Reportage : une journée de testing du futur BT-003
Lorsqu'un nouveau pneumatique est mis sur le marché, il ne faut pas oublier qu'il a été testé dans de multiples situations afin que les manufacturiers le connaissent sur le bout des doigts afin de pouvoir conseiller le futur client. Et c'est d'autant plus vrai lorsqu'il s'agit d'un pneu de compétition qui devra être utilisé par les pilotes dans de nombreuses configurations. C'est pourquoi, les techniciens des marques de pneus passent du temps autour des circuits avec des pilotes afin de tester le pneu et d'engranger un maximum d'informations sur celui-ci avant sa commercialisation. Ainsi, j'ai eu l'occasion de participer à une telle journée aux côtés de Philippe Donischal, pilote de la RC8 de Superbike en championnat de France, et Gwendal Micheau-Vernez, responsable technique chez Bridgestone. Une journée riche en enseignement.
Cette journée s'est déroulée lors d'un roulage organisé par l'Union Motocycliste de l'Ain sur le circuit de Bresse (département 71). Il s'agit pour Philippe de tester le futur BT-003 qui sera commercialisé le mois prochain. Il s'agit du remplaçant de l'actuel BT-002. Gwendal m'explique alors que Bridgestone " a besoin d'étalonner la performance du BT-003 par rapport au BT-002 mais aussi de le comparer au pneu slick actuel. Il semblerait en effet qu'avec d'autres pilotes, les résultats sont encourageants et on pense dans nos services techniques que cette nouvelle génération de pneu est plus un slick moulé qu'un pneu supersport même si c'est dans cette dernière catégorie que le BT-003 se place."
Techniquement, il faut savoir qu'un pneu supersport est un pneu route amélioré dans ses composés de gomme et dans la constitution de sa carcasse alors qu'un pneu slick est uniquement destiné aux machines superbike qui naviguent entre 170 et 190 cv. Le pneu slick est un pur pneu piste alors que le BT-003 doit répondre à un cahier des charges édité par la FIM qui oblige les manufacturiers à avoir un taux d'entaillement minimum de 6% pour pouvoir homologuer le pneu sur la route. Le but pour Bridgestone est donc d'arriver à rejoindre la performance d'un pneu slick tout en étant capable de rouler sur la route.
Le temps que Philippe se prépare, Gwendal continue en expliquant que "le but de ces tests est de savoir si le BT-003 est meilleur que le BT-002 bien sûr. Et puis on veut aussi le comparer au slick actuel qui est normalement meilleur mais on pense que le BT-003 va le rejoindre en performance et peut être même le dépasser en terme de performances. Si elles sont très bonnes, nous serons donc en mesure de proposer ce nouveau pneumatique, aussi bien aux pilotes supersport qu'aux pilotes superbike."
La journée de Philippe va ainsi se découper en 2 parties. Il va commencer par rouler avec les pneus slick qu'il connaît puisqu'il les utilise habituellement. Ensuite, il montera le BT-003 cet après-midi afin de faire des comparatifs de température, de prises de pression, d'usure. Et puis le pilote KTM aura un rôle important bien entendu puisqu'il donnera ses commentaires à chaud afin de savoir comment il sent le comportement du pneu sur la piste.
Si Gwendal, et Bridgestone bien sûr, sont confiants quant à la performance de ce pneumatique, c'est parce qu'il s'agit d'un tout nouveau pneu et non pas d'une simple évolution. "Tout a changé dans le process de fabrication. Ce n'est pas une évolution du pneu, c'est plus un nouveau process qui serait plus orienté comme un slick moulé et non un pneu supersport.". Il ne sera bien sûr pas possible d'en savoir plus sur la fabrication. Je parviendrai tout de même à apprendre que les manufacturiers jouent beaucoup sur les matériaux de la construction que ce soit du métal ou d'autres matériaux que Gwendal ne peut me citer. L'angle des nappes qui est employé, mais aussi leurs épaisseurs qui ont une importance sur le poids du pneumatique qui est une donnée importante pour un pneu de compétition.
Après, il y a des polymères et toute une chimie au niveau des composés de gomme qui font que le pneu doit avoir une plage de fonctionnement le plus large possible pour pouvoir naviguer sur différents revêtements et avec différentes températures. "C'est autant valable pour un pneu route qui doit rouler entre 0 et 40° de température extérieure autant l'hiver que l'été. Pour un pneu slick, la gomme donnera sa meilleure performance quand il sera chaud. Le pneu doit atteindre au moins 70° (c'est pour cela que tous les pilotes utilisent des couvertures chauffantes) et il marche le mieux quand il est entre 80 et 95°."
C'est le moment que choisit Philippe pour revenir au stand. Gwendal s'arme de son pistolet laser, pardon, de son capteur de température afin de noter un maximum d'information. Il prendra ainsi la température sur toute la surface du pneu avant et arrière sans oublier de prendre la température de la piste. Tout est ensuite consigné sur des feuilles de travail afin qu'il puisse analyser tout ça au calme. "Ce n'est pas possible de tirer des conclusions comme cela. Donc je note un maximum de chose (températures, nombre de tour effectué, temps au tour, pression à froid, à chaud)) et il ne faut rien oublier car après, on ne se rappelle pas et c'est impossible de retrouver une donnée manquante. Et puis je noterai aussi les réactions de Philippe afin d'être le plus exhaustif possible"
Pourtant, cette évaluation de la performance de ce nouveau BT-003 ne servira bien entendu pas à modifier le pneumatique. "Il s'agit d'une validation par les service techniques européens (mes copains en Italie, Espagne, Angleterre, Allemagne font les mêmes choses sur leurs circuits et avec leurs pilotes) parce que d'un côté on reçoit des informations techniques par le Japon lors de la présentation du pneumatique et de l'autre, on aime bien contrôler et valider les infos que l'on nous donne. On travaille donc avec les infos que l'on reçoit car il y a des choses secrètes que le Japon ne peut pas nous dévoiler. Les pneus sont développés au Japon sur des circuits et avec certaines températures. Même s'ils sont finalisés en Europe, il faut les valider dans chaque pays européens de l'Ouest parce que les températures, les revêtements et le grip des circuits peuvent être différents d'un pays à un autre. Ensuite, toutes nos infos sont centralisées à Bruxelles avant de remonter au Japon. Ca reste un produit fini mais on a besoin de l'étalonner au niveau des gommes et des nouvelles constructions de carcasse. On aura peut-être des pressions à changer pour lui donner le maximum de performance. C'est important pour les futurs conseils que l'on donnera aux clients."
Un nouveau retour au stand de la KTM RC8 nous interrompt à nouveau. En plus des températures, Gwendal utilise un autre appareil de mesure : le duromètre. Il s'agit d'un appareil que l'on plante dans le pneumatique afin de mesurer la dureté shore, autrement dit, la dureté de gomme aussi bien à froid qu'à chaud. Gwendal m'explique que "plus la dureté shore est faible, plus la gomme est tendre mais cela ne donne que de nouvelles indications en vue de l'analyse finale."
A chaque retour au stand, Philippe donne ses impressions mais au vue du sourire des 2 hommes, les résultats semblent encourageants même si les conditions de test ne sont pas idéales aujourd'hui puisque la pluie s'invite de temps à autre. Si toutes les mesures prisent par Gwendal vont être importantes pour le conseil aux futurs clients, une autre question me vient : est-ce que tous ces résultats vont servir à la création d'un futur modèle ? "On ne sait pas et ce n'est pas notre travail et il y a d'autres services qui s'occupent de ça " m'explique Gwendal. "Le but de tous ces tests est d'étalonner le BT-003 par rapport au précédent BT-002 même s'il est déjà meilleur. On veut savoir comment utiliser ces performances au maximum de ses possibilités c'est ça que l'on a besoin de valider. On a des tableaux qui sont assez généraux et on a besoin d'être plus précis. Il va falloir s'étalonner sur différents circuits et avec différents pilotes. Philippe commence et il y en aura 3 ou 4 autres qui vont nous aider à faire ces tests, le but étant de récolter un maximum d'informations pour que demain, quand on le commercialisera et que l'on aura des questions des clients, on sera à même de leur dire : il faut mettre ces pneus là avec telle pression et telle qualité de gomme en fonction du circuit et de la période de l'année où il va rouler. On ne conseillera pas forcément les mêmes gommes en février qu'en août par exemple."
En fin de journée, Gwendal prend de nombreuses photos du pneumatique après les sessions de roulage afin de pouvoir analyser la manière dont travaille le pneu. Et le circuit de Bresse semble être un bon circuit de test. D'après Gwendal, "le circuit est récent et il a l'air apprécié des pilotes. Le revêtement est plutôt bon donc il y a un bon grip, les pneus sont usés très proprement et ça permet de mieux travailler que sur des circuits bosselés ou trop abrasif ou pas du tout abrasif. Il faut mieux travailler sur des circuits intermédiaires même s'il faut quand même savoir ce que valent les pneus sur ces circuits extrêmes."
Même si les conditions de test n'ont pas été optimum, les premiers résultats ont l'air plutôt encourageants. D'autres journées seront organisées par Bridgestone afin de valider encore tout se dont les futurs pilotes auront besoin de savoir afin d'utiliser au mieux ce nouveau BT-003.
Un grand merci à Bruno Lyet pour les photos en action de Philippe. Retrouvez tous ses services sur www.photolyet.com. Merci aussi à Gwendal pour toutes ses explications et à Philippe pour son invitation à cette journée.
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