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Renault en crise : faire le ménage, mais après ?

Tout le monde a un avis sur le pourquoi du comment et le parce que du combien de la crise que traverse Renault. Des avis qu’il fallait exprimer avant. Aujourd’hui, ce sont les idées qui manquent.

Renault en crise : faire le ménage, mais après ?

Jamais naufrage n’eut autant de commentateurs affligés et de conseilleurs avisés. Depuis trois semaines, j’en ai copié-collé des giga-octets sur mon ordinateur, et la relecture donne le vertige. Et parfois le sourire.

Quelques-uns envisagent, voire appellent à la renationalisation, comme en 45. Sans tenir compte d’un détail qui contrarierait ce plan : Renault est allié à Nissan dont il se passerait mal aujourd’hui, tant financièrement qu’industriellement ou techniquement. Or, depuis quelques années, l’état-major Nissan comme l’Etat japonais semblent animés par l’obsession de faire barrage au principal actionnaire de son allié, c’est-à-dire l’Etat français. On imagine qu’ils ne seraient pas ravis de voir cet Etat français devenir leur taulier…

Renault en crise : faire le ménage, mais après ?

Il y en a – dont un brillant journaliste économique entendu un samedi matin à la radio – qui affirment que l’Etat a tort d’injecter des milliards dans une industrie automobile qui n’a de toute façon pas d’avenir. Je suppose qu’il est partant pour un programme de mille milliards d’euros qui permettrait de revenir aux 50 000 km de voies ferrées qui, il y a un siècle, permettaient aux Français de sortir de leur canton. A moins qu’il n’estime que les bouseux des campagnes et les manants des banlieues pourraient aussi bien rouler en Dongfeng, en Baojun ou en Geely qu’en Renault ou en Dacia.

Qui a crié au fou quand Renault-Nissan a été n°1 mondial ?

D’autres jugent que c’est la faute de Carlos Ghosn qui a voulu faire l’alliance Renault-Nissan plus grosse que le bœuf Volkswagen, d’où une mortifère course au volume.

Renault en crise : faire le ménage, mais après ?

Pourtant personne n’a sonné le tocsin quand, en 2017 et 2018, Renault-Nissan a été n°1 mondial. La mégalomanie n’est un vilain défaut que quand elle échoue…

On lui reproche aussi d’avoir favorisé Nissan et négligé Renault dont il a délocalisé une partie de la production, celle des derniers petits modèles qui se vendent encore correctement. Mais qui s’est indigné que sa participation dans Nissan délivre des années durant la plus grosse partie des bénéfices du Losange ? Et que la voiture la plus vendue en France, la Clio, soit fabriquée à 90 %… en Turquie ? A vue de chiffres, ça n’a pas dissuadé grand-monde de l’acheter.

 Sur les emplois que promis, on ne supprimera pas, mais que finalement on supprimera, mais en douceur, sans casse sociale, juré-craché, il y a ceux qui disent que c’est trop et d’autres, pas assez. Que dire d’autre que ceci : un salarié de PSA, cols blancs et bleus confondus, produit 30 voitures par an, un salarié de Renault un peu plus de 20. Mais aussi, la faute à qui si Ford vend presque deux fois plus de Focus que Renault de Mégane, deux fois et demie plus de C-Max et de Mondeo que d’Espace et de Talisman ?

En tout cas, cette fois, on ne pourra pas dire que c’est l’ouvrier qui paie les erreurs des hiérarques puisque la R&D et le commercial seront aussi fortement « dégraissés » que les usines.

La foire aux déboires

 A lire tous ces avis, je ne suis plus très sur d’en avoir un. Ou alors un seul, pas très sophistiqué et même un peu bêta, mais qui semble échapper à tous ceux que j’ai lus et entendus.

Renault en crise : faire le ménage, mais après ?

Pour moi, les soucis de Renault, je ne l’ai que trop souvent écrit ici, ont une origine simple et triviale : les voitures ne sont plus fiables. Depuis bientôt 20 ans et le lancement calamiteux de la Laguna 2, première voiture de l’ère Ghosn, jusqu’au Renault Espace 5 (qui aurait, je l’ai lu mais n’arrive pas à y croire, un taux de retour en garantie pour défaut majeur de 100 % et une hot line dédiée à ses malheureux acheteurs), c’est la foire aux déboires.

Tout le reste n’est que littérature et conjecture. Quand les voitures tombent à ce point en carafe, elles peuvent bien être géniales et jolies, leur marketing rusé et le vendeur sympa, ça se dit, ça se sait, et forcément, il s’en vend moins. En vingt ans, sous l’ère Ghosn, la part de marché de la marque en Europe a dévissé de 11 à 7 % et son image, reluisante à l’aube des années 2000, vaut désormais celle de Fiat. Forcément, les Renault qui se vendent encore partent à coups de remises et d’occasion « 0 km » au désespoir des finances.

Si en plus le constructeur loupe le train des SUV – ce que je ne saurais décemment lui reprocher - ça sent forcément le sapin.

Mais assez parlé du passé.

Redevenir « créateur de voitures à vivre »

Que faudrait-il alors à Renault pour se redresser ? Bien sûr, refaire des voitures fiables et durables. Mais ça ne suffit pas, chez Nissan, on est payé pour le savoir : le constructeur exsangue que Renault a sauvé produisait des autos en béton armé.

Alors, quelle serait la recette d’un retour à meilleure fortune ? Là-dessus, j’ai aussi mon petit avis, pas très original non plus, le même que beaucoup d’automobilistes : redevenir, pour mélanger deux vieux slogans, un « créateur de voitures à vivre ».

Renault en crise : faire le ménage, mais après ?

Retrouver l’inspiration qui a fait naître ces voitures qui, de la 4L, la R16, à l’Espace, le Scénic, la première Twingo, le Kangoo apportaient un petit, et parfois un gros quelque chose en plus à leurs acheteurs. Des usages supplémentaires, une autre façon de voyager en famille, des fonctionnalités ou un aménagement inédits. Là, on ne parle pas de style – celui des Renault récentes n’a rien à se reprocher – ni de technologie, mais d’architecture, de concept.

C’est de ses inventions conceptuelles et de rien d’autre que viennent les grandes réussites de Renault : le Scénic dont l’incroyable succès a payé l’ardoise de Nissan, la première Twingo qui a duré quatorze ans et a été la citadine la plus vendue de son temps, l’Espace qui fut la reine des voitures de fonction.

A chaque marque son identité et ses spécialités et Guyancourt-Billancourt a trop longtemps délaissé les siennes pour courir après des chimères comme le haut de gamme et la Formule 1. Quoi de neuf chez Renault depuis dix ans ? La boîte à gants en tiroir du Captur.

Maintenant que la marque s’est dotée d’une motorisation hybride innovante et performante – un prérequis pour survivre dans la décennie qui vient -, il y a de la place pour l’innovation conceptuelle. Et de belles opportunités avec l’essoufflement du SUV, la pire de toutes les voitures du point de vue architectural : l’habitabilité d’une berline dans le volume et le poids d’un monospace, le tout dans une aérodynamique de Lego.

Je ne sais pas si la voiture qui sauvera Renault aura l’allure d’un monocorps bas profilé comme un break de chasse, d’une compacte à garde au sol haute, d’un utilitaire aplati, mais il serait temps de se creuser les méninges. Et plus seulement de chercher des explications à la déchéance, de passer les frais à la paille de fer et de rétrécir la gamme.

 

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