Une voiture radar responsable d’un accident assez grave en Normandie
Trois blessés, des dégâts matériels importants, des services de secours sollicités… La sortie de route d'une voiture radar le dimanche 21 mai sur une départementale de la Manche est pour le moins spectaculaire. L'accident loin d'être anodin est pourtant passé complètement inaperçu dans un premier temps. Une plainte a été déposée par l'un des blessés percutés. Voilà ce que nous savons.
Ce qui devait arriver est arrivé, diront certains… Dans la région même où cette externalisation a démarré de manière effective en 2018.
Dimanche 21 mai, vers 11h, une voiture radar « privatisée » a causé un accident relativement grave en Normandie.
Les faits se sont produits sur la départementale 972 entre Saint-Lô et Coutances dans la Manche, là où la vitesse est limitée à 80 km/h.
Selon les premiers éléments récupérés, la conductrice se serait endormie. Elle a donc perdu le contrôle de son véhicule, équipé d'un radar capable de flasher les excès de vitesse dans le flot de la circulation.
Et elle est venue percuter en pleine ligne droite une Ford Mustang décapotable roulant dans le sens inverse, la propulsant dans le fossé, après plusieurs tête-à-queue.
Bilan : 3 blessés – la conductrice en question, âgée de 36 ans, et les deux passagers septuagénaires du véhicule tamponné -, deux voitures détruites (cf. la photo de la Ford Mustang accidentée, transmise par son propriétaire ci-dessus) et beaucoup de frayeur.
Piégés dans leur auto, ainsi encastrée dans le fossé, les deux vacanciers heurtés ont dû être évacués par le toit.
Trois compagnies de pompiers, soit 16 sauveteurs au total, se sont déplacées, en plus de la gendarmerie.
« Heureusement, un pompier volontaire qui passait par là a été le premier à intervenir, car la voiture fumait, et nous, coincés mais bien conscients, avons été soulagés qu’il débranche au plus vite la batterie », témoigne encore sous le choc Michel, 75 ans, contacté par Caradisiac.
La vitesse est-elle aussi en cause ? Michel assure en tout cas avoir calé son limiteur à 77 km/h.
Et aucun autre élément ne permet d'incriminer une vitesse excessive, d'un côté comme de l'autre, dans cette collision.
Une info passée inaperçue jusqu'ici
C’est seulement 12 jours après ces événements que l’information a commencé à circuler dans la presse locale. Celle de l’Occitanie, d’où est originaire Michel. Pas celle de Normandie, où cela s'est produit.
« Victime d'un grave accident de la route, un retraité du Lot porte plainte contre une société de voitures radar », titre La Dépêche le 2 juin.
Cette plainte déclenchera-t-elle l'ouverture d'une enquête judiciaire ? Pour quel(s) motif(s) exactement ? Qui sera vraiment poursuivi : l'État, propriétaire des véhicules, ou la société en charge de les conduire ?
Toutes ces questions restent pour l'heure sans réponse, mais Michel a bien confirmé sa plainte auprès de Caradisiac qui a même pu la consulter.
« C’est quand même inadmissible qu’une voiture qui œuvre théoriquement pour la sécurité nous soit foncée dessus comme ça ! », enrage-t-il. « Elle nous a gâché nos vacances ».
Cet ancien rugbyman toujours fringant a dû subir deux interventions à l’œil. « J’ai beaucoup souffert ».
« Elle m’est rentrée pleine gauche, décrit-il, ma portière a explosé, j’ai donc pris plein de morceaux de verre en pleine face, dont cinq dans l’œil ».
La cicatrisation va être « longue », a-t-il été prévenu. Il va donc devoir patienter avant de savoir s’il en gardera des séquelles.
C’est d’ailleurs sa plus grande crainte désormais : « ne pas retrouver toute [son] acuité visuelle ».
Quant à sa compagne, 70 ans, elle souffre des cervicales : « elle a eu le coup du lapin ».
Pour lui, c’est sûr, c’est sa Ford Mustang qui les a sauvés, et permis qu’ils s’en tirent finalement aussi bien.
« Les 8 airbags se sont déclenchés, il y a des renforts partout », et comme sa belle cylindrée était équipée d’un système d’urgence, les secours ont tout de suite été prévenus.
Il en rêvait depuis 15 ans de cette Ford Mustang, introuvable en France ! « Je l'ai fait venir d'Allemagne, je venais juste de la récupérer ».
Après le choc, ce n'est malheureusement plus qu'une épave.
Même si Michel est très bien assuré, et qu’il peut compter sur un remboursement intégral, il se « désole » de s’en séparer.
Les voitures radar, de vrais dangers ?
Et la conductrice de la voiture radar, comme va-t-elle ? « Je l'ignore. Elle m’a appelée, mais je n’ai pas eu le cœur de lui répondre ».
Selon les premières observations transmises par les pompiers, consultées par Caradisiac, elle était légèrement blessée.
Elle aussi a quand même été transportée « au service des urgences de l’hôpital Mémorial de Saint-Lô » pour y être soignée, comme le rapporte également la dépêche de Ouest France, publiée le jour même de l'accident, mais sans mention d'une quelconque voiture radar.
Ni la gendarmerie locale, ni celui qui nous a été présenté comme le responsable hiérarchique de cette employée n’ont voulu répondre aux questions de Caradisiac.
« Il s'agit vraiment d'un accident sans circonstance aggravante comme la consommation d'alcool ou de produits stupéfiants, a tout de même pris soin d’indiquer ce dernier à La Dépêche, vendredi. Nous n'avons rien à reprocher à notre employée qui a un comportement irréprochable au travail, j'ai d'ailleurs une entière confiance en elle ».
En Normandie, la société qui théoriquement gère ces voitures radar pour le compte de l'État, est l'entreprise de nettoyage Challancin, et plus exactement l'une de ses filiales, Mobiom.
Son contrat a été renouvelé à la toute fin 2021, pour 4 ans, pour plus de 9 millions d’euros TTC, dans cette région.
On la retrouve également au volant de ces radars nouvelle génération en Bretagne et dans le Grand Est.
Il y a deux mois, elle a déjà défrayé la chronique. Pour le parc cette fois géré en Alsace.
L’un de ses anciens chauffeurs a en effet pris la parole dans le plus grand quotidien régional pour dénoncer l’état déplorable des véhicules qu'il avait à conduire.
« Je pensais que nous concourrions à la sécurité routière. Or, les voitures radar sont des dangers. Au point qu’il m’est arrivé d’espérer me faire arrêter par les forces de l’ordre », s’était-il confié.
Véhicules aux kilométrages élevés, aux pneus lisses ou sans vignette d’assurance… Voilà en substance les reproches qu’il avait formulés.
C'est sûr que ces révélations ajoutées à cet accident du 21 mai ne sont pas sans soulever des interrogations.
Contacté par Caradisiac, le ministère de l'Intérieur n'a pas (encore ?) donné suite à nos sollicitations.
Le déploiement des voitures radar suspendu ?
Est-ce l'inflation, avec le prix du carburant, qui n'a pas cessé d'augmenter ces derniers mois, qui complique l'utilisation de ces voitures radar ? Est-ce la crise Covid qui a tout ralenti ? Est-ce en raison de ces incidents dont on vient de parler ? Ou des incivilités récurrentes que subissent les chauffeurs de ces engins ? Cela fait des années que l'on annonce l'achèvement de ce processus de privatisation des voitures radar à toute la France, mais celui-ci est sans cesse repoussé…
Aux dernières nouvelles, la fin de cette externalisation est programmée pour cette année 2023.
Hors Corse, où il n'est pas encore question de l'instaurer, il manque encore 4 régions en France métropolitaine : la Provence-Alpes-Côte d’Azur, l'Auvergne-Rhône-Alpes, l'Île-de-France et l'Occitanie.
Et pour que cette externalisation y devienne effective, il reste à passer de nouveaux contrats. Des procédures de marchés publics qui s'étalent systématiquement sur plusieurs mois.
Vérifications faites, aucun nouvel appel d'offres n'a pour l'instant été lancé pour ces 4 régions restantes.
Une chose est sûre : une grande opacité entoure cette externalisation.
On ne sait pas vraiment si une partie du parc, dans les régions concernées, reste sous la responsabilité des policiers et gendarmes, ou si tout est vraiment confié au privé, comme c'est théoriquement prévu sur le papier.
On ne sait pas combien cela représente exactement de véhicules, département par département.
Surtout, on ne sait pas si ces engins sont vraiment efficaces. Surtout quand ils sont privatisés.
La communication officielle a beau expliquer que cette externalisation de la conduite des voitures radar permet d'optimiser leur utilisation, de jour comme de nuit, de fait, aucune évaluation ne permet de savoir ce qu'il en est vraiment.
Les statistiques complètes ne sont jamais communiquées.
Les informations transmises de manière officielle au sujet de ces voitures radar, privatisées ou non d'ailleurs, sont toujours plus que partielles.
Il en va de même pour l'ensemble des radars automatiques, quel que soit le type.
Si bien qu'un sénateur, le centriste Vincent Delahaye, a récemment réclamé davantage de transparence, dans une question posée à Beauvau. Une question qui reste pour l'heure sans réponse…
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