Les faux bons chiffres de ventes de janvier obtenus en une nuit magique
L’année a démarré sur les chapeaux de roues. En janvier, les ventes de voitures ont fait un bond de 10,5%. De quoi donner le sourire à tout le secteur. Sauf que ce joli score est quelque peu biaisé. Au 30 janvier, le compteur affichait une baisse de 2,75%. Au cours de la nuit qui a suivi, et de journée du 31, 18 000 voitures ont été miraculeusement immatriculées. Le miracle de ce début d’année. Explications.
C’est Noël en janvier. Sitôt connus, les chiffres des ventes de voitures de ce premier mois de l’année, un feu d’artifice a éclairé la nuit d’une crise qui appartient désormais au passé. « L’année ne pouvait pas mieux démarrer » par ici, « coup d'accélérateur sur le marché français » par là. C’est qu’avec une hausse de 10,5% en ce début d’année, on a toutes les raisons de se réjouir. Sauf que ce chiffre fabuleux est légèrement tronqué dès que l’on compare le comparable, à savoir le même nombre de jours ouvrables en janvier 2016 et 2017. Car dans ce cas, notre belle flambée se transforme en une petite flammèche d’allumette, avec une hausse de 0,5%. Une petite lueur que l’on pourrait assombrir encore en regardant de plus près, et jour après jour, les ventes de voitures, en ce joli mois de frimas, comme l'a fait le cabinet de conseil et d'études Dataneo.
La nuit magique des immatriculations
En fait, ce début d’année est plus que morose, il est même assez sinistre. Entre le début du mois et le 30 janvier au soir, les ventes ont carrément chuté de 2,75%. Et puis, il y eut une nuit magique, comme le disait la philosophe et violoniste de la fin du XXe siècle Catherine Lara. Au cours de cette nuit du 30 au 31 janvier, et de la journée du lendemain, un miracle c’est produit. Les Français, sans doute pris d’une subite frénésie de consommation, et soucieux de doper l’économie nationale se sont mis à acheter des voitures. 18 000 en une seule nuit et un seul jour. Un score énorme qui représente plus du double des ventes habituelles et journalières. Un score trop extraordinaire pour ne pas y chercher la petite bête enfouie sous cette montagne d’immatriculations soudaines.
La planche à cartes grises
En fait, au cours de cette nuit magique, les constructeurs ont eu recours à un vieux truc qui a fait ses preuves depuis des lustres : les ventes tactiques. Comme les pays qui font marcher la planche à billets pour disposer de cash, les marques font fonctionner la planche à cartes grises. Ils immatriculent leur stock pour le vendre plus tard, sous la forme de fausses occasions, mais de vraies voitures neuves. Autre levier poussé au cours de ces 24h miraculeuses : les ventes aux loueurs de courte durée. Des stocks entiers d’autos ont ainsi été attribués à Avis, Hertz et consorts, à des tarifs défiant, évidemment, toute concurrence.
Des primes sur objectif obtenues in extremis
Évidemment, la pratique laisse songeuse. Car on ne saurait soupçonner les constructeurs et leurs réseaux de vouloir à tout prix soutenir l’économie nationale et de programmer une nuit de l’immatriculation pour les beaux yeux de Bercy. D’autant que les voitures vendues par wagons entiers aux loueurs ne le sont pas à leur prix habituel et la marge bénéficiaire en est forcément affaiblie. En ce qui concerne les immatriculations nocturnes et à la dernière minute effectuées par les concessionnaires, l’explication est plutôt logique. Les primes sur objectif leurs sont réglées par les constructeurs à l’issu du mois. Même intérêt, et primes similaires sont payées aux marques étrangères présentes en France par leurs maisons mères Les premiers ont donc toutes intérêt à immatriculer à tire-larigot en bradant des autos aux loueurs, pendant que les seconds ferment les yeux. Reste les constructeurs nationaux qui, eux aussi, usent, et parfois abusent, de ce système. Leurs impératifs sont quelque peu différents. L’objectif de PSA et de Renault est de faire tourner les usines coûte que coûte. Quitte à gagner très peu d’argent sur les modèles vendus de cette manière. Quitte aussi à ne plus pouvoir s’échapper d’une pratique qui, si elle cesse, verra leur score chuter douloureusement. Et des points perdus dans les volumes écoulés, se traduisent instantanément par une baisse du cours en bourse. Des points qui se chiffrent en millions d’euros.
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