Si vous demandez à votre entourage où est produite la Twingo II, une majorité de personnes répondra catégoriquement « en France », ou ne saura pas répondre.En réalité, la dernière Twingo est quasi intégralement fabriquée et assemblée à Novo Mesto en Slovénie. Mais alors, que signifie réellement cette conception de made in France, alors qu’une voiture est composée de milliers de pièces produites à différents endroits ?

Enquête vidéo exclusive - Est-il encore possible d’acheter du « Made in France »?

Enquête vidéo exclusive - Est-il encore possible d’acheter du « Made in France »?

 

Quels sont les critères requis pour en obtenir le label

« Made in France » tant convoité ?

 

D’après Thierry Damien, « Une voiture assemblée en France dont la majorité des pièces est fabriquée en France », remplit les critères du label Made in France. A cela s’ajoute une partie « fondamentale que sont les centres de recherche et développement » selon Roland Vardanega, président de la société des Ingénieurs Arts&Métiers et ancien président du directoire par intérim du groupe PSA Peugeot Citroën.

Le made in France est une définition complexe, dès lors qu’il est difficile de se faire une idée claire sur l’origine des nombreuses pièces qui composent un véhicule. Et si la délocalisation fait souvent débat, c’est qu’elle représente un réel enjeu économique, plus ou moins vital selon les cas.

Mais quels sont donc les constructeurs français à avoir délocalisé ?

 « Tous » nous répond Julia Cage, économiste à l’Université d’Harvard et à l’école d’économie de Paris. La question des coûts logistiques est fondamentale « car il faut transporter la voiture vers le lieu de consommation de la voiture. »

 

L’achat citoyen, un élément incontournable

 

Produire au sein du marché visé est donc une évidence économique pour réduire les coûts. Là réside toute la problématique du marché français, lui-même partie intégrante du marché européen, qui offre des possibilités de main-d’œuvre nettement moins chères. Le made in France n’a alors réellement de sens que pour l’Europe, mais cela devient gênant voire problématique, dès lors que les constructeurs français délocalisent une « production destinée au marché français ou Européen », selon Thierry Damien.

Cette gêne s’explique notamment par la notion d’achat citoyen, exacerbée lors de la dernière campagne présidentielle. Une attitude qui aurait pour but de soutenir l’économie en préférant les marques nationales, et qui n’est pas une caractéristique purement française. François Roudier, porte-parole du Comité des Constructeurs Français d’Automobiles (CCFA), nous confirme que « la part de marché des constructeurs français est traditionnellement de plus de 55 % ».

Les informations quand au lieu de fabrication d’un véhicule ne sont pas toujours très claires.

Certes, l’époque où les constructeurs français produisaient intégralement leur véhicule en France est révolue. Les temps ont bien changé mais le tableau n’est pas si sombre malgré tout. La très large majorité des modèles français destinés au marché européen est toujours assemblée en France.

 

Pour PSA, 22 modèles sont produits dans l’Hexagone. Il s’agit des 206+, 208, 308, 308CC, 308SW, 407 coupé, 508, 508 RXH, 508 SW, 3008, 5008, C3, C4, C5, C6, DS3, DS4, DS5, 807, C8, Expert et Jumpy

 

Pour Renault, cela concerne les Laguna III Berline, Laguna III Estate, Laguna III Coupé, Espace IV, Kangoo II, Clio III, Mégane III coupé-cabriolet, Scénic III, Clio III Renault Sport et Master III.

 

D’après Jean-François Kondratiuk, Secrétaire Comité Européen PSA pour Force Ouvrière, Renault serait le mauvais élève français. Selon lui, « l’inquiétude est que PSA adopte la logique de Renault qui est d’aller fabriquer dans des pays à faible coût de main-d’œuvre. »

 

En réalité, les 3 constructeurs français produisent des modèles pour le marché européen hors de nos frontières.

Ainsi PSA produit :

- au Portugal : Partner, Berlingo, Partner Origin, Berlingo First

- en Slovaquie : 207 et C3 Picasso

Et en coopération avec :

- Fiat en Italie : Boxer, Jumper

- Mitsubishi en Russie : 308, C4, C-Crosser, 4007

- Toyota en République Tchèque : C1 et 107

 

Renault de son côté produit :

- en Espagne : Trafic II, Mégane III, Clio III, Modus, Twizy, des moteurs et des boîtes de vitesses

- au Royaume-Uni : Trafic II

- en Slovénie : Clio II, Twingo II, Wind

- au Portugal : des boîtes de vitesses et des composants moteurs

                  

Concernant les pièces composant un véhicule fabriqué en France, chez PSA comme chez Renault, environ 65 % sont fabriquées dans l’Hexagone. PSA avance même un chiffre de 80 % pour la production de moteurs et de boîtes de vitesses.

 

A noter qu’aucune des trois marques n’a souhaité avancer un chiffre concernant les pièces de véhicules fabriqués à l’étranger.

 

Made in France et voitures françaises

 

Nous venons de le voir clairement, voiture française ne signifie pas nécessairement made in France. De plus, au sein de cette réalité qu’est le marché européen, où se situe donc l’achat citoyen . Cette confusion au niveau de la perception entre marché français et marché européen souligne le décalage évident qui existe entre les constructeurs et les consommateurs. Prenons alors le cas de la Toyota Yaris. Une voiture japonaise, mais qui remplit les critères du label made in France.

En 2001, Toyota décide de produire sa Yaris en France, et bien que les investissements proviennent du Japon, la recherche et le développement sont faits dans le sud de la France. Un choix qui là aussi répond à la nécessité de se rapprocher du marché de vente. Selon Philippe Boursereau, directeur de la communication Produit de Toyota France, « il était logique pour Toyota de venir produire la Yaris en France », puisque cette dernière est exclusivement réservée au marché européen. Voilà donc une marque étrangère qui joue sur le concept d’achat citoyen du consommateur français car « tout le marketing de Toyota s’est fait sur ce point là », d’après François Roudier.

D’ailleurs, sur la Yaris, un tiers des pièces externes à la fabrication de Toyota sont quand même produites en France, et bien que le moteur soit quant à lui polonais, la voiture est assemblée dans l’Hexagone, ce qui fait travailler la filière automobile française à Valenciennes.

 Le low cost change la donne

 Si Toyota, marque étrangère, vient produire en France, en ce qui concerne le low cost en revanche, les constructeurs français ont dû aller produire à l’étranger.

C’est notamment le cas de Renault, à travers sa filiale Dacia -qui n’aurait jamais pu produire une voiture à 5000 euros en France vu le coût du travail dans notre pays- avec la Logan.

 

La production de la Dacia Lodgy, fabriquée à Tanger au Maroc, répond donc à plusieurs critères. Une production low cost, donc forcément dans un pays où le travail coûte moins cher tout en restant dans une zone proche du marché de vente, c’est à dire moins de 3000 km.

 

Pour produire du low cost, « Renault a été obligé de mettre sous contrainte tous les prix », nous explique Eric Debœuf, directeur des programmes Entry chez Dacia. Finalement l’argument du patriotisme économique ne fait pas le poids face à des tarifs compétitifs, alors que le low cost séduit de plus en plus de consommateurs, et cela dans tous les secteurs de vente. Et s’il est vrai que produire en France favorise le travailleur français et représente un argument électoral de premier choix, la réalité économique est bien souvent plus complexe. Ainsi, Pour l’instant, Dacia ne vend que 10 % de sa production en France et s’oriente surtout vers de nouveaux marchés.

L’image de marque d’un véhicule français ou d’une autre voiture est d’autant plus appréciée pour ce qu’elle représente.

 

Les pertes pour l’industrie de l’automobile française sont réelles lorsque les constructeurs français délocalisent au sein du marché européen. Des pertes qui se sont notamment traduites par un vaste plan de restructuration annoncé par PSA fin 2011, et le non-renouvellement de nombreux départs en retraite. Si certains chiffres sont montés jusqu’à 7800 suppressions de poste, cela s’explique aussi par un ralentissement notable de l’économie dont pâtit le pouvoir d’achat du consommateur français qui n’achète plus de voiture ou qui s’oriente vers les véhicules à bas coûts.

 

Les défis à venir sont nombreux et de taille. La concurrence féroce en termes de coût du travail ainsi que le potentiel économique des marchés émergents sont à la fois une menace forte pour le made in France mais aussi une opportunité à ne pas rater pour l’industrie automobile française.

 

Le salut de l’industrie automobile française passe avant tout par l’innovation et la qualité. Une règle qui s’applique à tous les secteurs et à laquelle l’automobile ne pourra pas se soustraire.

Dans ce sens, le made in France ne semble pas menacé. D’ailleurs, si acheter français est pour vous primordial, sachez qu’aujourd’hui le véhicule qui vous convient est la Peugeot 208, assemblée à Poissy dans les Yvelines et dont 80 % des pièces sont fabriquées en France.

 

Enquête vidéo exclusive - Est-il encore possible d’acheter du « Made in France »?