Prise en mains - BMW iX5 Hydrogen : tant d’excellence technique pour rien ?
Il y a quelques jours, BMW a présenté son véhicule expérimental à hydrogène. Mais le constructeur ne s’est pas contenté de le montrer, il a aussi donné l’occasion d’en prendre le volant. Et nous étions là.
L’hydrogène : solution d’avenir ou cul-de-sac technologique ? Le débat est loin d’être clos dans la plupart des rédactions. Alors avant de vous parler de ce que l’on ressent au volant du BMW iX5 Hydrogen, permettez-nous de refaire le point, et tant pis si les anti-H2 nous trouvent de parti-pris.
Rendement énergétique, empreinte environnementale, etc.
Une chose sur laquelle nous ne pouvons discuter est qu’en l’état actuel des choses, l’hydrogène est majoritairement « gris ». Comprenez que pour le produire, on utilise des énergies non renouvelables, et que le bilan environnemental n’a donc aucun sens. C’est un fait. Le plus gros boulot aujourd’hui est donc de produire de l’hydrogène vert, à partir d’énergies renouvelables. Si, certes, les choses avancent, elles n’avancent peut-être pas assez vite. Mais là n’est pas l’argument majeur des sceptiques. Ce qu’ils disent est qu’il est absurde d’utiliser de l’électricité pour produire de l’hydrogène qui fera rouler une voiture, quand cette électricité est bien mieux utilisée dans une batterie. Ils ont raison, mais c’est oublier une (grande) partie du problème de l’empreinte écologique du transport.
Prenons l’exemple de notre iX5 Hydrogen. Avec sa pile à combustible, sa petite batterie-tampon – nous y reviendrons – et ses réservoirs d’hydrogène en plastique renforcé à la fibre de carbone (bons pour quelques 500 km d’autonomie WLTP), sa fabrication ne nécessite qu’une infime partie des matériaux rares nécessaires à la fabrication d’une batterie d’autonomie équivalente. Et pour obtenir le platine de la pile, il suffit de recycler… deux pots catalytiques.
Pour ce qui est du rendement énergétique, les responsables de BMW qui nous ont présenté le véhicule expliquent la chose suivante : un panneau solaire installé en Afrique est 2,5 fois plus productif que le même panneau placé en Europe. Bref, produire de l’électricité propre là-bas a beaucoup de sens. Et comme nous venons de prouver qu’il est bien plus écologique de stocker l’électricité sous forme d’hydrogène que dans des batteries, ne peut-on pas imaginer produire l’hydrogène en Afrique, puis l’importer par navire gazier, fonctionnant lui-même à l’hydrogène ? Sachant par ailleurs que toutes les études réalistes montrent que l’Europe sera toujours obligée d’importer de l’énergie, pourquoi pas du H2 ?
Tellement plus pratique
À notre humble avis, il semble donc que le rendement énergétique inférieur de l’hydrogène face à la batterie est compensé par un impact environnemental plus favorable. Et il reste l’argument majeur qui plaide pour le H2 : sa facilité d’usage. En effet, l’adoption de la voiture électrique à batterie impose de revoir nos habitudes de conducteurs, en raison des temps de recharge et du manque (de bornes) d’électricité. Avec une voiture à pile à combustible, ce n’est pas le cas, puisque quand les réservoirs sont vides, on fait simplement (tout est relatif, voyez plus loin) le plein, selon une procédure similaire à celle du GPL ou du GNC. Une pompe hydrogène à 700 bar de pression injecte 1 kg de H2 par minute. Pour notre BMW, cela équivaut à quelque 100 km d’autonomie en 1 minute 30. Trouvez-nous une borne électrique rapide qui en fait autant ! Par ailleurs, contrairement à une batterie, l’hydrogène n’est pas sensible aux températures extérieures. Même en hiver, l’autonomie n’est pas influencée.
Seulement, le problème est là : le ravitaillement. La France compte actuellement une trentaine de stations hydrogène publiques, et quelques autres privées. Le consortium France Hydrogène s’attache à développer ce réseau, et promet près de 250 stations à l’horizon 2025. Qui vivra, verra. Mais le fait est qu’à ce jour, c’est plus l’infrastructure qui freine le développement de l’hydrogène en Europe, que la technologie elle-même. Les Toyota Mirai et Hyundai Nexo l’ont déjà prouvé, et le BMW iX5 Hydrogen enfonce le clou.
Rappel express
Avant d’enfin parler du véhicule, petite piqûre de rappel pour ceux qui ignoreraient tout de la pile à combustible. Une voiture qui en est équipée est en fait une voiture électrique. Mais plutôt que de la stocker dans une batterie, la voiture produit sa propre électricité. Pour schématiser, la pile à combustible combine l’hydrogène des réservoirs à l’oxygène de l’air. Cela produit d’une part de l’électricité, et de l’autre de la vapeur d’eau, seule émission dont est responsable une telle voiture.
L’essai
C’est à Anvers que BMW a convié la presse pour découvrir son SUV expérimental. Pourquoi Anvers ? Parce que la cité portuaire belge dispose d’une station hydrogène, où peuvent se ravitailler voitures, camions et… bateaux. Ensuite, peut-être, parce que le port belge, le deuxième plus grand d’Europe, pourrait être un hub idéal si l’idée d’importation d’hydrogène africain devenait réalité. Mais ce n’est que pure supputation de notre part.
Nous le disions, le iX5 Hydrogen est un véhicule expérimental. BMW a décidé d’en construire 100 exemplaires dans son usine de Munich (rappelons que le X5 vient normalement des USA), et de les confier à un panel d’utilisateurs, tant pour récolter les réactions du public que de précieuses données. Techniquement, le véhicule est donc équipé d’un moteur électrique de 401 chevaux sur le train arrière. Il est alimenté par la pile à combustible développée en partenariat avec Toyota. Cette pile est elle-même alimentée par deux réservoirs de 6 kg d’hydrogène. Problème : la pile à combustible seule ne peut délivrer que 170 chevaux. Lors des fortes sollicitations, le surplus vient d’une batterie-tampon hautes performances, de 2,5 kWh de capacité. En clair, la puissance totale n’est disponible que ponctuellement, aussi longtemps que la batterie a de la réserve. Mais quand c’est le cas, ce gros bébé de quelque 2,5 tonnes (à peu près 150 kg de moins qu’un véhicule à batterie équivalent) abattra le 0 à 100 km/h en moins de 6 secondes.
La première chose qui étonne quand on prend en main l’iX5 Hydrogen, c’est le degré de soin apporté à la qualité de finition et aux petits détails.
Très loin du monde du prototype, tout semble prêt pour l’industrialisation et la commercialisation. De fait, on a affaire à un X5 « comme les autres », avec les touches bleues typiques des modèles badgés « i », et un coffre identique à celui d’une version hybride rechargeable.
La conduite en soi est évidemment celle d’une voiture électrique à batterie. Même réponse instantanée, même couple très généreux (710 Nm), même fluidité puisqu’il n’y a pas de boîte de vitesses. Et même silence de fonctionnement ? Globalement, oui, à part le léger zonzonnement de la pile à combustible, facilement couvert par la radio.
Côté comportement aussi, le X5 est égal à lui-même. Et peut-être même un poil plus sympa. Car en poids et en dimensions, la pile à combustible logée sous le capot est comparable à un 4 cylindres turbo. Et dans cette version Hydrogen, le train avant n’a aucune fonction motrice. On a donc le nez le plus léger de toute la gamme X5. De là à dire que ça en fait une version particulièrement agile, il y a un pas que nous ne franchirons pas, mais cette machine est en tout cas aussi agréable à emmener dans les virages qu’une version thermique. Surtout si on engage le mode Sport, qui n’a aucun effet sur les suspensions pneumatiques, mais qui aiguise la réponse de l’accélérateur.
Y a plus qu’à
On le répète, ce véhicule semble tellement abouti qu’on a du mal à croire que BMW n’ait pas le moindre projet de commercialisation. Le constructeur se contente de dire que si le concept fait ses preuves, il pourrait aboutir à quelque chose vers la fin de cette décennie. D’ici là, il n’y a plus qu’à. Plus qu’à développer le réseau de distribution. Plus qu’à développer la filière de l’hydrogène vert. Et plus qu’à réduire son prix à la pompe. Actuellement, l’hydrogène varie de 10 à 15 €/kg. Mais les responsables de cette industrie sont convaincus qu’on peut arriver à 3 €/kg d’ici… la fin de la décennie. À ce prix-là, sachant que le iX5 Hydrogen consomme 1,6 kg/100 km, la solution pourrait vraiment devenir très compétitive. Reste la question du prix d’achat d’un tel véhicule, question qui n’a pas de réponse chez BMW. Mais on sait que les Toyota Mirai et Hyundai Nexo coûtent respectivement 70 000 et 80 000 €. C’est cher. Mais pas plus qu’une grande voiture électrique à grande autonomie, qui ne sera jamais aussi facile à vivre qu’une « hydrogène ». Les prochaines années risquent d’être très intéressantes…
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