Au secours, les Chinoises arrivent !
En cinq ans, les constructeurs chinois ont grignoté presque 6 % du marché européen. Deux fois plus que les Japonais quand, à la fin des années 1970, l’Europe leur a imposé un quota. Faut-il contingenter les importations de BYD, X-Peng et MG ?

C’était en 1975. Un été, en colonie de vacances, un moniteur m’avait à la bonne, car comme lui, j’étais passionné de « bagnoles ». Une fin d’après-midi, retour de randonnée, dans un patelin normand, il me désigne une Datsun marron qui ressemblait un peu à la Chrysler 180 de mon tonton, un style très américain que j’aime bien. Il se met à quatre pattes à l’aplomb du coffre, me désigne le train arrière et m’explique que c’est un essieu rigide, un truc pour les tracteurs ou les camions, inconfortable et ne tenant pas la route.
Il m’apprend que les Japonaises sont bourrées de gadgets mais très en retard techniquement, que l’on ne verrait jamais ça sur une Citroën (j’ai oublié de vous dire qu’il était très « chevronné », ce qui arrivait à des jeunes à l’époque) et qu’en plus, ces voitures n’étaient pas fiables et se vendaient très mal.
Au retour de la colo, je vérifiais : la vieille 404 de mon père avait elle aussi un essieu rigide et la Chrysler de tonton aussi.
Un ou deux ans plus tard, en 1977, l’Europe s’inquiétait de la percée des Nippones – passées entre 1973 et 1976 de 0,7 % à 2,7 % des ventes – et leur imposait un quota de 3 % du marché communautaire, quota qui durera jusqu’en 2001.
5,7 % du marché européen
Fin août, je me retrouve dans le rôle du moniteur de colo et mon fiston dans le mien. Nous venons de récupérer notre voiture de location à l’aéroport d’Ajaccio, j’avais réservé un break Toyota Corolla automatique « ou équivalent » et forcément, à la place, on me tend les clés d’une hybride chinoise. C’est ça ou une Dacia Jogger à boîte mécanique, pour 850 € la semaine, bienvenue en Corse.
J’envisage de prendre la Roumaine mais comme dans l’avion, je venais de lire que les marques de l’empire du Milieu ont progressé de 91 % en Europe au premier semestre et détiennent désormais 5,7 % du marché, va pour la Chinoise. En plus, mon fils la trouve plus sympa que la Dacia.
Les portes ferment dans un bruit de ferraille, les sièges n’ont aucun maintien, ni latéral, ni lombaire, et à 7 000 km, les mousses semblent déjà affaissées. On se croirait assis dans une vieille Citroën des années 1980, dos arrondi, vertèbres en vrac.
En sortant du créneau, je manque d’emboutir la voiture de devant, l’accélérateur n’a aucune progressivité, c’est quasiment un interrupteur.
Allons récupérer les filles et les valises. À l’ouverture du coffre, la tablette se détache d’un côté, le pion de la cordelette a cassé. Pas grave, c’est parti pour la montagne. Aïe mon dos, sur le moindre ralentisseur, à quatre plus les bagages, les amortisseurs tamponnent en butée. Une fois sorti de la ville, le moteur essence se réveille brutalement pour alimenter la batterie, passant de 0 000 à 4 000 tr/mn en moins d’une seconde, sans prévenir, que l’on accélère ou pas. Puis, son office générateur accompli, s’arrête tout aussi mystérieusement. Puis rebraille un peu plus loin.
On se fera à son boucan.
« Utilisez votre frein moteur »

Sinon, la voiture tient proprement la route de montagne, même si elle prend un roulis indécent en courbe et talonne volontiers sur la bosse. En montée seulement car en descente, il faut y aller tout doucement car le frein moteur est étrangement absent pour une hybride. Pas de rétrogradage possible, aucun mode B disponible, où est le freinage régénératif ? Le mode sport n’y change rien, l’auto s’emballe irrémédiablement et je n’ai d’autre recours que de freiner sans cesse. Après un long dénivelé tout en courbes et à allure raisonnable, la pédale du milieu ramollit de façon inquiétante et ça ne ralentit plus guère. Je m’arrête sur le bas-côté, ça sent franchement le brûlé.
Me revient en mémoire un test de plaquettes de frein dans les années 90 à mes débuts de rédac’chef à Auto Moto. Après quelques ralentissements et un freinage d’urgence à 130 km/h, le journaliste essayeur avait dû sortir l’extincteur pour empêcher des plaquettes de provenance asiatique (indonésienne, il me semble) de mettre le feu à l’auto. Nous l’avions écrit et l’importateur nous avait poursuivis pendant quatre ou cinq ans de sa vindicte judiciaire.
Un style et un prix
Il a perdu tous ses procès mais je n’ai pas envie de remettre le couvert, raison pour laquelle je ne donnerais pas la marque de ce modèle que j’ai loué mais ne loue pas. Aucune envie d’être attaqué pour dénigrement après avoir écrit que ce modèle devrait être interdit de circulation en Savoie, Haute-Savoie, Pyrénées Atlantiques et Orientales, Corse et tout autre département montagneux où, je l’affirme, elle est dangereuse.
D’autant que mon propos n’est pas là. J’ai beau penser (et écrire) que cette auto, même pour aller au boulot sur route de plaine ou de banlieue, ne vaut pas ses 23 000 €, elle se vend pourtant par bateaux entiers et quand je consulte les avis des propriétaires de ce modèle, ils sont globalement bons. Alors quoi ? Est-ce moi qui suis devenu pointilleux ? Ou bien l’acheteur qui ne l’est pas assez, ne recherche rien d’autre qu’un style et un prix en se tamponnant du reste ? Peut-être suis-je aussi niais et à côté de la plaque que mon moniteur de colo.
Elles vont faire un malheur
Tout à l’heure, je lis que X-Peng, autre marque chinoise dont, si j’en crois les essais publiés, les voitures sont d’un tout autre niveau, vient d’ouvrir sa 65ème concession française. Il y a aussi BYD qui se développe à toute vitesse et dont les grandes berlines et SUV Seal commencent à abonder sur les routes, ou encore Cherry dont les marques Omoda et Jaeco arrivent au printemps en France. Sans parler des Leap Motors que Stellantis met en avant dans ses show-rooms.
Si ma cochonnerie chinoise de cet été se vend bien malgré ses gros défauts, les autres devraient faire un malheur.
Notamment celui de l’industrie automobile européenne, quelques millions d’emplois, 800 000 rien qu’en France dont plus de la moitié chez les équipementiers et sous-traitants qui commencent à dégainer des plans sociaux.
La question qui se pose, urgemment d’ailleurs, est de savoir s’il faut imposer aux constructeurs chinois ce que l’on a fait subir aux Nippons dans les années 80 et 90, un contingentement. Le mois dernier, les chinois pointaient à 7,4 % du marché et pourraient dès l’an prochain atteindre les 10 %, niveau prédit il n’y a pas si longtemps par Carlos Tavares, alors patron de Stellantis.
Il a fallu aux Japonais, pour pointer à 11 % du marché français, 50 ans, soit un demi-siècle.
De toute évidence, les droits de douane affectant les modèles électriques chinois ont été contournés : ce sont désormais majoritairement des hybrides et hybrides rechargeables, voire des thermiques qui débarquent à Anvers, taxées à seulement 10 % et à des tarifs imbattables.
Au vu du tableau, ce n’est pas à l’objectif de 100 % de voitures électriques en 2035 qu’il faudrait renoncer, mais d’abord à une certaine conception du libre-échange qui fait de l’Europe le déversoir du trop-plein de la production chinoise.















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