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Jaguar XJ-S (1975-1996) : le coupé que l’âge a rendu beau, dès 13 000 €

Dans Rétro / News rétro

Stéphane Schlesinger

Avec les années, la XJS a fini par réussir la mission impossible qui lui incombait : succéder à la mythique Type E. Pourtant, au départ, tous les vents étaient contre elle…

Jaguar XJ-S (1975-1996) : le coupé que l’âge a rendu beau, dès 13 000 €

Les collectionnables, c’est quoi ?

Ce sont des autos revêtant un intérêt particulier, donc méritant d’être préservées. Pas forcément anciennes, elles existent pourtant en quantité définie, soit parce que le constructeur en a décidé ainsi, soit parce que leur production est arrêtée. Ensuite, elles profitent de particularités qui les rendent spécialement désirables : une motorisation, un châssis, un design, ou un concept. Enfin, elles sont susceptibles de voir leur cote augmenter. Un argument supplémentaire pour les collectionner avant tout le monde !

Pourquoi la Jaguar XJ-S est-elle collectionnable ?

Modèle emblématique de Jaguar, la XJ-S est le dernier coupé de la marque qui ne reçoive aucun élément technique conçu avec un autre constructeur. Il bénéficie aussi d’un magnifique V12 ! D’une ligne très particulière, il distille un agrément typique des productions seventies de Coventry, tout en procurant encore des performances très actuelles. Un excellent moyen de se faire plaisir, surtout que la valeur des beaux exemplaires tend à augmenter.

Dans la culture hindoue, on considère que le temps est un facteur de dégradation. Pourtant, même s’ils ont colonisé l’Inde pendant près d’un siècle, les Anglais n’ont pas forcément fait leur cette idée, perfides qu’ils sont. La Jaguar XJ-S a même réussi l’inverse : se bonifier et augmenter ses ventes en vieillissant, un cas rarissime dans l’industrie automobile.

Il faut dire qu’elle a commencé sa vie avec une mission impossible : succéder à la révérée Type E, celle qui a subjugué les observateurs les plus difficiles par sa beauté et sa technologie. Pour ce faire, chez Jaguar, on a d’abord analysé le marché et cherché à plaire à la clientèle la plus importante pour un grand coupé doté d’un gros moteur : les USA.

Dès 1963, Williams Lyons, fondateur et directeur de la marque au félin, imagine une GT luxueuse et imposante, qui débouche paradoxalement sur la berline XJ : le besoin de renouveler les 4-portes de la gamme était crucial. Son coûteux développement ayant précipité Jaguar dans la nébuleuse British Leyland, cet énorme groupe qui avale sans prendre le temps de digérer les marques anglaises les unes après les autres, il n’est plus question de concevoir un coupé depuis zéro. Alors, on reprend la plate-forme de la XJ6, et en 1968, Malcolm Sayer, auteur des lignes de la Type E, commence à tracer une ligne moderne et aérodynamique pour sa remplaçante, dotée de « flying buttresses », des arcs-boutants inspirés de ceux de la Dino 246. Malheureusement, il décède en 1970, et c’est Doug Torpe qui termine le travail, en l’adaptant aux nouvelles régulations sécuritaires de l’Oncle Sam.

Une des toutes premières XJ-S en 1975, avec le panneau arrière peint en noir.
Une des toutes premières XJ-S en 1975, avec le panneau arrière peint en noir.

L’auto, dénommée XJ-S, sort en 1975, et sa ligne étrange ne fait pas l’unanimité. Pas plus que l’habitacle, manquant de luxe. Ennuyeux pour une Jaguar… En revanche, sous le capot, on retrouve l’excellent V12 conçu notamment par Walter Hassan, auteur du 6-cylindres XK Jaguar. Inauguré par la Type E en 1971 avec des carburateurs, il se pare ici d’une injection qui en porte la puissance à 285 ch. Il s’attelle au choix à une boîte 4 manuelle ou 3 automatique. Les suspensions restent proches de celles de la XJ, donc assurent un magnifique compromis confort/tenue de route.

Le tableau des XJS initiales, tout noir et moyennement fini, manquait singulièrement de cachet.
Le tableau des XJS initiales, tout noir et moyennement fini, manquait singulièrement de cachet.

La XJ-S s’installe par ses prestations routières au sommet de la catégorie des grands coupés. Mieux, à 115 000 F (83 300 € actuels), elle reste plus abordable qu’une Mercedes 450 SLC (137 800 F), pourtant bien moins puissante. Seulement, bien plus lourde que la Type E, la XJ-S n’en égale pas les chronos, et sa qualité défaillante (aggravée par les incessants conflits sociaux qui perturbent la production) empêche les ventes de prendre leur envol. Elles stagnent à 3 000 unités par an environ, puis se mettent à chuter dès 1978. La crise pétrolière de 1979 en remet une couche, et la XJ-S doit attendre 1981 pour évoluer significativement.

En 1981, la XJ-S devient HE, augmentant sa puissance et baissant sa consommation. Ici un exemplaire de 1983 vendu 3 410 $ par RM Sotheby’s aux USA en 2019.
En 1981, la XJ-S devient HE, augmentant sa puissance et baissant sa consommation. Ici un exemplaire de 1983 vendu 3 410 $ par RM Sotheby’s aux USA en 2019.

Elle récupère alors le V12 HE (pour High Efficiency) de la XJ12 Série 3, doté de culasses Fireball qui augmentent la cavalerie à 295 ch tout en réduisant la consommation. L’intérieur reçoit des parements en bois précieux, la qualité progresse… et dès 1982, les ventes aussi ! Puis, les évolutions vont se succéder à rythme accéléré. Version découvrable SC en 1983, année où un nouveau 6-cylindres 3,6 l AJ6 de 225 ch est proposé ; vrai cabriolet, ABS, et variante sportive XJR-S en 1988 ; partie arrière redessinée en 1991, le 6-cylindres passant alors à 4 litres (226 ch), et le tiret disparaissant du badge XJ-S qui devient donc XJS.

Pour sa part, le V12 s’agrandit à 6,0 l (308 ch) en 1993 et s’attelle à une boîte auto ZF à quatre rapports, la production prenant fin pour lui en 1995, cependant que le 4,0 l reste proposé jusqu’en 1996.

La XJS a vu sa production bondir, culminant à 10 665 unités en 1989, pour totaliser les 115 415 exemplaires au final. Mal-aimée initialement, cette GT a fini par devenir la Jaguar produite le plus longtemps !

En 1983, la XJ-S se découvre et devient XJ-SC. Ce n’est pas encore un vrai cabriolet, mais un targa.
En 1983, la XJ-S se découvre et devient XJ-SC. Ce n’est pas encore un vrai cabriolet, mais un targa.

Combien ça coûte ?

Longtemps stagnante, la cote de la XJS se met à croître. Dès 13 000 €, on s’offre la version la plus courante, la V12 HE en bon état, mais à plus de 100 000 km. Étonnamment, les 3,6 l sont un poil plus chères à kilométrage équivalent (14 000 €) car plus fiables et économiques, mais pas tellement moins véloces. Dès 16 000 €, on accède à une XJ-SC, ou un coupé restylé d’après 1991, en V12 ou en 6-cylindres. Pour sa part, le cabriolet exige un minimum de 20 000 €, alors que les V12 pré-HE sont à 17 000 € minimum en condition convenable. Les rarissimes XKR-S dépassent quoi qu’il arrive les 40 000 €. Ces prix peuvent grimper sérieusement pour exemplaires parfaits et peu kilométrés.

Apparue en 1983, la 6-cylindres constitue un excellent choix, car plus fiable et économique que la V12.
Apparue en 1983, la 6-cylindres constitue un excellent choix, car plus fiable et économique que la V12.

Quelle version choisir ?

D’abord et avant tout, il faut opter pour le meilleur exemplaire possible. Ensuite, pour un usage serein, mais sans trop vider son PEL, un coupé 3,6 l réalise un bon compromis, ce qui n’empêche évidemment pas de s’intéresser aux autres.

Une rare XJR-S, ici en 1989, version sportive de la XJ-S, animée par un V12 6,0 l de 305 ch.
Une rare XJR-S, ici en 1989, version sportive de la XJ-S, animée par un V12 6,0 l de 305 ch.

Les versions collector

Outre les exemplaires parfaits et peu kilométrés, ce seront les V12 d’avant 1981, très rares, surtout en boîte manuelle : c’est quasi-introuvable ! Ensuite, les XKR-S, enfin, les séries limitées Le Mans de 1989 et Célébration de 1995.

Bien remplie, la baie moteur ! Complexe, la suspension ! Voilà qui ne facilite pas la maintenance de la XK-S, peu fiable dans sa version initiale de 1975-1981.
Bien remplie, la baie moteur ! Complexe, la suspension ! Voilà qui ne facilite pas la maintenance de la XK-S, peu fiable dans sa version initiale de 1975-1981.

Que surveiller ?

À peu près tout, mais en premier lieu, la corrosion, qui attaque sévèrement les planchers et passages de roue. Comme la fabrication est très complexe, le moindre démontage prend beaucoup de temps ; aussi, réparer un petit point de rouille mal placé peut revenir très cher. Les suspensions sont à inspecter avec minutie, tant leurs réparations peuvent chiffrer, là encore, à cause de leur sophistication démultipliant les temps de maintenance.

Sous le capot, les moteurs sont intrinsèquement solides, mais tous les accessoires beaucoup moins (allumage, injection, refroidissement, alternateur, démarreur). Problème accentué sur le V12, qui chauffe plus que le 6-cylindres et se révèle moins accessible car plus encombrant.

Dans l’habitacle, le ciel de toit a la fâcheuse tendance de s’effondrer, cependant que les accessoires électriques ne sont pas très solides. Mais la finition et les cuirs tiennent bien. En gros, plus une XJS est récente, mieux elle est fabriquée et plus fiable elle est, mais ce qui compte d’abord, c’est la qualité de l’entretien. Si sur l’exemplaire convoité, le liquide de refroidissement est brun et la chaîne de distribution bruyante, passez votre chemin…

Malgré un kilométrage important, la XJ-S modèle 1988 de cet essai, identique à celle-ci, s’est montrée parfaitement fiable et agréable.
Malgré un kilométrage important, la XJ-S modèle 1988 de cet essai, identique à celle-ci, s’est montrée parfaitement fiable et agréable.

Au volant

J’ai pris les commandes d’une XJS 3,6 l de 1988, totalisant largement plus de 150 000 km. Bien entretenue, cette auto ne fait pas son âge ! À bord, on se sent un brin engoncé, mais le confort des sièges compense largement, à l’instar de l’ambiance luxueuse. Oui, il reste des revêtements en plastique imitation cuir, mais qu’on est bien ! Même si la garde au toit est limitée… Le 6-cylindres allié à la boîte auto séduisent par leur douceur de fonctionnement quasi-totale, tandis que l’insonorisation impressionne.

Avec les parements en bois apparus fin 1981, l’habitacle de la XJ-S gagne nettement en chaleur !
Avec les parements en bois apparus fin 1981, l’habitacle de la XJ-S gagne nettement en chaleur !

De plus, les trains roulants filtrant merveilleusement les inégalités, on éprouve une sérénité assez inattendue en conduite normale. Un océan de ouate ! En haussant le rythme, on constate la grande rigueur comportementale de cette Jaguar : direction assez précise et informative, peu de mouvements de caisse, freinage efficace… Évidemment, le moteur, très volontaire et musical au-dessus de 4 000 tr/mn, ne procure pas de performances de fou, évidemment, la boîte auto est paresseuse, mais ça avance tout de même joliment, d’autant que l’isolation phonique limite la sensation de vitesse. Je ne m’attendais pas à un tel agrément de conduite ! Enfin, la consommation n’a rien d’effrayant, puisqu’en roulant paisiblement, on peut ne pas dépasser les 11 l/100 km.

L’alternative newtimer*

Jaguar XK8 X100 (1996-2006)

Un peu haut sur pattes, le coupé XK8 affiche une ligne fluide et élégante, mais cache des dessous dérivant de ceux de la XJS. Ici en 1996.
Un peu haut sur pattes, le coupé XK8 affiche une ligne fluide et élégante, mais cache des dessous dérivant de ceux de la XJS. Ici en 1996.

On ne le dirait pas, la XK8 dérive de la XJS. Celui qui a eu l’idée prendre cette dernière comme base, c’est Tom Walkinshow, cherchant à créer un coupé qu’il présentera à Jaguar. Celui-ci refuse, mais Walkinshow le propose ensuite à Aston… qui accepte, et ça donne la DB7. Ford, propriétaire d’Aston et Jaguar à partir de 1989, trouve l’idée ingénieuse, et ordonne à la marque au félin de s’en inspirer, tout en lui permettant de développer un nouveau V8.

Ainsi naquit la belle XK8 en 1996, dotée d’un 4,0 l de 294 ch. Un cabriolet suit en 1997, et comme l’auto est bien née sans verser dans des tarifs excessifs, elle rencontre le succès. En 1998, elle se décline en une efficace sportive XKR de 395 ch. Modifiées largement en 2002, les XK8/XKR adoptent un V8 4,2 l développant 306/406 ch, puis sont encore retouchées en 2004. Elles prennent leur retraite en 2006, produites à 91 406 unités, dont 23 791 en R. Pas mal ! À partir de 10 000 €.

En 1991, la XJ-S devient XJS et bénéficie d’un gros restylage : la partie arrière est redessinée.
En 1991, la XJ-S devient XJS et bénéficie d’un gros restylage : la partie arrière est redessinée.

Jaguar XJ-S 3,6 l (1984), la fiche technique

  • Moteur : 6 cylindres en ligne, 3 590 cm3
  • Alimentation : injection
  • Suspension : bras superposés, ressorts hélicoïdaux, amortisseurs, barre antiroulis (AV), bras longitudinaux, 2 combinés ressort-amortisseur par roue, barre antiroulis (AR)
  • Transmission : boîte 5 manuelle ou 4 automatique, propulsion
  • Puissance : 225 ch à 5 300 tr/mn
  • Couple : 324 Nm à 4 000 tr/mn
  • Poids : 1 610 kg
  • Vitesse maxi : 224 km/h (donnée constructeur)
  • 0 à 100 km/h : 7,6 secondes (donnée constructeur)

> Pour trouver des annonces de Jaguar XJ-S, rendez-vous sur le site de La Centrale.

En 1988, la XJ-S se décline en un vrai cabriolet aux lignes très pures.
En 1988, la XJ-S se décline en un vrai cabriolet aux lignes très pures.

* Les newtimers sont des véhicules iconiques ou sportifs plus récents que les youngtimers, mais dont la valeur monte. Plus fiables et faciles à utiliser au quotidien, ils doivent leur essor à des caractéristiques techniques souvent disparues, comme de gros moteurs atmosphériques. Les BMW Z3 à 6 cylindres, Porsche Boxster 986 et autre Renault Clio V6 représentent bien cette nouvelle tendance.

En 1993, la XJS bénéficie de retouches supplémentaires : nouveaux boucliers, V12 porté à 6,0 l et 308 ch attelé à une boîte auto ZF comptant 4 rapports.
En 1993, la XJS bénéficie de retouches supplémentaires : nouveaux boucliers, V12 porté à 6,0 l et 308 ch attelé à une boîte auto ZF comptant 4 rapports.

 

En savoir plus sur : Jaguar Xjs

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