« C’était mieux avant ». Tout le monde connaît ce refrain, qu’entonnent régulièrement les nostalgiques d’une époque où l’on pouvait rouler pied au plancher sans crainte des radars, où l’essence ne coûtait pas cher, où les voitures affichaient des tarifs raisonnables, et où l’on pouvait au besoin les entretenir soi-même. Ah, le beau tableau ! Mais celui-ci résiste-t-il à la réalité des faits et des chiffres ? Prix des voitures et des carburants, sécurité routière, entretien ou fiabilité, nous avons tout comparé, et ce que nous avons constaté bouscule nombre d’idées reçues.
CE QUI VA MIEUX AUJOURD'HUI
Acheter une citadine : beaucoup moins chère, beaucoup mieux équipée
En 1980, une Renault 5 TS était affichée 33 900 francs, soit l’équivalent de 14,6 mois de Smic de l’époque (2 317 FF, source Insee). Pour ce prix, et malgré le statut « haut de gamme » de cette version, vous n’aviez ni vitres électriques, ni rétroviseur droit, ni bien sûr ABS. A quoi s’ajoutaient des performances médiocres, et un niveau de sécurité (tant active que passive) des plus faibles… En 2015, une Renault Clio Zen TCe 90 est facturée - avant ristourne - 16 300 €, l’équivalent de 11,2 mois de Smic. Par rapport à la Renault 5, cela représente l’équivalent d’une baisse tarifaire de 23 % ! Dans l’intervalle, la citadine au Losange a notamment gagné ABS, airbags, climatisation, régulateur de vitesse, antidérapage ESP, ainsi qu’une polyvalence d’usage qui faisait défaut à l’ancêtre.
L'avis Caradisiac
Acheter une citadine, c'est nettement mieux maintenant.
Acheter une familiale: pas moins chère, mais bien mieux équipée !
En 1988, une Peugeot 405 SRDT, berline familiale typique de l’époque, s’affichait à 114 400 francs (17 440 €). Si l'on raisonne à euros constants, c’est-à-dire en tenant compte de l’inflation et du montant des salaires (source Insee), cela représente la somme de 27 700 €. Son équivalent aujourd’hui, une 508 e-HDi 115 ch Active, est proposée à 29 250 €. Un léger surcoût, certes, mais que compense une dotation enrichie de la plupart des équipements de sécurité et de confort imaginables, tandis que le moteur se montre à la fois plus sobre et plus performant. L’avantage des voitures actuelles se confirme donc.
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Acheter une familiale, c'est nettement mieux maintenant.
Acheter une sportive: pas moins chère, mais tellement mieux !
Les affaires se corsent. En 1980, il fallait débourser 157 500 francs (24 000 €) pour acquérir une Porsche 911 SC, soit 65 000 € à euros constants. Or, une 911 coûte aujourd’hui au minimum 92 243 €, ce qui représente une inflation de 43 % pour ce modèle précis. L’on comprend mieux comment Porsche est devenu le constructeur le plus rentable au monde !
Par honnêteté, précisons toutefois qu’un Cayman S (photo ci-contre) s’affiche à 65 828 €, soit l’équivalent du tarif de la « vieille » 911 qu’il domine évidemment en tous points (confort, sécurité, performances). Bref, là encore, le client y trouve largement son compte.
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Acheter une sportive, c'est mieux maintenant. Même chez Porsche.
Arriver indemne à destination: nettement plus sûr aujourd'hui
En 1972, 16 610 personnes ont trouvé la mort sur les routes de France, soit l’équivalent de la population de Mazamet (Tarn). Le 18 mai 1973, pour leur rendre hommage, toute la ville s’allongera pendant 15 minutes dans les rues. L’image fera le tour du monde.
Combien de fois avons-nous entendu des proches regretter l’époque « bénie » où l’on pouvait traverser la France à 200 à l’heure, et rouler sans craindre qu’un radar ne se cache derrière chaque tronc d’arbre ou dans le coffre de n’importe quel break banalisé ? Nostalgie, quand tu nous tiens…
Seulement voilà, un coup d’œil aux statistiques de la période 1970-2011 (voir graphique ci-dessous) montre - hélas - que seule la mise en place d’un arsenal répressif musclé permet d’améliorer les chiffres de sécurité routière. Ainsi, avant 1978 et la promulgation d’une loi sur la prévention sur l’alcoolémie au volant, plus de 12 000 personnes perdaient la vie chaque année sur nos routes… De même, le déploiement des radars automatiques depuis 2003 a permis une baisse quasi-mécanique du nombre de victimes (malgré la légère remontée observée en 2014, la première depuis douze ans). Bref, s’il y a matière à râler quand on constate les abus des forces de l’ordre - oui, ce PV pour 131 km/h retenus sur autoroute déserte par temps sec…- la bonne foi force à reconnaître que des règles plus contraignantes permettent d’obtenir des résultats probants.
Source : DSCR
Toutefois, il est important d’apporter la nuance suivante : si la sécurité routière s’améliore, c’est aussi en grande partie grâce aux constructeurs et équipementiers, qui depuis les années 70 ont mis au point ABS, airbags et autres antidérapages type ESP. Bosch estime ainsi que l'ESP dont il est le co-inventeur a permis d’éviter plus de 190 000 accidents et de sauver plus de 6 000 vies depuis qu’il a commencé à se généraliser à la fin des années 90. Précisons que cet ange-gardien électronique est obligatoire depuis le 1er novembre 2014 sur tous les véhicules neufs vendus en Europe. Quant aux pneumatiques, seul point de contact entre la voiture et la route, ce sont des produits de très haute technologie : si l’on montait des pneus d’hier sur une voiture d’aujourd’hui, l’on constaterait de très grandes différences en matière de comportement (freinage, tenue sur route mouillée…), mais aussi de bruit et de consommation. Il est donc bien dommage que toutes ces entreprises ne fassent pas mieux entendre leur voix face aux discours bêtifiant du « tout-radar » des autorités, alors même qu’elles jouent un rôle absolument primordial dans l’amélioration de la sécurité.
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Malgré l’augmentation du nombre de morts constatée en 2014 (la première après douze ans de baisse), la sécurité routière, c’est mieux maintenant. Mais pas uniquement grâce aux radars !
Avoir un (petit) accident: c'est – généralement - moins grave maintenant
Bien que les statistiques de sécurité routière s’améliorent, notamment grâce aux équipements de sécurité active de nos voitures, (voir plus haut) le risque d’accident existe toujours. C’est la sécurité passive (déformation de la carrosserie, airbags…) du véhicule qui permet d’amoindrir les conséquences du choc. En l’an 2000, l’organisme Euro Ncap avait notamment « crashé » la Peugeot 206, à laquelle il avait attribué quatre étoiles. Celle-ci assurait un niveau de protection correct selon les critères de l’époque, avec toutefois une assez forte exposition du buste, des genoux, en raison notamment de l'absence d’airbags latéraux. A l’épreuve du « choc piéton », l’auto ne glanait que deux étoiles sur quatre. En 2012, la Peugeot 208 récoltait 5 étoiles sur 5, et l’on constatait des risques de blessure nettement moindres qu’à bord de la 206. Entre-temps, la citadine au lion a logiquement amélioré sa dotation sécuritaire avec notamment ESP, 6 airbags, régulateur limiteur de vitesse, fixations Isofix à l’arrière ou témoin de non bouclage de ceinture aux places avant ;
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Aujourd'hui, même une citadine assure une protection optimale. On a donc bien plus de chances de sortir indemne d'un petit accident.
Assurer sa voiture: la surprise du chef !
Chaque année, les automobilistes s'insurgent contre ces odieux grippe-sous d'assureurs automobiles qui n'en finissent pas d'augmenter leurs tarifs.
Pourtant, les chiffres de l'Insee sont formels : entre 1992 et 2014, les tarifs d'assurance auto ont baissé de 17,8 % (à euros constants), alors même que la complexité croissante des véhicules est censée en rendre les réparations plus onéreuses. Une constatation qui va à l’encontre des idées reçues, et s’explique en partie par le fait que la sinistralité a considérablement baissé sur la période considérée.
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18 % de baisse entre 1992 et 2014 : même l'assurance auto coûte moins cher! Pour une surprise...
Faire le plein: des prix moins plombés
En 1980, le litre de super (plombé) coûtait 3,30 francs, pour un SMIC horaire à 13,37 francs. Il fallait donc travailler 12,3 heures pour payer un plein de 50 litres. En 2015, le litre de sans plomb coûtait en moyenne 1,51 €, pour un SMIC horaire à 9,61 €. 7,8 heures de travail payé au SMIC permettent donc de régler un plein de 50 litres : 4,5 heures économisées ! Contrairement à toutes les idées reçues couramment admises, le carburant coûte - bien - moins cher aujourd’hui.
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Contre toute attente, le prix de l'essence a nettement baissé depuis les années 80. De plus, les voitures consomment moins de carburant aujourd'hui.
Passer le contrôle technique: des voitures plus complexes mais plus solides
Moins fiables, nos voitures ? Leur sophistication croissante laisserait logiquement penser qu’elles se montrent plus fragiles que leurs devancières. Mais là encore, l’idée reçue se voit démentie par les chiffres. Les statistiques du contrôle technique montrent en effet que le taux de prescription de contre-visites pour voitures particulières était de 25,9 % en 1992 (année de la mise en place du CT), contre 20,3 % en 2001 et 19,05 % en 2013. Bref, alors même que le nombre d’altérations soumises à contre-visite augmentait au fil des ans, l’on a assisté à une baisse constante du nombre de problèmes constatés.
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Les statistiques du contrôle technique sont claires : malgré une conception toujours plus complexe, les voitures sont globalement plus fiables aujourd’hui.
CE QUI NE S'ARRANGE PAS
Le prix des péages : toujours plus !
Le montant des péages revient régulièrement dans le débat public, en raison de tarifs qui augmentent sans cesse alors même que les coûts d’exploitation du réseau n’évoluent guère d’une année sur l’autre. Ces coûts auraient même tendance à baisser, grâce notamment à l’automatisation croissante des portiques. Pour autant, la hausse des tarifs se poursuit inexorablement, et de façon spectaculaire même sur des périodes courtes.
Un exemple parmi des dizaines d'autres, le Paris-Bordeaux coûtait 43,8 € en 2002, ce qui devrait donner à euros constants 52,9 €. Or, il faut aujourd’hui débourser 54,4 €, soit une augmentation supérieure de 3 % à l’inflation sur la période. Pire : sur un Paris-Lyon, il fallait payer 25,8 € en 2002, ce qui devrait donner à euros constants 31,15 €. Or, on est à 33,3 €, soit une augmentation supérieure de 7 % à l’inflation !
Or, totalisant moins de 7 % des accidents mortels, l’autoroute est de loin la voie la plus sûre. A ce titre, il n’est pas normal que son usage s’apparente peu à peu à un luxe, notamment pour les jeunes conducteurs qui sont une population particulièrement exposée au risque routier.
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Prendre l’autoroute, cela coûtait moins cher hier...et ça ne va pas s’arranger ! Beaucoup de gens délaissent l’autoroute au profit du réseau secondaire, où la sécurité est moindre. Il s'installe peu à peu une ségrégation par l’argent difficile à admettre.
Stations-service : toujours moins nombreuses
On ne trouve plus que 11 000 stations-services dans l'Hexagone, alors qu’elles étaient 47 000 en 1975. La France compte désormais l’un des réseaux les moins denses d’Europe, en conséquence de quoi l’on estime que 17 millions d’automobilistes doivent parcourir plus de 5 km en moyenne pour accéder à une pompe.
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76 % de stations-service en moins depuis 1975 : remplir son réservoir, c’était plus facile avant.
Faire entretenir sa voiture : le coup de fusil
Aïe ! Parmi tous les postes de dépenses examinés lors de notre enquête, c’est celui de la main d’œuvre où les tarifs se sont le plus envolés. En 1992, une heure de main d’œuvre mécanique était facturée en moyenne 26 € (source Insee), soit l’équivalent de 37 € en 2014. Problème : en 2014, la même heure de main d’œuvre mécanique est facturée en moyenne 75 €. En d’autres termes, le montant de la prestation a doublé sur la période considérée, sans que cela soit justifié par un travail devenu deux fois plus difficile. Certaines tâches basiques - remplacer une ampoule de phare, par exemple - sont certes devenues un peu plus complexes et obligent souvent à faire appel aux services de professionnels, lesquels trouvent ainsi une excellente justification à cette hausse vertigineuse des tarifs. Mais nous considérons pour notre part qu’il s’agit de pure mauvaise foi, dans la mesure où l’on constate une évolution identique sur l’heure de main d’œuvre « carrosserie ». Or, la tôle reste de la tôle et la peinture de la peinture...
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Rares sont les secteurs qui ont augmenté leurs tarifs de 100 % entre 1992 et aujourd'hui. On peut donc « saluer » nos chers garagistes, dont on espère qu'à ce prix ils utilisent des clés à mollette plaquées or !
BILAN : globablement mieux qu’hier... et moins bien que demain ?
Toujours plus sûre, toujours plus propre grâce à des normes de plus en plus sévères et au développement des motorisations électriques et hybrides, et pourtant de moins en moins onéreuse : ces quarante dernières années, l’automobile a progressé à pas (ou tour de roues…) de géant. Certes, tout n’est pas parfait, avec notamment des stations-service bien plus rares et, surtout, des réparations terriblement plus onéreuses, mais la tendance de fond est là. « Le progrès ne vaut que s’il est partagé par tous », disait Aristote, et vingt-cinq siècles plus tard nos (pas si chères) voitures en apportent une parfaite illustration.
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