c’est tout simplement qu’à partir d’un certain âge, on se remet plus difficilement de ses blessures.
Une efficacité en matière de sécurité routière équivalente au fait de pincer la corne d'un taureau en espérant lui faire mal. En ajoutant à cet effet nul sur la mortalité au volant, un impact social terrible pour les seniors. Du moins ceux qui vivent dans des campagnes désertifiées où les transports en commun sont quasi inexistants. Cette perte de la conduite les empêcherait de conserver un minimum d’autonomie.

Quant à l’instauration d’une visite médicale pour tous les autres, la belle affaire. Les jeunes qui passent leur permis à 18 ans, après un premier examen médical lors de l’obtention de leur papier rose, sont tranquilles jusqu’à l’âge de 33 ans, pile poil la période ou l’on cherche ses limites, attiré par une conduite extrême et, parfois sous l’emprise de l’alcool ou de produits plus ou moins stupéfiants, voir en cumulant les deux.
Fort heureusement, ce texte qui sera soumis eux députés, a fort peu de chance d’être adopté et ce, pour de multiples raisons. Selon un expert interrogé par Les Échos, « Le gouvernement est déjà très fragile politiquement, il ne soutiendra pas une mesure qui pourrait lui aliéner une partie des électeurs ». En clair, les seniors sont aujourd’hui ceux qui s’abstiennent le moins, quelle que soit l’élection, et la très relative majorité, comme ses très majoritaires oppositions n’a aucun intérêt à se priver de ses plus fidèles électeurs.
Mais si la réticence à l’instauration de ces visites médicales est d’ordre politique, elle est aussi d’ordre économique. Les principaux acheteurs de voitures neuves sont des seniors qui frôlent, ou dépassent largement, les soixante ans. En ces temps de baisse des ventes, aucune marque, aucun constructeur ne saurait soutenir une telle mesure qui serait à même de braquer ses clients de base.
Il est d’ailleurs très étonnant de constater que Mobilians, le syndicat de la réparation et des autres services liés à l’automobile, soutient cette initiative. Car là encore, les seniors sont ceux qui ont le plus recours au garagiste, parmi la population de conducteurs. Les plus jeunes, par manque de moyens, étant les plus adeptes de la réparation et de l’entretien maison.
Autant d’arguments contre le texte qui risquent de le voir se faire retoquer à l’Assemblée, comme il l’a été à la Commission européenne. Bruxelles s’est penché sur la question, histoire d’aligner les 27 sur la même législation. Mais après s’être déclarés enthousiaste sur le fameux volet médical, les commissaires ont fait marche arrière.
Une loi qui existe déjà
Au final, la Commission a accouché de l’un de ces textes dont elle a le secret qui consiste à faire croire que tout change pour que rien ne change. La directive, si elle est adoptée, et elle n’a aucune raison de ne pas l'être, devrait donc instaurer un permis renouvelable tous les quinze ans, avec un examen médical au bout de la période, comme convenu dès le départ. Sauf que ce dernier ne sera pas obligatoire pour renouveler son papier rose. ce qui change tout.
En France on devrait donc avoir recours, tôt ou tard, à cette terrrrrrible sanction. Mais au fait, une loi qui touche les seniors au volant et la santé de tous existe déjà, et ce depuis 2022. Elle stipule qu’en cas de pathologie grave pouvant affecter la conduite, c'est au médecin traitant de décider si son patient est apte à conduire ou pas. Un avis qui engage la responsabilité du praticien.
Ce texte vieux de trois ans est parfaitement adapté à la situation. Mais se contenter de rappeler son existence est évidemment moins spectaculaire que de créer une nouvelle loi à rajouter au mille feuille judiciaire hexagonal.
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