Carlos Ghosn : portrait psychanalytique d’un dirigeant hors normes
La fuite de Carlos Ghosn, comme ses déboires japonais et comme l’ensemble de son parcours, fascinent, intriguent ou irritent. Mais quel est l’homme qui se cache derrière le masque de PDG et de fuyard ? Le psychanalyste Rodolphe Oppenheimer a décrypté pour Caradisiac, sa récente conférence de presse et nous livre le diagnostic de ce drôle de patient.
Il est psychanalyste et homme politique. Petits fils d’Edgar Faure, Rodolphe Oppenheimer est aussi essayiste. Son dernier ouvrage « se libérer des troubles anxieux par la réalité virtuelle » évoque les méthodes qu’il utilise aujourd’hui dans son cabinet de psychanalyse. Mais son patient fictif du jour à la demande de Caradisiac, s’il n’est pas virtuel, est loin de son divan. Réfugié au Liban depuis sa fuite du Japon, Carlos Ghosn a livré une conférence de presse la semaine passé et Rodolphe Oppenheimer-Faure l’a décryptée pour nous. Verbatim.
Manque d'empathie, narcissisme exacerbé froideur...
« La première chose qui m’a frappée au cours de ces deux heures de conférence, c’est au conditionnel bien sûr,le manque totale d’empathie de Carlos Ghosn. Un manque d’empathie qui peu conduire aussi à un manque de sympathie envers les autres. Il n’a aucun trauma, comme si rien ne pouvait le toucher intimement, ni ses déboires judiciaires ni les critiques qu’il peut susciter. C’est sans doute lié à un narcissisme exacerbé, qui conduit souvent à un isolement. Cette prédisposition à une hypertrophie du « moi » a, malgré tout, ses qualités, et on le retrouve souvent chez les hommes politiques. Eux, comme Ghosn ne sont jamais rattrapés par le doute quant à leurs actions et sont totalement sincères lorsqu’ils s’expriment. C’est le cas de Jean-Luc Mélenchon, lorsqu’au cours de la perquisition des locaux de son parti, il s’exclame « la République, c’est moi ». De la même manière, Carlos Ghosn aurait pu dire, en d’autres temps, moins judiciarisés, « Renault-Nissan, c’est moi. »
Mélenchon – Carlos Ghosn, mêmes symptômes ?
"Cette sincérité, lié à son « moi » hypertrophié, est une arme de guerre rare et redoutable. Tout le monde n’est pas ainsi prédisposé. Elle permet à Carlos Ghosn d’être combatif, quelle que soit la dimension du combat. Il n’est jamais assailli du moindre doute et en a fait la démonstration au cours de cette conférence de presse. Il reste combatif malgré, et peut-être, à cause de ce qu’il a enduré au cours de sa détention. Surtout, cette froideur est celle d’un calcul réalisé en amont en traitant les problèmes les plus difficiles dans un premier temps. Ce qui est l'inverse de ce que les gens font habituellement. Nul doute qu’il conserve quelques pièces ou documents en sa possession pour les prochaines étapes. Car en bon tacticien, il connait les règles qui consistent à ne prendre en main que 30% des problèmes à résoudre, les plus urgents, puis à s’occuper du reste."
"On évoque ces temps-ci la somme de 20 millions d’euros que l’ancien PDG de Renault-Nissan aurait versé pour payer sa fuite. Je pense qu’il s’agit là l’un des rares contrats que Ghosn n’a pas négocié. Il a voulu les meilleurs mercenaires, pour le meilleur , c'est à dire lui-même. L’homme d’exception, qu’il est d’ailleurs, est aussi lié à son physique. Sa carrure imposante laisse penser que c'est un grand leader, il profite d’une sorte d’effet d’aubaine. C’est un anti-héros peu sympathique devenu héros romanesque. Il le sait, en est encore conforté si besoin et n’aura aucune limite dans son action. Je le pense mentalement armé pour revenir en France plaider sa cause, puisqu’il n’a aucun doute sur sa sincérité. Pour terminer sur une caricature, je dirais que ce diable d’homme est capable de vendre au gouvernement japonais un audit sur sa sécurité intérieure. »
Déposer un commentaire
Alerte de modération
Alerte de modération