Voyage sous le signe de la liberté : partie (1/3)
Voici le compte-rendu d'un séjour en Normandie que je me suis organisé au printemps dernier.
Pour vous faire partager ce que j'ai vécu durant trois jours dans cette région, et dans l'espoir que cela vous donne envie d'y aller faire un tour.
Certains y trouveront un roadbook sympathique à suivre pour des balades intéressantes à faire dans la région.
D'autres y trouveront simplement un récit sans doute un peu trop long qui j'espère les fera rêvasser un petit moment.
Lien vers le roadbook du séjour
Ca y est, je rentre à l'instant d'un séjour de trois jours passés en Normandie, effectué au guidon de ma fidèle monture.
Un voyage qui me laisse plein de souvenirs, que j'ai envie de mettre par écrit pour partager ce que j'ai vécu.
J'ai la tête pleine d'anecdotes, d'images, de senteurs, de sons, de sensations, de nouvelles connaissances ... Exactement ce que je cherchais !
Organisation
L'idée de ce séjour m'est venue tout simplement.
L'envie de rouler tout d'abord, puis de visiter une région que je ne connaissais pas.
Et enfin la possibilité de mêler au voyage l'aspect culturel des plages du débarquement de 1944.
Je me suis alors mis à écumer le Web à la recherche des spots à ne pas manquer, pris quelques notes, et ce n'est qu'après avoir noirci quelques feuilles blanches que j'ai commencé à ordonner toutes ces infos.
L'itinéraire prévoyait un départ de Caen, en visitant le mémorial de la ville, puis en suivant la départementale D514 qui longe la côte pour aller de Ouistreham jusqu'à la fameuse pointe du Hoc, célèbre pour la prise d'assaut musclée et improbable des Alliés en juin 1944 lors de l'opération Overlord.
A ce stade l'itinéraire ne me plaisait pas, car je n'avais pas envie de rallier Paris à Caen par l'autoroute. Ca aurait été fatiguant et surtout ennuyeux à mourir, d'autant que les routes de la côte sont peu viroleuses. Il fallait combler le roadbook entre Paris et Caen par quelque chose de plus amusant.
Je me suis alors renseigné vite fait auprès des offices de tourisme de la région pour voir ce qu'il y avait d'intéressant à visiter. A ma grande surprise, je découvre deux routes de tourisme qui s'annoncent particulièrement alléchantes, à savoir la route du cidre et la route de la Suisse Normande. Je reste ébahi devant les photos affichées sur certains sites ventant les mérites de la région, et me dis qu'ils ont sans doute un peu trop abusé des retouches sous Photoshop. Le séjour me montrera que ces photos étaient à peine exagérées.
Je pensais partir pour deux jours mais le roadbook s'est épaissi un peu et le tout tient désormais sur trois jours bien remplis. Juste ce qu'il faut, avec quelques bonnes marges pour sortir des sentiers balisés et se laisser rouler au gré de mes humeurs. Je ne prévois néanmoins pas beaucoup de repos et pense rester sur la route de 8-9H le matin à 22H le soir. Les bonnes vacances ne sont pas faites pour dormir !
Ne disposant pas encore du Bagster de réservoir, je me rabats sur un sac à dos léger, que j'évite de trop alourdir pour m'épargner le dos durant le séjour. Trousse de toilette, et un jean, un t-shirt, une paire de chaussettes et un caleçon, ça devrait aller en plus de ce que je porte. Pas de pull, il fait bon en cette saison, mais je prends un pantalon de pluie au cas où (ça reste la Normandie !).
Je bourre le reste de place avec une carte Michelin du Calvados, un pique-nique rapidement improvisé et quelques barres chocolatées pour les encas. Je n'oublie pas un peu de papier, un stylo, et un constat d'assurance pour le cas où. Et l'indispensable appareil photo en bandoulière, dans une saccoche spécifique.
Tout est fin prêt !
Le départ
Je pars à 11H le vendredi matin, pas trop tôt pour être bien reposé, et pas trop tard non plus pour ne pas avoir à me presser. Voulant partir initialement à 10H30, j'ai perdu un peu de temps à téléphoner à différents gîtes et hôtels pour réserver une chambre pour le soir.
Le temps de finir le sac, de vérifier que je n'ai rien oublié, faire le plein d'essence, contrôler la pression des pneus, regarder une dernière fois la carte et zou c'est parti ! Plein gaz vers Lisieux, pour récupérer les clés de la chambre. Je serai ainsi tranquille pour le reste de la journée et pourrai rentrer à n'importe quelle heure de la soirée.
Cette première étape n'est pas terrible. Je pensais sortir de l'A13 au niveau des Mureaux pour profiter des petites départementales jusqu'à Vernon, mais je me suis planté plusieurs fois de route par des directions qui sont mal indiquées. Je perds finalement 1H sur mon planning mais je ne suis pas pressé. En cette saison il fait jour jusqu'à 21H30, il y a de la marge.
J'arrive finalement à Lisieux, et me gare devant l'hôtel. Pas de chance, le réceptionniste n'est pas là, je suis arrivé 20mn trop tard. Je l'appelle et il me dit que je peux retirer la clé jusqu'à 19H30, limite 20H. Bon, ça me laisse quand même quelques heures libres pour l'après-midi. Je mangerai le pique-nique plus tard, ça m'évitera de perdre trop de temps dans un restaurant. Tout va bien.
Je fais le plein, et regarde la carte. Direction Cambremer pour rejoindre la route du cidre via la nationale N13.
Route du Cidre
La route pour rejoindre Cambremer est très sympa. Elle enchaîne de grands virages où la visibilité me permet d'enrouler à des allures peu recommandables mais sûres. Je me cale naturellement à un rythme de 140km/h, en fonction du vent et de la température.
Le voyage commence vraiment, je laisse ma tête se vider de tous ses tracas.
L'entrée sur la route du Cidre est facile à trouver, indiquée par un panneau à suivre, avec une petite pomme rouge.
La transition avec la nationale est brusque, et on est plongé en pleine campagne en une petite centaine de mètres à peine.
La route est très cahoteuse et le restera jusqu'à la fin de l'après-midi. Elle est aussi très étroite, au point que je me demande comment peuvent se croiser 2 voitures. Heureusement il y a très peu de circulation, ça sent le coin paumé ! Je m'arrête souvent plusieurs minutes au bord de la route pour prendre des photos, et personne ne passe. Vive la campagne !
La moto souffre un peu, car je dépasse rarement 30km/h à cause de la route et des gravillons. Je passe mon temps à faire 200m, couper le contact, prendre des photos, démarrer et repartir. La moto chauffe, le ventilateur s'affole, la batterie en prend un coup, et le plein d'essence fera la moitié de l'autonomie habituelle, à cause des redémarrages consommateurs en énergie. La moto n'est pas un véhicule fait pour rouler lentement !
Le paysage est vraiment magnifique. C'est bien simple, je passe mon temps à faire des photos, parfois il y a tellement de choses intéressantes à voir que je laisse la moto dans un coin et je fais 50, 100, puis 200m à pied. Ah tiens, encore un point de vue intéressant là-bas, et hop 100m de plus. Je laisse le casque et les clés sur la moto, il n'y a personne pour la voler ici !
Les conditions météo sont parfaites à mon goût. Pas de vent, température de 18° pas trop chaude ni trop fraîche. Ciel couvert et contrasté qui lui donne de la densité pour les photos. Mais en contrepartie, je dois jouer beaucoup avec le mode manuel de l'appareil pour bien contrôler l'exposition. Si je laisse faire l'appareil, j'aurais soit un ciel trop blanc, soit de la verdure trop sombre. Je choisis de sous-exposer volontairement toutes les photos et j'aurais la satisfaction le soir à l'hôtel de constater que j'ai fait le bon choix, en revisionnant les photos de la journée pour un premier tri.
Les paysages alternent, les champs de pommiers de Grandouet, les enclos à vaches de La Roque Baignard et les champs de fleurs jaunes, blanches et roses de Bonnebosq. La forêt de St Ouen le Pin change un peu la donne et amène un air plus frais, à cause de l'ombrage des grands conifères.
En plus du plaisir des yeux, je me concentre aussi sur les nombreux stimuli olfactifs et auditifs que procure cet environnement idyllique. Le chant des oiseaux, des grillons et des ruisseaux est un régal pour mes esgourdes, tandis que je prends de grandes respirations profondes pour sentir l'odeur de l'herbe humide, de la terre, de la pierre et du bois. Je ferme les yeux de bonheur et m'allonge 5mn dans l'herbe. Quel plaisir !
Il n'y a que la route et les enclos qui rappellent la présence des hommes, mais pas une route, pas un cri d'enfant, ou pas même le bruit d'une tondeuse à gazon ne vient perturber ces instants de plaisir.
Je m'enfonce dans un chemin d'impasse, pour une dégustation de cidre chez un couple de fermiers bien sympathiques. Ils sont déçus que je n'achète pas une de leurs bouteilles, mais je n'ai pas de place pour la transporter.
Je m'arrête quelques minutes au village de Beuvron-en-Auge, classé parmi les plus beaux villages de France. Et ça se comprend. Des maisons typiques de la Normandie, fleuries comme je ne l'ai encore jamais vu. Une ambiance très apaisante qui me donne envie de revenir 100 ans en arrière, quand le bitume et les voitures n'existaient pas encore.
Je n'ai pas le temps de finir la route que je m'étais fixée, car il est déjà l'heure que je revienne vers Lisieux pour récupérer la clé de la chambre d'hôtel. Je profite encore de quelques coins de verdure et reprends la nationale en trombe pour ne pas rater le réceptionniste. J'arriverai avec 10mn de marge, ouf !
La chambre est correcte, un lit, un lavabo, une télé, douches communes à l'étage. Je n'en demande pas plus, je ne suis pas regardant sur le confort et ai privilégié le prix.
Je me pose un peu, le temps de dénouer les muscles tendus par la route, et je mange le pique-nique que je n'ai finalement pas pris le temps de prendre. Je regarde dehors, il fait encore jour, alors je décide de repartir faire un tour à moto, cette fois sans mes affaires. Un peu d'arsouille pour décrasser le moteur du rythme trop lent que je lui ai imposé durant la journée. Mais avant celà, un petit nettoyage du casque s'impose !
Ca tombe bien, l'hôtel est à 2 pas d'un rond-point d'où partent des petites départementales sinueuses vers des bourgs dont je lis à peine le nom. L'important est de faire hurler le moteur et de prendre le plus de sensations possibles. Je ne m'écarte que d'une dizaine de kilomètres à chaque fois, pour ensuite revenir sur mes traces, et reprendre un autre itinéraire à partir du rond-point de l'hôtel.
Je me câle en 2nde ou en 3ème et je fais grimper l'aiguille à 8000 tours. Le moteur gronde puis hurle, j'ai les doigts de la main droite posés sur la poignée de frein, prêts à réagir en une fraction de seconde en cas d'imprévu. Je contracte mes pupilles à fond pour ne manquer aucun détail de la route et je concentre toute mon attention sur le regard. Pour limiter la prise de risques, je m'imagine un tracteur à la sortie de chaque virage, ou une plaque de gravillons.
Cette conduite est très grisante mais aussi très fatiguante après coup, d'autant que la route est tellement bosselée par endroit que la moto sautille et je suis contraint de me mettre en appui sur mes cuisses pour amortir et ne pas me faire désarçonner. Un vrai rodéo !
Je flatte l'encolure de ma monture si performante. Un vrai missile. Je crie dans mon casque tellement c'est bon. C'est ça aussi la moto ...
Le jour tombe petit à petit et je me dis que j'ai encore le temps de faire une dernière petite route. Je repars du rond-point vers une autre destination, et à la sortie d'un virage, aperçois une jeune femme marchant sur le trottoir à contresens. A la vitesse où je suis, j'ai peu de temps pour la distinguer, mais je la trouve mignonne. Je lui fais un signe de tête et me rends compte qu'elle sourit. Ma monture est belle (on se tait les jaloux !), mon allure aussi (du moins tant que je n'enlève pas le casque !), je fais un bruit de tonnerre. Forcément, ça en jette !
Mais je me resaisis et concentre mon attention sur la route. Je prends juste le temps de jeter rapidement un coup d'oeil dans mon rétroviseur, et j'aperçois la jeune femme, retournée, qui me regarde encore. Tout cela s'est passé en moins de 2s, c'est rapide mais ça m'a marqué. Je me rappelle encore de son sourire, de sa coupe de cheveux, de son imperméable beige clair, de son jean patte d'éph et de ses talons aiguille ...
J'aurais dû faire demi tour tout de suite et aller la voir. Au lieu de ça je passe les 2km suivants à me dire "fais demi tour JP, fais demi tour !". Dommage, je n'ai pas su sauter sur l'occasion. Ca ne m'aurait rien coûté d'aller lui dire bonsoir et d'échanger quelques mots.
Je finis par rentrer à l'hôtel, en scrutant les bordures de route à la recherche de la silouhette de cette jeune femme. Mais elle a disparu comme elle est apparue, comme si inventée par mon esprit. Je me couche crevé, après avoir visionné les photos de la journée, et en rêvant à ce qu'aurait pu donner une rencontre avec cette jeune inconnue ...
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