Enquête - Prix des pièces détachées : comment les constructeurs verrouillent le marché
A fond les caisses ! L’an dernier, le prix moyen des pièces de rechange a gonflé de 6,6% quand l’indice des prix à la consommation n’augmentait, lui que de 0,9 %. Une hausse que les assureurs jugent tout simplement « exorbitante ».
Vous cherchez une idée de placement originale et efficace pour vos économies ? Offrez-vous donc un stock de pièces détachées automobiles ! Leur valeur croît régulièrement chaque année, et nettement plus rapidement que l’ensemble des prix à la consommation.
En 2019, l’augmentation du coût moyen des pièces de rechanges s’est établie à 6,5%, quand la variation des prix à la consommation, mesurée par l’INSEE, s’établissait à +0,9%. Au regard de la variation des prix à la consommation, cette augmentation est qualifiée d’« exorbitante » par le SRA (Sécurité et réparation Automobiles), très sérieuse association .
Surtout, la hausse enregistrée en 2019 est nettement supérieure à celle observée auparavant : +3,1% en 2016, +3,4% en 2017, +4,7% en 2018. « Il faut remonter 12 ans en arrière pour observer une augmentation des prix de pièces si importante : + 6,1 % en 2007 », précise le SRA. « Sur les 23 marques suivies, 12 marques ont pratiqué des augmentations supérieures à 4,3% en 2019. » (voir notre tableau plus bas).
La faute aux consommateurs?
Pourquoi une telle accélération ? Les facteurs sont multiples. En premier lieu, il y a la sophistication croissante de nos chères voitures, toujours plus sûres et connectées, mais aussi toujours plus complexes à réparer en cas de choc. Il y a aussi l’appétence des automobilistes pour les SUV, véhicules onéreux à l’achat comme à l’entretien.
Pour le Comité des constructeurs français d’automobiles (CCFA), la « diversité accrue des modèles demandés par les consommateurs » est l’un des facteurs expliquant la hausse de l’indice des prix réels des réparations et de l’entretien. Bref, si c’est cher, c’est aussi un peu de notre faute !
A cela s’ajoutent les questions de main d’œuvre (coût du travail, compétences de plus en plus pointues, etc.) et bien sûr la sophistication des pièces. Celles-ci doivent en effet correspondre à des standards d’amélioration de la réparabilité, et dépendent du prix des matières premières. Mais il y a aussi des questions de marketing.
Dans le détail, le SRA relève en effet que les constructeurs ont surtout augmenté les tarifs de pièces de carrosserie, secteur qui n’est pas ouvert à la concurrence en France. On citera à l’appui les propos du Premier ministre Edouard Philippe, qui en mars 2019 expliquait que « les prix de ces pièces et donc ceux de la réparation sont plus élevés chez nous qu’ailleurs en Europe. Pourquoi ? En France, un constructeur bénéficie de l’exclusivité de la vente des pièces détachées visibles. La concurrence est donc trop faible. »
La loi d’orientation des mobilités, adoptée fin novembre 2019 pour une entrée en vigueur au 1 janvier 2020, devait justement y remédier en ouvrant ce marché à la concurrence (pour les phares, les rétroviseurs et le vitrage dans un premier temps, avant qu’en 2021 les équipementiers fournisseurs des modèles d’origine puissent vendre à leur tour des pièces de carrosserie).
Lobbying des constructeurs
Hélas, les dispositions de ladite loi ont été invalidées par le Conseil constitutionnel fin décembre pour des motifs réglementaires, auquel s’ajoute probablement un lobbying des constructeurs qui redoutent de voir des entreprises étrangères mettre la main sur le marché des pièces. « C’est vraiment dommage », commente Olivier Moustacakis, cofondateur d’Assurland.com, comparateur d’assurances en ligne, « car cette ouverture à la concurrence aurait contribué à abaisser le montant des primes d’assurance automobiles ».
Ce refus constitue de plus une claque pour le gouvernement et les acteurs de la distribution automobile, lesquels s’inquiètent par ailleurs du phénomène de distribution sélective opérée par les constructeurs : « le marché est censé être ouvert, or on s’aperçoit que les constructeurs choisissent de vendre leurs pièces via tel réseau et pas tel autre », s’alarme la FEDA (Fédération de la distribution automobile), qui fustige une rupture de concurrence « inadmissible ».
Il faut espérer que le gouvernement trouve un nouveau véhicule législatif pour mettre en place cette libéralisation qu’il appelle lui-même de ses vœux.
En attendant, découvrez dans le tableau ci-dessous quels sont les constructeurs dont le prix des pièces a le plus augmenté l’an dernier. Et comme vous allez le constater, ce ne sont pas les marques premium qui exagèrent le plus..
MARQUE | VARIATION EN % DU COUT DES PIECES 2019/2018* |
Suzuki | 15,33% |
Renault | 12,59% |
Mercedes | 11,90% |
Dacia | 10,81% |
Audi | 10,71% |
Peugeot | 10,59% |
Skoda | 9,92% |
Mini | 8,90% |
Citroën / DS | 7,59% |
Volkswagen | 7,49% |
Opel | 7,47% |
Seat | 7,30% |
HAUSSE MOYENNE | 6,63% |
Toyota | 5,35% |
Nissan | 5,10% |
Kia | 5,05% |
Volvo | 3,40% |
Honda | 3,28% |
Fiat | 2,76% |
Mazda | 2,72% |
Alfa Romeo | 1,43% |
Hyundai | 1,23% |
Ford | 0,90% |
BMW | 0,72% |
*source SRA
Déposer un commentaire
Alerte de modération
Alerte de modération