24 heures du Mans 2016 - 14h57 : la déception de Toyota vécue de l'intérieur
Alain Dalbera , mis à jour
Il y a quelques jours, notre cameraman Alain Dalbera couvrait les 24 Heures du Mans. A 14h56, le 19 juin, il était dans le stand Toyota dont l'une des voitures s'apprête à remporter la course. Alain tourne les secondes qui précèdent le sacre. A 14h57, la n° 5 s'immobilise. C'est perdu. La caméra d'Alain continue de tourner et filme comment on passe en une seconde de la joie à la tristesse dans le camp japonais. Retour sur des images étonnantes racontées par Alain.
Les 24h du Mans peuvent se vivre depuis les tribunes, depuis les stands, et parfois depuis les terrasses des constructeurs. Ce 19 juin, j'assiste à l'arrivée des 24 Heures à l'hospitalité Toyota. Ce devait être l'endroit le plus joyeux du circuit, mais cela va vite basculer, rappelant quelques souvenirs...
Heureusement que des visages connus de longue date sont là, sinon on pourrait presque se sentir un côté "chat noir". En 2010, c'était chez Peugeot que l'ambiance était passée d'optimiste au début de la course à déprimante lors de l'abandon de la dernière 908 HDi FAP. L'événement était tellement incroyable qu'il résonne encore aujourd'hui. Mais il avait presque eu le bon goût d'arriver tôt et de permettre pour qui le voulait de partir un bon TGV avant tout le monde.
En cette année 2016, chez Toyota à 10mn de l'arrivée, l'ambiance est détendue, tout le monde se regroupe sur la terrasse offrant une magnifique vue sur le raccordement, des drapeaux sortent en se préparant à célébrer cette victoire attendue. Mais la sobriété est cependant de mise et presque étonnante, une sorte de retenue "à la japonaise" : de petits bols de cacahuètes se préparent, quelques biscuits apéritifs, mais rien de triomphant. A cette heure-ci, le champagne reste au frais et attend le bon moment.
Cette élégance rendra sans doute les instants suivants moins cruels. A 3mn25 de la fin de course, la TS050 Hybrid n°5 de Kazuki Nakajima s'immobilise devant la ligne des stands. Le speaker animant notre espace doit improviser n'en croit pas ses yeux, et nous nos oreilles. En fait, personne ne comprend vraiment les images de l'écran. S'arrêter en pleine ligne droite doit avoir une autre signification : le pilote veut saluer l'équipe, prendre un drapeau comme dans les temps anciens de la F1, ou il n'a pas compris qu'il devait faire encore un tour... Le petit souvenir agréable que je pensais filmer sur mon portable change alors d'ambiance quand la nouvelle se confirme. Alors que les traits se figent, l'animation gagne nos voisins de Porsche, dont le bâtiment officiel est en face du notre. Les drapeaux s'agitent de leur côté, se rangent du nôtre. Si cela est triste chez nous, on n'ose imaginer ce qu'il en est pour les équipes et les mécaniciens qui se donnent entièrement à la compétition. Une bouteille de champagne s'ouvre tout de même, un peu comme pour dire qu'il y a plus grave. Ça sera finalement la seule, elle finira abandonnée car le cœur n'y est pas.
Pour se servir une coupe de champagne, il fallait être chez Porsche, Alpine, ou Ford qui sont arrivés premiers dans leurs catégories respectives. Pour partager un état d'esprit un peu spécial mais fair-play, il fallait être chez Toyota. La marque a perdu la course, mais gagné en respect. Cependant la prochaine fois, je veux bien venir avec une patte de lapin, un trèfle à 4 feuilles, ainsi qu'un fer à cheval. Si cela peut aider à ouvrir cette satanée bouteille.
Déposer un commentaire
Alerte de modération
Alerte de modération