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Ne l'appelez plus pétrolier : Total change de métier et enterre la voiture thermique

Aujourd’hui, le métier de Total consiste à extraire, raffiner et vendre de l’or noir. Mais le pétrolier centenaire, comme ses confrères, est au bout de ce modèle. Les compagnies de demain ? Des producteurs d’électricité dont le métier consistera à recharger nos voitures lorsqu’elles auront abandonné le moteur à explosion. Une bascule d'un modèle à l'autre qui devrait être totalement achevé en 2050.

Ne l'appelez plus pétrolier : Total change de métier et enterre la voiture thermique

Certains considèrent que la voiture électrique est un feu de paille. Les mêmes doutent encore de l’inévitable bascule de l’automobile vers la fée électricité, qu’elle soit amenée jusqu’aux roues à travers de batteries ou grâce à l’hydrogène. Pour ces sceptiques qui ont du sans-plomb dans le sang, le 1er octobre pourrait bien être une journée noire à tout jamais. Car c’est ce jour-là que, devant le parterre de ses investisseurs, Patrick Pouyanné a expliqué que le pétrole n’était plus sa priorité. Si l’homme était patron d’une biocoop, l’affaire eut peu d’importance, mais le garçon dirige Total, ses 900 filiales à travers le monde, ses 100 000 salariés, ses 16 000 stations-service et sa place de cinquième pétrolier mondial.

Patrick Pouyanné, à la barre de Total, tourne le dos au pétrole.
Patrick Pouyanné, à la barre de Total, tourne le dos au pétrole.

Évidemment, l’homme n’a pas dit qu’il fermait tous ses puits, ses pompes et raffineries demain matin. On ne rompt pas avec ce qui permet à une entreprise de subsister depuis près de 100 ans en un claquement de doigts. Et on ne manœuvre pas un supertanker comme une gondole. Mais le boss a esquissé l’avenir, et l’or noir n’y a pas sa place. L’électricité et le gaz le remplaceront petit à petit. Comment ? Par des investissements pardi. D'ici 2030, le pétrolier dépensera chaque année 1 milliard dans l'électrique, puis la suite, il augmentera la dose pour atteindre 3 milliards par an. Ces investissements se focalisent sur le renouvelable (éolien, solaire et énergie issue des vagues) et le patron de Total estime pouvoir produire 85 GW d'ici 10 ans. Bon, évidemment, on est loin de voir le groupe remplacer EDF, puisque ces Gigawatts ne représentent qu’une infime partie de l’électricité produite par une seule centrale nucléaire française en un an.

3 milliards d’investissements chaque année dès 2030

Le gaz participera aussi de cette sortie du pétrole et là encore, la maison, déjà très présente dans le domaine, dépensera aussi en conséquence : 1 milliard chaque année sera consacré à l'exploration de nouveaux gisements. Mais le GNV (gaz naturel pour véhicule) reste un carburant très peu utilisé dans nos voitures. Ce n'est pas la voie que Patrick Pouyanné entend développer, mais plutôt celle du GNL (gaz naturel liquéfié) qui serait deux fois moins polluant que le pétrole, et pourrait trouver de nombreux débouchés industriels et domestiques. Quant à l’utilisation de ce gaz pour faire tourner des centrales produisant de l’électricité à injecter dans les voitures, elle n’est pas exclue. Il est un autre domaine que le futur ex-pétrolier observe de près et qui concerne directement l'automobile, c’est l’hydrogène. Même si pour le moment, les grandes annonces ne sont pas à l’ordre du jour.

Le rétroplanning de la sortie du pétrole est donc en place. Mais quand sera-t-elle réellement effective ? La date est fixée à 2050, année où Total jure d'être neutre en matière de carbone.

Malgré le déconfinement, les tarifs des carburants n'ont pas trop augmenté pour autant.
Malgré le déconfinement, les tarifs des carburants n'ont pas trop augmenté pour autant.

Évidemment, ce changement fondamental de modèle n’est pas réalisé dans le but de sauver la planète, il s’agit plutôt de garder la maison Total intacte. Florent Ferrière le rappelle : les prix des carburants sont bas et devraient le rester. Ce qui ne fait pas l’affaire du pétrolier. La crise du Covid est passée par là, et malgré le déconfinement, les prix ne sont pas revenus à ceux des jours florissants. Alors Patrick Pouyanné se fait une raison. Pour lui, cette situation sera durable, « je ne m'attends pas à ce que le prix remonte dans l'année qui vient », a-t-il déclaré sur RTL.

Les autres pétroliers sur la même voie

En ajoutant à cette dégringolade des prix la volonté, très explicite, des gouvernements européens et derrière eux, de l’UE, de basculer vers la voiture électrique, les jours du sans-plomb sont comptés. Alors le patron de Total fait contre mauvaise fortune polluante bon cœur écologiste. Et il n’est pas le seul. Son concurrent BP choisit la même voie, et investit lui aussi dans les watts, en posant chaque année 5 milliards de dollars sur la table. Ce virement de bord du secteur qui, pour une fois, est capable de prévoir à long terme, est loin d’effrayer les marchés qui, pour une fois aussi, en acceptent les enjeux, puisque, après cette annonce, l’action Total a grimpé de 3,55 %.

Des stations-service transformées en centres commerciaux.
Des stations-service transformées en centres commerciaux.

Électricité, gaz, hydrogène : Total et les autres cherchent leur voie et préparent l’après-pétrole. Cette voie pourrait également s’ouvrir à un autre domaine qui lui aussi, devrait générer quelques subsides, certes moins élevés que les carburants quels qu’ils soient. Il s’agit de l’exploitation des stations-service, notamment sur les autoroutes. Tous ceux qui ont emprunté ces tronçons depuis une année ou deux l’auront remarqué : la plupart d’entre elles sont en travaux, ou viennent d’être totalement transformées.

Total promoteur immobilier

Là ou, auparavant, se dressaient une caisse, une simple boutique et parfois un snack, ont poussé de véritables centres commerciaux avec leurs magasins de plus en plus grands et leurs multiples fast-foods. Ces mini grandes surfaces de la junk food et de l’achat rapide doivent permettre à ceux qui rechargent leur future voiture électrique pendant 30 minutes ou une heure de passer le temps et surtout de consommer. Et comme Total ainsi que les autres marques de carburant sont les propriétaires de ces lieux, ce sont eux qui ramassent les loyers de ces Mc Do et consorts qui jonchent aujourd’hui les abords des 4 voies.

Pour attirer ces consommateurs, le futur ex-pétrolier a d’ailleurs lancé en début d’année un énorme chantier d’installations de 20 000 bornes de recharges à travers l’Europe et devrait, en priorité, en équiper ses 16 000 stations. Ces bornes distribueront (entre autres) de l'électricité Total comme les pompes distribuent aujourd'hui de l'essence Total.

Le pétrolier était déjà pompiste, raffineur, et producteur de pétrole. Il sera bientôt électricien, gazier, et promoteur immobilier.

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