Et pourquoi pas le retour de l’amnistie routière ?
Jusqu’en 2002, chaque Président de la République nouvellement élu faisait voter par son nouveau parlement une loi d’amnistie qui, entre autres choses, annulait bien des PV routiers, y compris ceux liés à la vitesse. On pourrait y songer pour 2027…
« - Mais pourquoi tu ralentis ?
- J’étais à 180 km/h quand même !
- Et alors ? Continue ! »
Mon père venait effectivement de freiner car devant nous, une vieille camionnette avait déboîté pour doubler un camion, sur l’autoroute reliant Toulouse à Carcassonne. Puis il avait repris, pied au plancher, la vitesse indécente que semblait tant apprécier cette vieille cousine dont j'ai oublié le prénom, une octogénaire au fort caractère qui s'était aussitôt remise à raconter sa vie. A l’arrière de la Fiat Ritmo Turbo DS, dont l'aiguille du compteur dépassait les graduations, j’étais extatique, alors que ma mère et ma sœur peinaient à contenir leur peur.
C’était en avril 1988, et à cette époque, on ne craignait pas les radars. Certes, les permis sautaient vite si on se faisait attraper en excès de vitesse (il n'y avait alors pas le système à points), mais voilà, l’élection présidentielle approchait. Et il était alors une tradition pour le « monarque » nouvellement élu de pratiquer ce qu’on appelait l’amnistie. En clair, dans le cas des automobilistes, tous les PV routiers étaient annulés, excès de vitesse, stationnement, alcool…
La stratégie était, environ un an avant le scrutin, de commencer à « jouer l’amnistie », soit d’user de tous les recours pour faire durer les procédures jusqu’à l’élection. Certains, habiles, arrivaient à faire sauter pour des dizaines de milliers de francs d’amendes ! Mon père le savait pertinemment, même s’il n’avait rien d’un fou du volant, et ce jour-là, il a précisément tablé sur l’amnistie à venir en roulant 50 km/h au-dessus des limitations. Effectivement, les radars disparaissaient pratiquement du bord des routes : aucun n’a flashé la Fiat bleue sur ces 90 km parcourus à une vitesse qui aurait rendu fou n’importe quel juge. Et nous sommes arrivés à l’heure pour l’enterrement.
Quelques semaines plus tard, François Mitterrand était réélu, et la loi d’amnistie votée. "Sont amnistiées les contraventions de police lorsqu'elles ont été commises avant le 22 mai 1988", loi n°88-2828 du 20 juillet 1988. Beaucoup ont poussé un grand "ouf" de soulagement ! Le socialiste a en fait perpétué une sorte de tradition de la 5e République, déjà respectée par ses prédécesseurs Charles de Gaulle, Georges Pompidou et Valéry Giscard d'Estaing.
Trois ans plus tard, j’obtenais mon permis de conduire, et à l’approche de l’élection de 1995, j’omettais sciemment de payer mes PV de stationnement. Jacques Chirac, élu 5è président de 5e République, faisait, lui aussi, voter une loi d’amnistie, qui épargnait mon maigre compte en banque, et rebelote en 2002. Mais là, les choses avaient commencé à évoluer sérieusement. La mortalité routière restait élevée, ce que l’opinion publique n’admettait plus.
Le gouvernement de Lionel Jospin avait mis au point tout le système de radars automatiques que nous honnissons tant, en commençant par la loi Gayssot dite du « propriétaire-payeur » : en cas de flash, l’argent de l’amende était réclamé au propriétaire de la voiture, peu importe qu’on ait pu établir s’il avait commis la faute ou pas.
Tout était prêt, des emplacements des radars à leur câblage électrique, ne restait plus qu’à installer les appareils. Mais Jospin n’a pas eu le cran de finaliser le dispositif, dont l’inauguration était prévue pour 2001. Il faut dire qu'il craignait pour son élection à la présidence en 2002 ! Plus malin, Chirac, une fois réélu, a déclaré la sécurité routière « grande cause nationale », et cette fois, l’amnistie n’a plus concerné que les PV de stationnement. Fin 2003, les premiers radars automatiques étaient posés sans susciter aucune révolte. Les mentalités avaient bien changé !
Lors de l’élection de 2007, Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy ont déclaré mettre fin à cette tradition de l’amnistie en cas d’arrivée au pouvoir, promesse tenue par le second, vainqueur de l’élection. Il faut dire aussi qu’il avait notoirement fait campagne sur la sécurité. Depuis, plus aucun président n’a remis au goût du jour cette petite injection d'huile dans les rouages de la société, dont profitaient aussi bien les administrés que la Justice, déjà bien surchargée.
Et voilà-t-y pas ces derniers jours que le Président Macron se mêle d'intervenir dans une banale affaire routière. Un influenceur annonce s'être pris un PV accompagné d’un retrait de points pour avoir payé son péage avec son téléphone portable, et il annonce faire le nécessaire pour annuler cette verbalisation. Je le croyais trop occupé pour se livrer à une micro-opération démagogique qui peut lui revenir dans la tête comme un boomerang…
Mais je pense aussi que vu la profusion invraisemblable de radars au bord des routes, vu la colère populaire qu’a suscitée le passage – raté – aux 80 km/h (c’est lui l’élément déclenchant du mouvement des Gilets Jaunes), le retour d’une loi d’amnistie, légère, ferait du bien dans une France sous tension, où la haine du politique est plus forte que jamais…
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