Sorties de crise - Crise de Suez : comment l'Amérique a fait face à la récession
Alors que l’Europe vogue tranquillement sur les Trente Glorieuses, l’Amérique subit un revers douloureux occasionné par la crise de Suez. À la fin des années 1950, l’Amérique est contrainte de revoir ses prétentions à la baisse. Et ça, elle n’aime pas.
En juillet 1956, le président égyptien, Gamal Abdel Nasser, nationalise le canal de Suez. Français et Anglais ripostent aussitôt, mais sous la pression des États-Unis et de l’U.R.S.S., l’ONU exige le retrait de ces troupes. La fermeture du canal pendant quatre mois déclenche une crise économique internationale qui fait vaciller l’industrie automobile. De 6,1 millions d’unités produites en 1957, la production américaine chutera à 4,2 millions l’année suivante.
Les restrictions de carburant consécutives à la Crise de Suez contraignent les constructeurs américains à prendre conscience d’une notion qui leur était jusque-là étrangère : la consommation. Le millésime 1960 marque un tournant décisif dans l’histoire de l’industrie américaine. Depuis la Crise de Suez, le lustre de l’Amérique s’est terni. La boulimie de puissance et les ailerons insolents ne sont plus de saison.
Programmés avant cette récession, les modèles américains poursuivent sur leur lancée de l’arrogance jusqu’au millésime 1959. Cette année-là, les voitures américaines parviennent au paroxysme de leur arrogance. Sur ce registre, la Cadillac Eldorado Biarritz demeure la plus excentrique de toutes les automobiles jamais commercialisées.
À partir de 1960, les carrosseries deviennent plus discrètes, les ailerons s’émoussent, les décorations s’estompent. L’industrie américaine connaît de cuisants revers. Ford lance le label « Edsel » en 1958, mais renonce au bout de trois ans. Lorsque la Ford Motor Company décide de créer une nouvelle marque, la catégorie moyenne à laquelle appartiennent Pontiac ou Dodge a le vent en poupe. Trois ans plus tard, quand la gamme Edsel, arrive sur le marché, pour le millésime 1958, le vent a tourné. Le segment visé a sombré de 25 à 18 %. Ford avait projeté de vendre 200 000 Edsel par an, mais la réalité sera autre avec 63 130 voitures produites pour le millésime 1958, 44 8912 pour 1959 et 2 711 pour 1960. L’expérience n’ira pas au-delà !
Fiasco aussi chez Chrysler qui met un terme à la fabrication des DeSoto à l’issue de l’année 1960. Chez American Motors, les marques Nash et Hudson sont abandonnées en 1957 pour ne conserver que la marque Rambler. Packard disparaît en 1958 et Studebaker jette l’éponge en 1966.
Les restrictions de carburant consécutives à la Crise de Suez contraignent les constructeurs américains à prendre conscience d’une notion qui leur était jusque-là étrangère : la consommation. Les « Big Three » mettent en chantier des produits plus compacts, équipés de moteurs plus économes. Cette offensive est menée pour enrayer la progression des voitures importées d’Europe sur le marché américain.
Ces « compact cars » apparaissent à l’automne 1959 : Chevrolet Corvair chez General Motors, Falcon chez Ford et Valiant chez Chrysler Corporation. Autant de modèles qui remettent en cause le mythe de la « belle américaine ». Ces voitures sont comparables, par leurs dimensions, aux européennes de haut de gamme, excédant à peine les 4,50 mètres de long, contre 5,50 mètres pour les berlines standard.
Étudiée sous la direction de Edward N. Cole (futur président de la General Motors), la Corvair est la plus originale des trois compactes. Lancée au Salon de Paris 1959, la Chevrolet Corvair surprend autant par son style que par sa technique. Sa ligne est marquée par une ceinture de caisse qui souligne toute la voiture, séparant clairement superstructure et infrastructure, une ligne qui ceint toute la caisse sans aucune interruption. Cet effet sera copié sur des voitures européennes plus petites telles que la Fiat 1500 et la NSU Prinz. La surface vitrée suit également des contours singuliers avec une lunette arrière panoramique qui assure une exceptionnelle visibilité. Étudiée avec l’aide de Porsche, la Corvair est équipée d’un moteur six cylindres à plat qui est placé à l’arrière. Il s’agit d’un groupe de 2,3 litres qui développe 80 ch dans sa version de base et jusqu’à 95 chevaux dans son exécution la plus dynamique.
Dans son livre « Unsafe at any speed » (dangereuse à toutes les allures), l’avocat Ralph Nader mettra en cause la Corvair sur le plan de la sécurité. La croisade que mène cet avocat justicier fait grand bruit aux Etats-Unis et écourtera la carrière de la Corvair dont la fabrication cessera le 14 mai 1969.
La Valiant, vendue par le réseau Plymouth sans en porter la marque, est très conventionnelle sur le plan mécanique, mais sa ligne est originale. Elle a été imaginée dans un style baroque par le styliste Virgil Exner en coopération avec le carrossier Ghia. La Falcon diffusée sous l’écusson Ford est la plus banale des trois compactes, tant sur le plan esthétique que dans le domaine mécanique.
American Motors n’est pas absent du combat que vont se livrer les trois « grands ».La Rambler American a même été créée avant ses trois rivales puisqu’elle a fait son apparition dès 1958. Établie sur un empattement de 2,54 m, c’est vraiment une voiture à l’échelle européenne. Elle est quand même animée par un moteur six cylindres en ligne de 3,2 litres, une cylindrée modeste outre-Atlantique, mais respectable du côté de la vieille Europe. Les compact cars provoquent un changement radical dans les habitudes de consommation. Les Américains se tournent progressivement vers des automobiles moins statutaires.
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