"J’aimerais vous dire que les propriétaires de voitures électriques sont des êtres supérieurs, mais..."
Clément Molizon, délégue général de l'Avere-France, a accordé une interview à Caradiac. Prix de la recharge, leasing social, disponibilité du réseau de charge en hiver, etc.: nous avons passé les grands thèmes du moment en revue avec ce spécialiste de la mobilité électrique.
Le Salon des maires, qui se tient jusqu’à jeudi à Paris, est notamment l’occasion de sensibiliser nos élus aux enjeux de la mobilité électrique. De nombreux acteurs de l’écosystème font ainsi le déplacement Porte de Versailles, parmi lesquels l’incontournable Avere-France, association de promotion de la mobilité électrique dont le délégué général Clément Molizon a accordé une interview à Caradisiac.
Dans quel état d’esprit les élus que vous croisez sont-ils vis-à-vis de la mobilité électrique ?
Les élus sont de façon générale représentatifs de la population. Il y a des sceptiques, des enthousiastes, et surtout une majorité encore curieuse et avide d’informations. En tout cas, la certitude est que ça progresse bien.
Parmi les freins à la mobilité électrique, il y le déploiement des infrastructures de charge en copropriété. Cela avance bien aussi de ce côté-là ?
Tout sujet comportant le mot « copropriété » est par nature un peu plus complexe, mais les choses avancent et un décollage s’opère. L’important à dire aujourd’hui est qu’il y des solutions techniques de financement. Les copros ont la possibilité de comparer différentes offres pour comparer en connaissance de cause. Il y a un vrai décollage.
Un décollage que vous pouvez d’ores et déjà chiffrer ?
C’est encore trop pour les chiffres car les dossiers sont en train d’être complétés. Mais sur les infrastructures collectives type parking, on voit vraiment que depuis le début du programme Advenir où c’était marginal les flux de dossiers commencent à affluer, et il en va de même pour les bornes individuelles. Il y en a déjà plusieurs milliers déjà installées ou en cours d’installation.
"Avec une électrique, le budget carburant est de 11 à 15 € par mois."
La clé, c'est le syndic?
On n’est plus dans le cas d’il y a plusieurs années où les choses étaient complexes. Là encore on forme les acteurs de l’immobilier pour accompagner et répondre aux questions des propriétaires et locataires. La clé est le syndic ou le conseil syndical. Quand on est porteur d’un projet, l’important est d’aller chercher les autres propriétaires ou locataires désireux de passer à l’électrique. Il y a des bonnes pratiques un peu simples comme mettre un papier dans la cage d’escalier ou d’ascenseur pour voir qui peut être intéressé à 2, 3 voire 5 ans. Le but est d’arriver à faire de la recharge un sujet prioritaire au cœur de la copropriété pour avancer.
Autre sujet du moment, le leasing social avec ces fameuses voitures à 100 € par mois…qui ne seront pas si nombreuses en réalité et ne s’adresseront qu’à 20 000 personnes dans un premier temps !
Le leasing social ça a mis du temps à se mettre en place pour organiser une filière industrielle. Il n’y aura pas beaucoup d’élus pour les premiers mois car en plus des critères financiers il fallait une localisation de la production en Europe, ce qui réduit le nombre de véhicules disponibles. Mais des modèles à prix réduit vont arriver sur le marché, l’électrique est de plus en plus abordable et les gammes proposées par les constructeurs s’étoffent.
Oui, mais il va falloir encore être patient…
La démocratisation doit être totale, et donc il faut que l’électrique embarque tout le monde. Cela passe donc par l’occasion, sachant que 6 français 7 achètent de cette façon. Il faut que les personnes qui peuvent acheter du neuf et les entreprises le fassent dès à présent pour abonder peu à peu le futur marché de l’occasion. Le leasing social sera aussi une façon de dynamiser le marché.
L’Avere France s’est aussi récemment intéressée au prix de la recharge à travers une grande étude. Quelles sont les tendances ?
Aujourd’hui, un conducteur typique de voiture électrique paiera entre 11 et 15 euros par mois parce que l’essentiel de la charge se fera à domicile. On a jouté un autre profil de conducteur longue distance, qui roule plus et va rajouter 64 € à sa recharge chaque mois. Dans les deux cas de figure, ça revient toujours moins cher que l’essence ou le diesel. L’électrique va donc être rentable dans un certain nombre de cas et va continuer à l’être car on a l’électricité en France qui est moins chère avec des opérateurs qui gardent des prix attractifs. On va réactualiser cette étude tous les six mois.
Autre sujet: l’hiver démarre et on va encore avoir droit au refrain sur la nécessité de limiter sa consommation électrique. Cela ne dessert-il pas la cause que vous défendez ?
Chaque année on y a droit. L’hiver dernier, ça avait été marquant avec ces doutes fortement exprimés sur la dispo d’électricité en France. Or, RTE comme Enedis disent bien que la voiture électrique n’est pas une menace mais une opportunité. Elle peut se recharger dans les moments de moindre tension et consommation, la nuit typiquement. Et en plus elle peut donner de la flexibilité en distribuant de l’énergie quand elle est dotée d’un système de recharge bidirectionnelle.
Les signaux sont donc au vert, mais il faut piloter sa recharge à travers une démarche active. Il faut maximiser la nuit en heure creuse, ou alors au moment des pics de production d’électricité en milieu de journée. Le parc accélère plus vite que ce prévoyaient les derniers rapports de RTE, et malgré cela on voit qu’il n’y a pas et qu’il n’y aura pas de problèmes majeurs de consommation grâce notamment au décalage de la recharge. Et pour ceux qui peuvent pas décaler ils profiteront de ce que leur voisin a décalé sa propre recharge.
Dernier thème, le savoir-vivre. On doit souvent déplorer un manque de civisme aux bornes, entre ceux qui se garent sans se brancher et ceux qui squattent les emplacement plus longtemps que nécessaire. N’y aurait-il pas une campagne de communication à mener ?
J’aimerais vous dire que le propriétaires de voitures électriques sont des êtres supérieurs dotés d’une parfaite conscience, avec un sens citoyen particulier. Mais ce sont des gens comme tout le monde. Pour autant, le problème vient encore surtout les thermiques qui bloquent l’accès aux bornes mais il y a aussi les gens qui restent trop longtemps ou qui ne se branchent pas. Sur les aires d’autoroute, on a vu du personnel mobilisé pour fluidifier le trafic autour des bornes et ça va dans le bon sens. Cette démarche est bienvenue et sera importante dans les prochaines années. On aura toujours un lot d’incivilités malheureusement. Il faut surtout développer le nombre de bornes et ne faut pas oublier qu’il y a aussi un pouvoir de police qui peut être mis en place. Une place de recharge dédiée à l’électrique est une place dédiée à un VE en recharge, point à la ligne.
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