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Interview de Stéphane Paulus, ou quand un pilote paraplégique s’aligne au départ d’une course sur une moto solo.

Dans Moto / Sport

Jean Jacques Cholot

Interview de Stéphane Paulus, ou quand un pilote paraplégique s’aligne au départ d’une course sur une moto solo.

Bonjour Stéphane ; qui es-tu et comment as-tu commencé la moto ?


Hé bien, je m'appelle Stéphane Paulus, j'ai trente ans, et j'ai commencé la moto vers l'âge de 11 ans. Vers 16 ans, je me suis orienté vers le stunt car j'aimais bien le spectacle et l'acrobatie. En septembre 2003, à 21 ans, je suis devenu paraplégique suite à un accident de moto sur la route. Les années qui ont suivi ont été consacrée à ma reconstruction personnelle. Et en 2006, l'envie de renfiler un casque et des gants a été plus forte. J'ai repris le stunt grâce au quad. En 2010, je suis remonté sur une moto non aménagée pour mon handicap : j'ai fait des allers retours dans une ligne droite sur le deuxième rapport et c'est suite à cet essai que j'ai décidé de me préparer une moto. J'ai acheté une Suzuki 1000 GSXR accidentée. Je l'ai restaurée seul pendant un an, puis, avec l'aide de deux copains, nous avons fabriqué un système de béquilles stabilisatrices pour que je sois autonome sur la moto.


Donc tu n'es pas passé par la solution habituelle lorsque l'on est paraplégique, à savoir le side-car ?


J'ai essayé pour voir celui d'un copain, mais cela ne m'a pas plu et c'est pour ça que je suis revenu vers la moto. Je sentais que j'étais capable d'en refaire et j'avais vraiment l'envie. Au départ, c'était juste pour le plaisir de reprendre la route. Au bout de quelques centaines de kilomètres, j'ai décidé d'arrêter en raison des risques et des restrictions.


Restriction ? C'est-à-dire…


Principalement à cause des limitations draconiennes qui font qu'un petit excès peut coûter très cher donc l'idée de la piste s'est imposée d'elle-même.


Interview de Stéphane Paulus, ou quand un pilote paraplégique s’aligne au départ d’une course sur une moto solo.


Donc ton système est composé de deux vérins qui commandent les stabilisateurs ?


En fait, c'est une béquille stabilisatrice qui s'actionne grâce à un interrupteur situé au niveau de l'index droit. Ce n'est pas un système automatique, c'est moi qui choisi le moment où je souhaite la déplier.


Mais ce week end, tu as démonté ton aménagement ?


Oui. En fait, il faut que nous révision notre système car je prends de plus en plus confiance et par exemple, sur le circuit de Magny-Cours, dans certains virages où il y a beaucoup d'appui, ça frottait jusqu'au moment où l'axe du vérin à cassé. Donc j'ai tout démonté et le lendemain, sous la pluie, j'ai roulé comme ça. Je me suis tout de suite senti plus à l'aise et plus serein car je savais qu'il n'y avait plus de limite à part les miennes.


Quelles sont les difficultés par rapport à la « conduite valide » car j'imagine que sans l'appui des jambes et sans abdominaux, cela doit bouleverser le pilotage ?


Cela va peut-être paraître bizarre ce que je vais dire, mais je redécouvre complètement le pilotage de la moto. Certains automatismes reviennent naturellement alors que d'autres sont compensés par une autre façon de piloter. Quand certains posent le genou, je cherche des trajectoires différentes et travaille beaucoup plus avec les bras, et j'avoue que pour le moment, je ne rencontre pas de réelles difficultés. C'est la même chose que pour une personne valide ; il faut analyser les informations qui remontent de la moto et travailler sur ça.


Tu n'as pas eu trop de problèmes pour pouvoir faire de la compétition ?


En fait, j'ai le Para Side Racing Team qui m'a suivi, et la première année, j'ai demandé une licence « entrainement ». J'ai obtenu mon certificat d'aptitude aux sports mécaniques et pour ce type de licence, il n'y a pas besoin de spécifier ton handicap lors de la demande. A la suite de ça, d'autres personnes dans ma situation ont demandé une licence à la FFM et l'année suivante, lorsque j'ai voulu faire le renouvellement, ils m'ont demandé de monter un dossier expliquant mon handicap avec des photos et des vidéos. Après validation, j'ai obtenu une licence NCH et c'est maintenant à moi de faire mes preuves. Le but du jeu, c'est de se faire plaisir, pas de se mettre par terre.


Justement, en cas de chute ?...


Valide ou handicapé, lorsque tu as dépassé la limite et que tu es par terre, c'est pareil. Le but est avant tout de se faire plaisir, réussir les essais et terminer la course tout en gardant une marge de sécurité.


Interview de Stéphane Paulus, ou quand un pilote paraplégique s’aligne au départ d’une course sur une moto solo.


Tu es engagé en Monster Race. Tu as fait le 9ème temps en 1ère séance et le 13ème en 2ème. Tu partiras en fond de grille car deux mécaniciens tiendront ta moto pour compenser l'absence de béquille stabilisatrice. Quel est ton objectif pour la course ?


J'aimerai bien finir dans le top 10 même si je place la barre un peu haute pour ma première course… (N.D.R: malheureusement, la fête s'est transformée en tragédie suite à la chute mortelle de l'organisateur, Antoine Collignon, dans le premier tour).


Tes projets pour l'avenir ?


J'aimerai bien faire une saison complète car cette année, j'ai juste trois entraînements et cette première course à mon actif mais cela demande un certain budget.


Tu souhaites faire évoluer ton système et éventuellement le commercialiser ?


Pour l'instant, je l'ai fait breveter. Ensuite, pour la commercialisation, il faut que je trouve des partenaires et des investisseurs, et là, c'est autre chose. Mais j'aimerai bien car si ce système est plus adapté sur piste que sur route pour des paraplégiques, il peut très bien être utilisé au quotidien pour des personnes de petite taille, souffrant de problèmes de hanche ou de genou. Donc, nous pouvons le proposer à un public plus large.


Tu souhaites rajouter quelque chose ?


J'encourage tous ceux qui sont dans ma situation et qui en ont l'envie de franchir le pas et de venir gouter à la piste. On nous met déjà assez de barrières, il n'y a pas besoin de s'en créer d'autres. Je remercie tous les gens qui m'ont encouragé tout au long du week end pour m'aligner à cette première course, les organisateurs, les officiels, les commissaires de piste ou les autres concurrents. L'accueil a vraiment été chaleureux et sincère.


Merci Stéphane et bonne course.


Merci à toi et à bientôt sur les circuits.


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