Ford Siam, éphémère en son royaume
LES VOITURES LES PLUS RAPIDES DU MONDE - C'est l'histoire d'une auto unique, bricolée pour faire valoir un modèle difficile à vendre. Mais cette Ford Vedette Siam va battre un record avant de terminer sa vie sous une autre carrosserie.
Parfois, on s’ennuie dans une vie de concessionnaire automobile, surtout quand on ne vend pas d’autos exceptionnelles et qu’elles ne se vendent pas exceptionnellement non plus. Prenons le cas de ce brave garagiste de Neuilly. Joseph Ampoulié a sur les bras pas mal d’exemplaires de Ford Vedette.
C’est pas que ce soit une mauvaise auto, cette grosse berline à six places. En plus, elle fleure bon l’Amérique, même si elle est fabriquée à Poissy. Et puis elle dispose d’un V8. Hélas, elle est plus chère qu’une Traction 15-Six. Pensez donc, 620 000 francs, c’est 80 000 de plus que la Citroën, et tout ça pour 3 petits chevaux supplémentaires, puisque le V8 de la Vedette n’en a pas plus de 80.
80 ch pour 1 400 kg
Alors en cette année 1952, Champoulié ne sait que faire de son stock. Mais en bavardant avec Albert Simille, un copain de chez Ford France, il a une idée. Pourquoi ne pas battre quelques records avec la Vedette, histoire de lui faire un peu de réclame ?
Sauf que la pauvrette, avec ses 1 400 kg, sa faible puissance et ses trois petits rapports ne saurait battre grand monde. Alors les deux garçons décident de l’alléger, de la rabaisser, de la booster et de revoir sa ligne. En quelques mois de bricolage au fond de la concession de Neuilly, le chef-d’œuvre est prêt. Si l’on peut qualifier ainsi le dessin approximatif de cette Vedette Siam (contraction de Simille et Ampoulié).
Mais en ce qui concerne la partie mécanique, le boulot est parfaitement exécuté. Le V8 gagne 14 ch, tout en baissant sa cylindrée et le poids est revu à la baisse à 850 kg. Résultat des courses : la Siam revendique 180 km / h. Les mécanos clandestins sont fiers d’eux, mais le monde entier doit désormais savoir de quoi la Vedette ainsi maquillée est capable.
Ce sera chose faite le 29 juillet à la nuit tombée. La Siam tourne depuis trois jours sans s’arrêter sur l’autodrome de Monthléry et elle vient de battre un record vieux de quinze ans : celui des 72 h. L’auto bricolée a non seulement tenu le coup, mais elle a effectué près de 9 384 km à la vitesse moyenne de 130,6 km /h.
C’est la fête, évidemment, et devant le succès, Ford France s’enthousiasme aussi. La filiale publie l’exploit dans le numéro 11 de sa revue consacrée à sa Vedette et voit les choses en très grand. À elle la course, les honneurs et le sacre : un engagement aux 24h du Mans.
Après les honneurs, le malheur
Avant de filer dans la Sarthe, l’auto fait quelques galops d’essai et ils sont catastrophiques. Aux 24 heures de Spa 1953, son moteur, poussé à 110 ch, casse. Un peu plus tard, au Bol d’or automobile, les freins lâchent. Joseph Ampoulié, au volant à ce moment-là, part en tonneaux, sans gravité, heureusement. Seule la carrosserie est touchée et la Siam est réparable, mais elle ne le sera jamais. Pas plus qu’elle ne verra le Mans.
Elle est stockée dans le garage de Neuilly, avant de rejoindre le musée auvergnat du V8 de Brioude qui ne sait trop quoi en faire et qui finit d'ailleurs par fermer ses portes. La Siam, qui semble porter malheur à ses propriétaires, sera récupérée par un particulier bricoleur. Il ne va pas la restaurer, mais se contenter de lui greffer une coque d’AC Cobra. Pour conjurer le sort ?
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