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Et si on arrêtait de se faire peur avec l’électrique ?

Malgré les difficultés passagères et inévitables quand une telle révolution s’opère dans les mobilités du quotidien, rien n'arrêtera plus la transition vers le « zéro émission ». Voici pourquoi.

Et si on arrêtait de se faire peur avec l’électrique ?

Depuis quelques temps, ces questions reviennent régulièrement dans les conversations : «l’électrique, on y va vraiment ? », « Est-ce qu’on ne va pas faire machine arrière, finalement ? », «A terme, est-ce que l’hybride simple ne va pas s’imposer ?», etc. Il faut dire que les dernières informations ne sont pas forcément encourageantes, la plus récente et spectaculaire étant l’annonce de la suspension de la construction de deux usines (sur trois) d’ACC, la coentreprise regroupant Stellantis, Mercedes et TotalEnergies. Les « gigafactories » prévues en Allemagne et en Italie sortiront de terre moins vite que prévu (si elles sortent un jour), le temps pour l’« Airbus de la batterie » d’étudier une réorientation stratégique et technologique, qui pourrait se traduire par un abandon de la technologie lithium-ion au  profit d’une solution lithium-fer-phosphate moins onéreuse à produire. Premiers éléments de réponse fin 2024-début 2025, précisent Les Echos.

Au même moment, certains pays connaissent un tassement des ventes préoccupant. En Allemagne, les ventes de voitures électriques ont reculé de 30,6% au mois de mai par rapport au à la même période en 2023. C’est le quatrième mois consécutif de baisse, phénomène qui s’explique par la fin des aides à l’achat décidée en fin d’année dernière par le gouvernement Scholz. Résultat, les électriques n’ont représenté que 12,6% des nouvelles immatriculations en mai, contre 18% sur l’ensemble de l’année 2023. A l’échelle européenne, les chiffres de l’ACEA soulignent une stagnation de la part de marché de l’électrique sur les 4 premiers mois de l’année, à 12% des immatriculations de voitures neuves, alors même que la part des hybrides progressait de 25 à 29%. Faut-il en conclure que l’électrique n’aura été qu’un feu de paille ? N’allons pas trop vite en besogne, car d’autres indicateurs restent positif.

Carlos Tavares: "la planète n'attend pas"

Le premier est l’orientation prise par les constructeurs à la suite de la décision par l’Europe de mettre fin à la vente des modèles thermiques neufs en 2025 (à ne pas confondre avec une interdiction pure et simple du thermique, ainsi que certaines fake news du moment le laissent entendre). Après avoir légitimement protesté contre ce chambardement, les industriels adaptent progressivement leur outil de production vers le tout-électrique, et ne veulent surtout pas subir de contrepied. « J’ai lancé mon avion à pleine puissance. Je ne vais pas dire stop et le faire tomber, Je pense qu’en 2018, il y avait de meilleures options à prendre. Aujourd’hui, il faut exécuter les règles qui ont été fixées et ne pas les changer. Ce que je demande c’est la stabilité. » a ainsi clamé Carlos Tavares, directeur général de Stellantis, en avril dernier lors d’une visite de l’usine de Trémery (Moselle). Même son de cloche chez son homologue chez Renault Luca de Meo : « On ne reviendra plus en arrière sur la bascule vers l’électrique. Nous mettons de 50 à 60 % de notre budget de R&D sur la transition écologique. Décarboner le transport, c’est bon pour l’environnement, pour nos enfants… Les études le prouvent : sur l’ensemble du cycle de vie des véhicules, l’électrique a un meilleur bilan que le moteur à combustion. » (Le Figaro)
Les autres constructeurs implantés en Europe exprimant les mêmes besoins et les mêmes craintes, une volte-face est désormais inimaginable. Même le tranchant Carlos Tavares commencerait presque à s’attendrir : « La planète n’attend pas. On ne se bat pas pour 1,5 degré de plus, mais pour 3 à 4 degrés ! Et plus on attend, plus l’écart avec les Chinois sera grand. ». Ce qui se traduit aussi, côté business, par une pactisation avec « l’ennemi » avec la distribution par Stellantis des voitures de la marque Leapmotor en Europe, à travers une coentreprise : « Il est évident que les constructeurs chinois auront 10 % de parts de marché en Europe rapidement. Nous devons être dans cette dynamique grâce à Leapmotor. Avec ou sans nous, Leapmotor aurait été présent en Europe de toute façon, en allant certainement moins vite. Je préfère saisir l’opportunité d’être présent avec eux et d’en faire profiter le groupe Stellantis plutôt que de ne pas être dans la bataille. » (Auto Infos)

Prêts pour 2035...ou un peu plus tard

Que l’on ne s’y trompe pas, l’électrification avance bel et bien à toute vitesse. « Sans électrification, pas de décarbonation. On sait que le chemin ne sera pas linéaire, mais nous sommes prêts à cela. On sait que la voiture deviendra électrique…que ce soit dès 2035 ou un peu plus tard », concédait en mars Christophe Périllat, le DG de Valeo, équipementier qui travaille avec tous les constructeurs et dispose à ce titre d’une parfaite vision de l’évolution des choses en matière industrielle.
Et les chiffres donnent déjà raison à Valeo. Le dernier rapport de l’Agence Internationale de l’Energie (IEA) souligne que les ventes globales d’électriques en 2023 étaient déjà 3,5 fois supérieures à 2022, soit +35%. Chaque semaine, quelques 250 000 voitures électriques étaient immatriculées à travers le monde (beaucoup en Chine, il est vrai). C’est aussi six fois plus qu’en 2018. Les voitures électriques (modèles à batteries + hybrides rechargeables) représentaient environ 18 % de toutes les voitures vendues en 2023, contre 14 % en 2022 et seulement 2 % cinq ans plus tôt, en 2018. «Ces tendances indiquent une croissance robuste à mesure que les marchés des voitures électriques arrivent à maturité. Les voitures électriques à batterie représentaient 70 % du parc de voitures électriques en 2023 », précise l’IEA.

Plus de bornes = plus de ventes

Et la France, dans tout cela ? L’Hexagone fait partie des pays les plus dynamiques, avec une part de marché supérieure à 20% en avril pour les électriques et hybrides rechargeables (contre 29% en mars, il est vrai). « Tout d’abord, le premier quadrimestre 2023 avait déjà enregistré une tendance similaire, à savoir trois mois de hausse consécutive, puis un recul (- 35 %). Ensuite, les immatriculations en avril 2024 sont supérieures de 25,2 % à celles d’avril 2023. Cette croissance est d’ailleurs portée par les véhicules particuliers 100% électriques, les hybrides rechargeables étant en recul (- 0,3 %), de même que les utilitaires (- 3,6 %). » commente Clément Molizon Délégué général de l’Avere-France « A l’occasion de la signature du nouveau contrat stratégique de filière Automobile entre la filière et l’Etat le 6 mai 2024, notons que de nouveaux objectifs de ventes ont été fixés : multiplier par 4 les ventes de VP électriques batteries (800 000) et par 6 les VUL électriques batteries et pile à combustible (100 000) pour 2027. » Bref, le pays n’est pas exactement dans une position attentiste vis-à-vis de l’électrique, comme le montrent les près de 130 000 points de charge publics répertoriés à la fin avril, chiffre en hausse de 30% sur un an.

Et c’est ainsi que le dernier pointage de l’Association des constructeurs automobiles européens relève que France, Allemagne et Pays-Bas, concentrent à eux trois près des deux tiers (61%) des infrastructures de charge européennes, tandis que 24 pays abritent les 29% restants ! Il y a donc encore un sacré potentiel, d’autant qu’« il existe une corrélation significative entre la disponibilité de bornes de recharge publiques et les ventes de véhicules électriques à batterie (BEV). Des pays comme l’Allemagne, les Pays-Bas, la France et la Belgique, qui se classent parmi les cinq premiers en termes de nombre de chargeurs, affichent également certaines des plus grandes parts de marché pour les véhicules à batteries. » Toujours plus de bornes publiques, donc, à quoi s’ajoutent des voitures de moins en moins chères, à l’image de la Citroën ë-C3 ou des projets de voitures à moins de 20 000 € portés par VW ou Renault. Une seule certitude dans tout cela : l’électrique, on y va. Plein gaz.

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