Une manifestation coup de poing a eu lieu aujourd'hui au Mondial de Paris à l'appel du syndicat CGT (Confédération Générale du Travail) : j'ai croisé des centaines de salariés qui ont ainsi exprimé leur colère contre la suppression de 1000 emplois à l’usine de Renault Sandouville (des départs volontaires programmés...) dans le cadre d'une restructuration générale du constructeur français. Vers 13 h, ils ont envahi les Hall et les stands en brandissant des banderoles et des pancartes sur lesquelles j'ai pu lire "Renault dégraisse, les actionnaires encaissent", "Non au plan Ghosn, Oui aux emplois", "Tous ensemble interdisons les licenciements", "Expropriation des responsables de la crise", "Plaçons le capital humain au coeur de la stratégie de l'entreprise".
Petit rappel : le 9 février 2006, le patron du Groupe Renault Carlos Ghosn a présenté son plan "Renault Contrat 2009" : 26 nouvelles autos sont prévues jusqu'à la fin 2009, dont des voitures dotées de technologies environnementales (voir article).
Je suis allée à la rencontre des manifestants pour discuter avec eux : j'ai eu envie de recueillir leur point de vue à ce sujet. Ils ont aussi dénoncé leurs conditions de travail pénibles : ils ont évoqué notamment les stations de travail debout prolongées, le travail de nuit, les manipulations de charges importantes, les produits toxiques et chimiques, le stress et les dépressions dues à des objectifs toujours plus importants pour un salaire atteignant parfois tout juste le Smic pour des milliers d'entre eux. J'ai parlé notamment avec Didier Le Guinio, un élu CGT du Technocentre de Renault à Guyancourt qui résume bien la situation. Voici son témoignage :
"Vous vous souvenez sûrement qu'à ce fameux Technocentre Renault à Guyancourt, des personnes se sont suicidées il y a plusieurs mois. Donc aujourd'hui on est là pour dire à la direction qu'on est pas du tout d'accord avec son plan de suppression d'effectifs : on l'appelle comme ça, même si la direction dit qu'il s'agit de départs volontaires. Mais les salariés ne retrouvent pas leur compte : même si actuellement la charge de travail est légèrement en baisse, elle va de nouveau connaître une hausse rapidement. Au final, on aura beaucoup moins de salariés pour étudier les nouveaux projets, les nouveaux véhicules.
Notre PDG Ghosn a lancé son plan jusqu'à 2009 : lui-même reconnaît qu'il ne le tiendra pas, du coup les actionnaires réclament leur dû, alors pour cela Ghosn prend une variable d'ajustement que sont les salariés. C'est pourquoi nous ne sommes pas d'accord : d'après nous, la variable d'ajustement peut être prise sur les bénéfices, 20 milliards 500 millions au premier semestre 2008 et environ 6 milliards qu'il reste déjà en trésorerie. On peut donc embaucher sans problème et ne pas faire supporter la charge aux salariés. Mais les actionnaires ont parlé : ils souhaitent 6% de marge opérationnelle. Alors M. Ghosn les suit et nous on trinque. On est contre cette politique et on manifeste. Je tiens à préciser que le plan de départs volontaires concerne 4 900 salariés en France. On se bat donc tous dans nos établissements respectifs !"
Didier Le Guinio
La CGT explique qu'"elle a décidé d'une initiative au Mondial de l'automobile car, au-delà du rêve que représentent ces merveilleux bolides qui inondent les différents stands dans l'industrie automobile, des salariés souffrent physiquement et psychologiquement, et ne bouclent pas les fins de mois, malgré un Président de la République déclarant faire de la question du pouvoir d'achat un axe central de sa mandature".
Ce syndicat ajoute : "Venus des entreprises de la filière automobile, de Renault, PSA, Ford, Renault Trucks, des équipementiers et sous-traitants Valeo, Bosch, Faurecia, Delphi, Magnetti Marelli, Goodyear, Continental, Michelin, Lear, Autoliv et de nombreuses PME, 5000 salariés ont défilé vendredi 10 octobre au Mondial de l’Automobile de Paris à l’appel des fédérations CGT, de la Métallurgie, de la Chimie et du Verre-Céramique. Derrière la superbe vitrine commerciale et technologique et les paillettes, ils sont venus dénoncer la dégradation des conditions de travail, les souffrances, le mal-vivre, les bas salaires, le chômage technique, les plans de suppressions d’emplois massifs, les délocalisations. Alors que l’on parle de crise du secteur, les salariés sont venus rapeller les profits réalisés par les constructeurs qui préfèrent comme Renault fabriquer moins, avec moins de salariés, des voitures toujours plus chères."
Affaire à suivre ! Malheureusement dans cette histoire, c’est donc la lutte du pot de terre contre le pot de fer : espérons que les travailleurs aient gain de cause face au business ambiant...
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