Publicité automobile : femme au volant, mauvaises ventes au tournant ?

Après les fêtes de fin d'année, les parfums et les chocolats se sont faits plus discrets dans les écrans publicitaires. L'espace libéré a été en partie repris par les constructeurs automobiles. Le début d'une année est toujours marqué par une pluie de spots pour des nouveautés. 2019 n'a pas échappé à la règle, avec l'Audi Q3, le Citroën C5 Aircross, la Kia ProCeed, le Renault Kadjar restylé ou encore le Toyota RAV4. Des véhicules déjà en vente ont aussi été remis en avant, comme la Citroën C3, le Volvo XC60 et le Volkswagen T-Roc.

Pour ce dernier, on a retrouvé le spot avec le petit bélier noir. Mais Volkswagen a aussi lancé une nouvelle campagne de promotion sur les réseaux sociaux. Parmi les slogans visibles, l'un d'eux a fait tiquer quelques internautes : "Faites en sorte que l'amant de votre femme ce soit vous". Un humour plutôt maladroit. Kia ne s'est pas non plus distingué avec le spot de sa ProCeed, où une comparaison voiture et femme est faite. On ne peut faire plus claire avec la phrase de lancement "Si j'étais une femme, je serai…" puis on a quelques qualificatifs, du genre "audacieuse, indépendante, déterminée, sans arrogance". Heureusement, on a évité "sexy". À la fin, un homme descend de l'auto et déclare "nous étions faits pour être ensemble". On a l'impression d'assister à une nouvelle offensive de clichés ringards, d'un autre temps, celui où l'homme avait la voiture donc il aura la femme.

Curieux tout de même à une époque où le moindre faux pas peut vite tourner au pugilat sur les réseaux sociaux. On se souvient de la petite polémique qui avait secoué Renault quand celui-ci avait lancé des vernis à ongles pouvant être utilisé pour cacher des rayures sur la Twingo. C'est d'autant plus étonnant que les femmes sont de plus en plus présentes au sommet des organigrammes des constructeurs, même si les hommes gardent encore une majorité des postes de dirigeants.

Une passion qui reste masculine

Mais ce qui attire davantage notre attention ici, c'est surtout la domination de l'homme dans les spots publicitaires. Si on y voit régulièrement des femmes, on a l'impression que c'est très souvent monsieur qui conduit. Prenons comme exemple Volkswagen. Sur cinq publicités de la collection "on peut douter de tout, mais pas de sa Volkswagen", on en a deux où on voit un homme au volant, deux où il est clairement fait comme le propriétaire. Une seule est avec une femme conductrice. De plus, pour les modèles, les derniers grands lancements se font avec un homme au volant (Tiguan, Polo et T-Roc).

Autre constructeur qui a attiré notre attention, Citroën, où les dernières pubs sont très masculines : les différents personnages de la C3, le C5 Aircross, la C4 Cactus… Un homme était au volant du premier spot pour la version restylée, c'est à nouveau le cas avec celui qui vient d'être lancé. Un peu surprenant pour une marque dirigée par une femme (Linda Jackson). On souligne par ailleurs qu'en ce moment, parmi les femmes au volant, il y en a une artificielle (Kadjar) et une mauvaise conductrice qui manque d'écraser une petite fille (XC60) !

La femme au volant fait-elle moins vendre ? Autant le dire, personne parmi les constructeurs ou les publicitaires ne répondra directement à cette question. La domination masculine dans la publicité peut s'expliquer par le fait que l'automobile reste avant tout une passion d'hommes. Pas de quoi crier au scandale, c'est ainsi, de la même manière que des passions seront plus féminines. Et cela n'empêche pas les femmes de s'intéresser à la voiture.

Priorité à la lutte contre les stéréotypes

En revanche, si elles sont moins présentes devant les émissions télévisées ou achèteront moins de presse spécialisée, la parité est quasi de mise au moment de l'achat. L'époque où monsieur achetait seul la voiture du ménage, voire aussi celle de madame, est révolue. Dans un sondage réalisé en 2015 par Kidioui, 94 % des femmes interrogées se disaient impliquées dans l'acte d'achat : 58 % faisaient le choix en couple, et 36 % décidaient seules. Curieux donc de ne pas mieux retrouver une parité dans les publicités.

Interrogé sur le sujet, Volkswagen est resté sobre, indiquant que "la place des femmes dans [ses] communications est plus importante que par le passé", faisant le parallèle entre l'évolution de la société et de celle de ses publicités. Et le constructeur a assuré que cette place va grandir car "le lancement le plus important de l’année pour Volkswagen va d’ailleurs être porté par une femme".

Chez Citroën, on ne partage pas vraiment notre impression, la marque estimant qu'elle est déjà à la parité, et que notre ressentiment peut venir de l'ordre des publicités. Le constructeur nous indique d'ailleurs qu'en 2019, sur neuf grandes campagnes télévisuelles, il y aura cinq conductrices. Un spot 100 % féminin de la C3 est d'ailleurs programmé. La marque nous explique surtout que l'idée n'est pas de mettre des femmes coûte que coûte mais de ne plus tomber dans les stéréotypes. Elle donne en exemple une campagne pour le Jumpy en 2018 avec une femme chef d'entreprise. Avec les pubs C4 Cactus, on constate que l'homme joue le papa poule et emmène les enfants à l'école.

On reconnaîtra qu'il n'est de toute manière pas simple de trouver le bon équilibre, la bonne formule exempte de toute critique, dans une société qui ne cesse d'évoluer.