Une voiture électrique en occasion : le bon plan ?
Manuel Cailliot , mis à jour
Sur le marché du neuf, la part de marché a explosé en 2020, et encore plus en 2021. Un boom des ventes qui commence à se retrouver sur le marché de la seconde main, où les acheteurs espèrent faire de bonnes affaires, financières bien sûr. Le deuxième salon auto organisé par Caradisiac, et justement consacré aux voitures électriques et hybrides, est un bon prétexte pour se demander si aujourd'hui, un "VE" de seconde main est un bon plan.
Le véhicule électrique ? "Ça ne marchera jamais !" Une expression bien souvent entendue, non ? Du moins, il y a quelques années. Et très franchement, la réalité s'est longtemps conformée à cet adage.
Mais aujourd'hui, Caradisiac organise carrément un salon automobile, uniquement dédié aux modèles électriques, et hybrides. Et nous ne faisons en cela que satisfaire la volonté et la curiosité des acheteurs, Tous veulent se renseigner sur ces nouveaux véhicules, et les acheteurs sont de plus en plus nombreux. Il y a un véritable glissement qui s'opère vers les véhicules électriques ou électrifiés. Nous en avons réuni presque tous les représentants sous les chapiteaux du village du cirque de la famille Micheletty, à Villeneuve-la-Garenne, dans le 92. Un magnifique endroit pour discuter de tout cela et un bel écrin lui aussi plein de lumières (électriques !).
Cependant, relativisons. malgré une forte progression, et contrairement à ce que pensait Carlos Ghosn, PDG de Renault il y a quelques années, ce ne sont pas des "millions" d'électriques qui arpentent nos routes aujourd'hui. Les ventes de véhicules électriques ont longtemps représenté moins d'un pouillème des ventes totales de voitures en France. Mais les choses ont commencé à bouger en 2020. L'augmentation des autonomies des batteries, les aides à l'achat, renforcées depuis la fin du premier confinement, les menaces de restrictions de circulation dans les centres-villes, mais aussi une évolution des mentalités, ont donné un coup de fouet au marché.
Les "VE" (véhicules 100 % électriques) ont représenté 6,7 % des ventes de voitures neuves en 2020, et même 7,6 % au mois de novembre 2020. Depuis le début de l'année, cela continue de progresser, avec 6,9 % à fin mars. Pas encore le Pérou, mais une progression impressionnante, car on était par exemple à 1,08 % il y a 5 ans seulement !
L'émergence d'un marché de l'occasion électrique
Et qui dit marché du neuf qui prend de l'importance, dit aussi marché de la seconde main qui apparaît, et se développe. Il nous a donc semblé qu'il était le bon moment pour faire un point sur ce qui sera peut-être le marché de l'occasion du futur, qui devrait prendre un véritable envol cette année.
Les premiers modèles commercialisés avec des volumes "visibles" arrivent en effet au terme de leur "première vie". Renault Zoé, Nissan Leaf (1 et 2), Peugeot Ion, Citroën C-Zero ou encore Tesla Model S , Model Y ou BMW i3 par exemple ont maintenant quelques années et kilomètres au compteur. Egalement déjà, les Peugeot e-208, e-2008 et Opel Corsa-e font aussi leur apparition sur le marché de l'occase. Tout comme la Tesla Model 3, qui a déjà commencé.
Les premières citées reviennent de leur premier contrat de location (souvent 3 ou 4 ans) ou sont revendues par les particuliers quand elles ont été achetées avec leurs batteries, sans système de location de celle-ci.
Nissan, en 2016, lançait un label spécifique pour ses occasions électriques. Il a fait long feu et désormais, les occasions électriques sont intégrées au label commun "Intelligent choice".
Chez Renault, on a suivi Nissan, avec un label spécifique à la Zoé en 2017, et aujourd'hui une "garantie Z.E." adaptée aux véhicules électriques d'occasion.
Les Tesla bénéficient du reliquat de garantie constructeur sur le moteur et la batterie, et de 4 ans ou 2 ans de garantie selon leur âge au moment de la vente en occasion.
Et ceci est déclinable chez les autres constructeurs qui proposent des modèles électriques.
Pour donner un ordre d'idée, il y a en ce moment même sur La Centrale un peu plus de 10 500 annonces de voitures électriques, c'était moins de 7 500 il y a 6 mois. Sur leboncoin, c'est presque 14 000. Encore une fois cela peut paraître peu (1,9 % des annonces totales), comparé aux autres carburant, mais ça progresse vite (cétait 1,5 % il y a 6 mois). On ne peut pas donner de chiffres exacts, mais j'ai souvenir d'avoir fait une recherche sur les VE il y a environ 4 ans, et on était à 900 annonces sur La Centrale.
Le marché s'étoffe donc rapidement.
Mais l'électrique, ce n'est pas le thermique. Et le marché de la seconde main pour ces véhicules est forcément différent. Les décotes ne sont pas les mêmes, les points à vérifier lors d'un achat d'occasion sont spécifiques, l'offre de modèles, encore atypique. Alors est-ce un bon plan ?Financièrement bien sûr, mais aussi sur les aspects de la longévité, de la fiabilité…
La décote : lente ou rapide ?
Une voiture, sauf exception, ça décote… Et pas qu'un peu. En règle générale, les véhicules de marque généraliste perdent 25 % de leur valeur la première année, 18 % la deuxième, 15 % la troisième et 12 % la quatrième (puis ensuite 10 % tous les ans).
Est-ce que cette règle s'applique aux VE ? Eh bien, globalement, non. Dans la grande majorité des cas, ils décotent moins vite. En fait, ils décotent très vite au début, puisque les prix en occasion répercutent les aides à l'achat (sauf exception). Donc les prix des occasions récentes font apparaître une décote rapide par rapport au prix neuf, mais c'est normal.
Ensuite, les décotes sont bien plus lentes. En gros, si l'on calcule la décote à partir du prix de vente "bonus déduit", les VE perdent peu de valeur, sauf exception.
Concrètement, qu'observons-nous sur le marché ? L'étude des annonces publiées sur les sites spécialisés est instructive.
Ainsi, une Renault Zoé, de 2016, qui devrait décoter en moyenne de 54 % pour 4 années, et qui se vendait (bonus déduit) entre 16 500 € et 22 500 €, devrait se trouver aux environ de 7 200 € à 10 200 €. Si c'est bien ce qui est observé pour les autos les moins chères, les "meilleures offres" comme nous les appelons, la moyenne des prix est bien plus élevée ! Les Zoé de 2016 se trouvent surtout entre 8 000 et 14 000 €, soit une décote moyenne de 38 % à 48 %.
Nous prendrons la Nissan Leaf 2 en autre exemple. Les modèles 2018 se vendent en moyenne entre 19 000 € et 23 000 €, quand leur prix aide déduite est compris entre 29 000 et 34 000 €. Là encore la décote est très faible (- 33 à - 35 %). Les prix devraient tourner plutôt autour de 17 500 € à 20 800 €
Et les exemples se répètent. C'est encore pire chez Tesla, avec des voitures qui gardent une cote d'enfer ! Bien sûr, ces prix élevés s'expliquent "aussi" par les faibles kilométrages parcourus par les modèles en vente. mais la tendance est là. Le VE n'est pas abordable en occasion. Il est plutôt cher.
Les VE éligibles à la prime à la conversion
Les prix en occasion sont chers. Oui, mais...
Mais depuis le 3 août 2020, les VE d'occasion sont éligibles à la prime à la conversion, qui peut monter jusqu'à 5 000 €. Une aubaine, pour ceux qui ont un vieux véhicule à mener à la casse. Il faut toutefois remplir certaines conditions.
Le véhicule mis au rebut doit être un modèle diesel d'avant le 1er janvier 2011, et d'avant le premier janvier 2006 pour un essence. Il doit avoir été immatriculé à votre nom pendant 1 an.
Si vous remplissez ces conditions, le montant de la prime est de 2 500 €. Ce montant est doublé si votre Revenu Fiscal de Référence par Part est inférieur à 6 300 €, ou si vous parcourez plus de 30 km pour vous rendre sur votre lieu de travail, ou si vous parcourez plus de 12 000 km par an pour raisons professionnelles.
Cette prime devrait perdurer en l'état jusqu'à la fin de l'année.
La fiabilité : bonne ou mauvaise ? Que vérifier ?
Globalement, et sauf exception ou soucis bien identifiés, la fiabilité des voitures électriques est aujourd'hui excellente. Et ce n'est pas une surprise. Comment connaître plus de soucis qu'avec des voitures thermiques, en ayant un moteur électrique, dont les industriels ont fiabilisé le fonctionnement il y a des siècles ? Et avec bien moins de pièces en mouvement ? Sans turbo, sans injecteurs, sans embrayage, sans boîte de vitesses, sans système de lubrification, sans système de dépollution (oui, la liste est longue...), il est logique que les aléas soient plus rares.
Les batteries sont le seul point faible, ainsi que leur électronique de contrôle. Mais d'après les retours que nous avons à la rédaction, et les témoignages de propriétaires sur le web, les soucis (qui existent, il faut le reconnaître), sont rares. Et la longévité des batteries, finalement moins problématique que ce que l'on aurait pu craindre. Les Tesla sont particulièrement douées dans ce domaine, avec des exemplaires qui ont atteint ou dépassé les 300 000 km largement. Et même certaines Leaf ou Zoé affichent des kilométrages respectables, sans souci majeur et en ayant perdu "normalement" leur capacité initiale.
Que vérifier ?
L'achat d'un véhicule électrique d'occasion va répondre à une mécanique légèrement différente que pour un véhicule thermique.
Pour commencer, tout ce qui n'a pas trait au moteur doit bénéficier des mêmes vérifications à l'achat que pour un véhicule thermique.
Mais bien sûr, la motorisation électrique, les batteries et leur système de recharge doivent faire l'objet de vérifications spécifiques.
Tout d'abord, la pièce maîtresse, la batterie. Elle perd automatiquement de la capacité avec le temps. Et donc l'autonomie se réduit d'autant. Tous les ateliers des différentes marques sont capables, lors d'un passage à la "valise", de vous dire quel est l'état de santé de la batterie. Certains modèles l'affichent même au tableau de bord (Leaf) sous forme de barres.
Pour les modèles avec location de batterie, tout souci sera pris en charge par la marque, c'est une tranquillité. Pour les autres, attention, hors période de garantie (elles sont longues sur les batteries, en moyenne 6 à 8 ans), le coût de remplacement sera très élevé.
Mais de fait, les propriétaires qui ont dû faire remplacer leur batterie pour dysfonctionnement ou perte de charge trop importante se comptent sur les doigts de la main. La technologie est manifestement maîtrisée.
Autres points à vérifier, les prises et câbles de recharge. Ils ne doivent pas être abîmés. Ce serait source de souci vu l'intensité du courant qui y passe, surtout sur les bornes de recharge rapide. Donc les prises (sur le véhicule et au niveau des câbles) doivent être vierges de toute entaille, coupure, traces de torsion et évidemment non dénudés. Et cela concerne TOUS les câbles quand il y en a plusieurs types.
Pour finir, côté moteur, normalement aucun souci, puisque ces éléments électriques sont d'une fiabilité sans faille, et peuvent tourner pendant des centaines de milliers de kilomètres sans usure ou presque.
Notons ici un dernier avantage, financier, de la voiture électrique : son entretien. Il est réduit (pas de vidange, pas de courroies) et les consommables s'usent moins vite (plaquettes, disques) grâce à la récupération d'énergie au freinage, qui les économise.
Le bilan financier à l'utilisation est donc largement positif, entre le coût kilométrique de l'électricité qui est imbattable, et les révisions économiques. Cela contrebalance le prix d'achat, nous l'avons vu, élevé en occasion.
LE BILAN
Acheter une électrique d'occasion, un bon plan... ou pas ? Pour répondre à la question du titre, il faut tenir compte de plusieurs aspects. Oui, l'utilisation d'une électrique est économique, voire très économique si l'on roule beaucoup avec. Faire le plein d'électrons est bien moins coûteux aujourd'hui que de faire celui de carburant fossile. Oui, la fiabilité est globalement très bonne, ce qui évite des frais de réparation que l'on peut subir avec les thermiques. Oui l'entretien est moins onéreux.
Par contre, les prix, sauf exception, n'ont rien de cadeaux. Et c'est là que le bémol sur le terme "bon plan" se situe... Car payer son électrique d'occasion 2 000 € ou 3 000 € plus cher qu'une thermique équivalente, cela peut remettre en cause la rentabilité de l'achat. Sauf si vous pouvez bénéficier de la prime à la conversion, qui permet de retrouver des prix équivalents aux voitures thermiques. Tout le monde n'est pas dans ce cas, mais pour ceux qui le sont, c'est une aubaine. Le risque est par contre que les vendeurs vendent encore plus cher un VE...
RDV en 2021 en tout cas, pour voir ce qu'il en est de ce nouveau marché appelé à croître.
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