En 2013, plus de 24 millions de Français roulent au diesel, soit 65 % du parc automobile. Une part qui place la France en tête des pays les plus diésélisés en Europe et dans le monde. Cet amour pour le gasoil, l’Hexagone l’a contracté il y a 50 ans, au sortir de la guerre. Pour relancer l’économie et doper la compétitivité, l’Etat détaxe alors le gazole. Le phénomène s’accélère à la fin des années 60 avec l’apparition des centrales nucléaires. Pour compenser le délaissement du fioul qui servait au chauffage, le gouvernement incita la production massive des véhicules destinés à écouler la l’excédent de gazole. Ce fut le début de la course au diesel. Dans les années 80, la part de cette énergie représentait déjà 5% des voitures neuves vendues. Depuis se sont succédé un choc pétrolier, des incitations fiscales (bonus/malus, prime à la casse) et un énorme pole professionnel créé autour de l’industrie du diesel. Si bien qu’aujourd’hui, la part des voitures neuves diesels vendues en France flirte avec les 73%.
71% des automobilistes n’amortissent pas leur achat
Dans l’esprit d’un Français, rouler diesel, c’est rouler économique. Pourtant, une récente étude menée par l’institut indépendant UFC Que Choisir rapporte que 71 % des acheteurs n’amortissent pas leur achat. « Plus cher à l’achat (1 000 € à 1 500 €), le diesel, pour être rentabilisé, implique un usage intensif du véhicule, soit en général au moins 20 000 km par an. Pourtant, le kilométrage moyen parcouru par les sondés utilisant ce type de motorisation est dans 71 % des cas inférieur à 20 000 km par an. Le diesel n’est donc pas un choix rationnel, par rapport à l’essence, pour une majorité de ménages », rapporte l’UFC. Acheter un diesel engage également à des dépenses supplémentaires pour les postes entretien et assurance. « Si la version gasoil vaut 7 % de plus que la version essence, l'assurance sera alors environ 7 % plus chère en moyenne », explique l’organisme indépendant UFC. Enfin, autre critère : l'entretien. Sur ce point, le diesel reste plus onéreux. Le moteur exige une huile plus haut de gamme, des intervalles de vidange plus rapprochés et une technologie plus pointue, donc plus chère.
Normes Euro 6 = surcoût pour les diesels
Si le diesel n’est économique que pour les gros rouleurs, les mentalités ont du mal à changer. Mais le vent est en train de tourner. L’arrivée des nouvelles normes de dépollution imposées aux constructeurs vont accélérer la chute des ventes observée, pour la première fois depuis près de 20 ans, sur les véhicules diesels aux mois d’octobre et novembre 2013. À compter du 1er septembre 2014, les constructeurs automobiles auront l’obligation de traiter en plus du CO2 (dioxyde de carbone), les Nox (dioxyde d’azote). Un gaz jusqu’ici « oublié » par les pouvoirs publics sensibles au lobbying des constructeurs et des pétroliers. Plus compliqués à dépolluer que l'essence, les moteurs diesels vont voir leur coût de fabrication augmenter, entraînant dans leur sillage une hausse des prix de vente de tous les modèles. Pour le moment, ce surcoût est estimé à environ 1 500 €. « Sur un véhicule haut de gamme à 50 000 €, cette inflation est indolore. Mais sur une polyvalente ou une compacte à 12 000 €, c’est loin d’être le cas », explique Michel Holtz, journaliste automobile au Huffington Post. Sans donner de chiffre précis, PSA estime à quelques centaines d’euros le surcoût pour l’achat d’un diesel « Euro 6 ». Quoi qu’il en soit, au final, le client lambda paiera plus cher son diesel dans une concession pour un véhicule homologué après le 1er septembre 2014. Homologué et non vendu à compter du 1er septembre. Cette nuance est importante car l’entrée en vigueur d’une nouvelle norme antipollution se fait toujours en deux temps. La date annoncée indique le premier temps, celui à partir duquel il n’est plus possible d’homologuer une voiture neuve qui ne respecte pas la nouvelle norme. Mais il y a un second temps, un délai pendant lequel les constructeurs ont le droit de continuer à vendre des voitures qui ne respectent pas encore la nouvelle norme. Ce délai a pour but d’écouler les stocks et d’adapter la production. En général, il varie de 16 à 18 mois. En conséquence, l’augmentation des tarifs se mettra en place fin 2015, début 2016 selon les marques et les stratégies adoptées, en fonction de la commercialisation de nouveaux modèles et de la disparition des anciens.
Pourquoi vous allez rouler davantage à l’essence
L’équation est enfantine. D’année en année, les diesels seront plus sévèrement (et financièrement) punis par le malus écologique, leur homologation engendrera un surcoût pour le client alors qu’en face l’écart tarifaire entre l’essence et le gasoil n’apparaît plus aussi conséquent que par le passé. Sentant le changement s’amorcer mais sans totalement délaisser le diesel, les constructeurs ont changé leur fusil d’épaule et se tournent massivement vers l’essence et les solutions alternatives (hybride/électrique). Renault a récemment investi 300 millions d’euros dans son usine de Cléon (76) et PSA 893 millions dans celle de Tremery (57) pour le développement de moteurs essence plus modernes. Dorénavant, ce seront eux qui seront mis en avant dans les concessions. De petite cylindrée, ces mécaniques bénéficient d’une injection directe et d’un turbo. Elles affichent des consommations similaires au diesel pour un agrément et des performances souvent supérieurs. A titre d’exemple, PSA mise beaucoup sur son petit 3 cylindres 1.2 Turbo capable de fournir une puissance de 130ch. Cette offre développée pour l’Europe servira aussi à fournir des marchés bien plus lucratifs comme la Chine et le Brésil. Les autres généralistes Volkswagen (TSi) et Ford (Ecoboost) ont déjà entamé leur mue vers l’essence depuis plusieurs mois. De plus, cette nouvelle génération de moteurs essence est beaucoup moins émettrice de particules fines, sévèrement encadrées par la prochaine norme Euro 6.
Certains défendent encore le diesel
Pour certains acteurs du marché, cet avenir funeste ne signe pourtant pas l’arrêt de mort du diesel. Ils pensent qu’il a, malgré tout, de beaux jours devant lui. « Le diesel ne va pas s’écrouler. Il reste encore beaucoup de progrès technologiques à accomplir. Il est clair que le taux de diésélisation va s’atténuer, mais sa faible consommation et ses faibles émissions prêchent encore en sa faveur », explique Christian Chapelle, directeur chaîne de traction et châssis chez PSA. Les observateurs, eux, se veulent plus modérés, expliquant que le diesel sera destiné, comme il devait l’être depuis déjà 25 ans, aux gros rouleurs, mais dans un registre premium, histoire d’absorber plus subtilement le surcoût de la technologie. L’essence sera en revanche plus largement diffusée sur les citadines de type Renault Clio ou Peugeot 208.
42 000 morts par an dus au diesel
Le diesel pour les riches et l’essence pour les classes modestes ? Il paraît raisonnable de penser que dans les années à venir, le diesel ne sera plus le carburant privilégié par les conducteurs, même si ceux qui roulent beaucoup pourront encore se laisser tenter. Indépendamment de la problématique économique qui sera de plus en plus en défaveur du diesel (il ne serait pas étonnant que les avantages fiscaux incitant les entreprises à diéséliser leur parc disparaissent), son caractère polluant (rappelons que l’Organisation mondiale de la santé vient de le déclarer cancérogène et qu’il ferait 42 000 morts par an en France) incite de plus en plus les automobilistes à choisir l’essence aujourd’hui considérée par les normes d’homologation moins néfaste pour la santé.A moins que… Un tout récent rapport de l’association européenne Transport & Environment soulève en effet un nouveau problème. Les dernières technologies (injection directe, cylindrée réduite) destinées à améliorer les performances des moteurs essence « ont le mauvais goût d’émettre dix fois plus de particules fines cancérogènes que les moteurs diesel actuels ». De quoi relancer le débat et s’interroger sur le devenir de toutes les énergies fossiles, diesel comme essence.
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