Marcos ou le charme des voitures en bois plutôt moches
LES VOITURES LES PLUS RAPIDES DU MONDE - Avec leur châssis en contreplaqué, les Marcos avaient un gros avantage : leur légèreté qui leur autorisait de petites cylindrées. Mais elles avaient aussi un inconvénient : une ligne plus qu'approximative. Pourtant, ces drôles d'autos avaient leurs fans, qui ont fini par les lâcher, après trois faillites.

L’histoire de l’automobile est constellée de doux dingues courageux comme Jeremy Marsh et Francis Costin. Ces deux-là auraient pu d’ailleurs ne jamais se rencontrer. Le premier, que tout le monde appelait « Jem » était un mordu de la chose automobile et dès ses 18 ans, en 1948, il dépiautait une Austin Seven pour fabriquer une voiture bien à lui.
Le second, qui a très vite américanisé son prénom Francis en « Franck », était plus raisonnable et a attendu la fin de ses études d’ingénieur pour travailler d’abord chez l’avionneur De Havilland, puis chez Lotus ou son frère l’a pistonné pour lui permettre d'entrer dans ce saint des saints. Il faut dire que frangin Mike était le bras droit de Colin Chapman, ce qui accélère le processus de recrutement. Mike Costin quittera d’ailleurs rapidement Lotus pour s’en aller fonder une autre maison prestigieuse : Cosworth.
Sportivité et légèreté
Comme c’est souvent le cas, Jem et Frank se croisent sur les circuits anglais le week-end, et finissent par devenir amis. On est en 1959, et les deux rêveurs ont un objectif commun : fabriquer une auto bien à eux qui soit le plus sportive possible et, donc, la plus légère possible aussi. Un credo de Chapman qui ne leur a pas échappé.
Comment l’appeler cette nouvelle entreprise ? C’est tout simple, il suffit de prendre le début de leurs noms à tous les deux, et Marcos est né. Top là. Reste à concevoir la voiture. Costin se souvient d’avoir travaillé, durant le deuxième conflit mondial, vingt ans auparavant, sur un fameux avion : le De Havilland Mosquito, réputé pour sa maniabilité liée à sa légèreté. Car il était en bois.

Pourquoi pas reprendre ce bon vieux matériau, beaucoup moins cher que l’alu, en plus ? Les deux hommes s’activent, fabriquent une structure en contreplaqué, et recouvrent leur GT Xylon, le nom qu’ils lui ont donné, d’une peau du même matériau. Le moteur est emprunté à la Ford Anglia et il n’est pas très puissant puisqu’il développe à peine 86 ch. Mais avec 495 kg seulement, l’auto envoie du bois, évidemment.
Pour autant, si elle se distingue rapidement dans quelques rallyes, elle ne plaît pas. Seulement 9 exemplaires ont été vendus. La faute à sa ligne ? Il faut dire que la GT dispose d’un physique pour le moins difficile. De fait, elle ressemble à un batracien sur lequel on aurait rajouté un habitacle disproportionné.
Mais les deux larrons ne lâchent rien, et deux ans plus tard, ils reviennent avec un nouveau modèle : la Gullwing. Elle n’est pas beaucoup plus jolie que la précédente, mais le duo a une bonne idée. Non seulement, ils proposent leur nouveau modèle en version coupé, cabriolet et fastback, mais surtout, ils la vendent en kit à monter soi-même. Une manière, à l’époque, d’échapper à la TVA.
C’est un succès : l’auto s’écoule à plusieurs centaines d’exemplaires en 1961 et de futurs grands pilotes, comme Derek Bell et Jackie Stewart, signent leurs premiers exploits à son volant.
Mais le succès n’empêche pas les bisbilles entre les fondateurs. Car Franck Costin reproche à son associé le design « approximatif » des autos. Alors il claque la porte, laissant Marsh seul devant sa planche à dessin.
Mais ce dernier va finalement mettre un peu plus de fluidité dans ses dessins, notamment dans la 1800 GT de 1964, aux feux englobés dans une coque en plexi. En plus, cette auto dispose de 115 ch pour 820 kg, ce qui la propulse à plus de 200 km / h grâce à ce ratio du tonnerre. Industriellement, les affaires se portent bien, le petit atelier devient enfin une usine.

Est-ce que ce premier succès monte à la tête du boss désormais seul aux commandes ? Toujours est-il qu’il décide de passer la surmultipliée en produisant une auto plus accessible. Sa cible : la fameuse Mini, mais toujours en version sportive. Alors apparaît la peu ragoûtante Mini Marcos, qui reprend le moteur de la Cooper, mais toujours avec un poids léger de 475 kg. Pas grave si elle est moche, quand on est à son volant, on ne la voit pas. Et pour le petit constructeur c’est encore un succès : 1 300 exemplaires sont construits. Uene réussite qui monte à la tête du patron qui décide de tenter l’aventure américaine, et ça va se gâter, malgré le lancement de la plutôt réussie, mécaniquement pas esthétiquement, de la Mantis.
L'échec américain
Sauf que pour être homologué aux US, le châssis en bois ne fait pas du tout l'affaire En plus, les réparations de ce type de châssis sont plutôt coûteuses pour l’ébéniste de la mécanique. Alors Marcos passe au châssis en acier tubulaire. Mais la Mantis fait un bide, seules 32 unités sont vendues. Comble de malheur, les États-Unis durcissent les homologations. Marcos ne traversa pas l'Atlantique et, en 1971, l’entreprise fait faillite.
Elle est rachetée par un groupe industriel qui poursuit l’activité, mais 10 ans plus tard, Marsch la reprend et continue comme avant, avec sa Mini et quelques nouveaux modèles, comme la Mantula et la Martina, inspirées du même moule qui avaient fait la réputation de la maison il y a plus de vingt ans. Mais le cœur et les clients n’y sont plus et en l’an 2000, c’est un nouveau dépôt de bilan, malgré quelques exploits sportifs, notamment au Mans.
Un milliardaire canadien rachète la marque, renommée Marcos engineering et va produire de nouveaux modèles ambitieux, se targuant de fabriquer des Aston Martin au prix des TVR, rien que ça. Mais il ne convainc personne et Marcos va s’arrêter définitivement, en 2007, avec la troisième faillite de l'histoire de Marcos. Jem Marsch, lui, regarde la catastrophe de loin, à la retraite depuis 7 ans déjà. Il nous a quitté en 2015.
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