Faut-il encore acheter un diesel d'occasion en 2023 (ou après...) ?
Cette même question revient, encore et toujours. Adulé fut un temps mais affublé de tous les maux aujourd'hui, le diesel représente encore la moitié des ventes de voitures d'occasion. Il bénéficie même d'un regain d'intérêt en ce moment. Mais est-ce vraiment raisonnable d'acheter un diesel d'occasion aujourd'hui ? Éléments de réponse...
Il n'est besoin que d'un bref rappel historique pour vous préciser, si besoin en était encore, que le début du déclin pour le diesel a débuté avec le "dieselgate", l'énorme affaire de tricherie aux émissions polluantes, mise au jour dans le groupe Volkswagen.
Depuis, c'est la descente aux enfers pour ce carburant, qui a vu sa part de marché dans les ventes de véhicules neufs passer de plus de 77 % à son apogée en 2008, à un petit 16,4 % l'année dernière, en 2022. Et depuis le début de l'année 2023, tenez-vous bien, c'est moins de 10 % des voitures neuves qui sont vendues en diesel, actant plus ou moins la quasi "disparition" programmée de ce carburant, dans le paysage des véhicules particuliers s'entend.
Mais pendant longtemps, les ventes en diesel ont été majoritaires donc. Entre 2000 et 2017 pour être précis. Du coup, sur le marché de l'occasion, ces modèles sont aujourd'hui encore bien présents. Sur La Centrale, à la typologie de véhicules en vente plutôt récents, les modèles gazole représentent toujours 35 % des annonces, et sur le bon coin, plus représentatif du marché global de la seconde main, on trouve 44,5 % de modèles diesels, contre 43,5 % de modèles essence (le reste étant constitué des hybrides et des électriques).
Selon les statistiques des préfectures, c'est encore 1 vente sur 2 qui concerne en seconde main les modèles diesels, même si ça diminue logiquement et mécaniquement.
Il semblerait toutefois que les diesels reprennent du poil de la bête en occasion. En effet, leur prix moyen a augmenté de 900 € sur un an sur le site de La Centrale, alors que dans le même temps, le prix des modèles essence s'est complètement stabilisé. Cela exprime-t-il un regain d'intérêt ?
On pourrait le penser. Mais ceux qui se dirigent toujours (ou à nouveau !) vers le diesel ont-ils tort ou raison de le faire ? Nous avons cherché à peser le pour et le contre, en se focalisant sur différents aspects, comme : les prix, la pollution, les coûts d'utilisation, la fiabilité, pour savoir si l'achat d'un diesel en occasion était pertinent ou pas aujourd'hui.
Les prix : un argument pour ou contre ?
Nous l'avons vu, le prix des modèles diesels en occasion a tendance à remonter un peu, selon les données de La Centrale (les statistiques du bon coin sont plus nuancées). Pas de beaucoup, certes, mais un peu, et c'est notable dans la mesure où leurs prix moyens étaient en baisse depuis un moment. Ou du moins, pour être précis, dans un contexte où l'inflation touchait tous les modèles sur le marché de la seconde main, ils augmentaient moins que les modèles essence, et bien moins que les hybrides.
Désormais les cotes des essence se stabilisent, celles des hybrides et des électriques baissent. Mais cela ne suffit pas pour faire des modèles diesels des épouvantails hors de prix.
En effet, nous avons comparé les cotes de différents modèles du marché, et à version équivalente, en termes de puissance, niveau de finition, année et kilométrage, les diesels décotent toujours un peu plus que les essence, et bien plus que les hybrides. Ils restent donc financièrement intéressants, et d'autant plus que les moteurs sont gros et puissants.
Le temps où les diesels se revendaient comme des petits pains est donc bien fini, et le petit regain actuel n'y changera rien. Les diesels vont inexorablement intéresser de moins en moins. À moins que leur lente disparition commence à les faire devenir rares, et ce qui est rare est cher. Mais on a encore quelques années devant nous.
Verdict : c'est aujourd'hui un argument POUR
La consommation : un argument pour ou contre ?
Même si les moteurs essence ont fait des progrès dans ce domaine (du moins sur le papier...), les diesels restent des champions de la consommation, la densité énergétique du gazole étant supérieure à celle du sans-plomb, notamment.
Mais les hybrides se débrouillent aussi très bien à ce jeu, aidés par leur électrification, tandis que les hybrides rechargeables, si bien utilisés, c’est-à-dire rechargés dès que possible, sont alors imbattables (mais c'est rarement le cas).
Dans tous les cas, un diesel de puissance équivalente à un essence non hybride consomme entre 1 et 1,8 litre de moins, selon la gamme et le niveau de puissance.
Si l'on prend le tarif actuel moyen des carburants (1,848 € pour le SP95-E10 et 1,862 € pour le gazole), une différence de consommation de 1,5 litre (5 l/100 en diesel, et 6,5 l/100 en essence) et un kilométrage annuel de 15 000 km, le diesel fait économiser 405,30 euros par an.
Mais si on prend un diesel face à un hybride qui consomme de façon égale, le rapport s'inverse, puisque le prix du gazole est supérieur à celui du SP95-e10 en ce moment !
Bien sûr, le calcul est à refaire avec des prix du carburant actualisés, et si vous hésitez entre deux modèles bien précis, avec les consommations respectives.
Verdict : un argument aujourd'hui en faveur du diesel face à une thermique pure, mais qui peut devenir contre face à un hybride ou un hybride rechargeable bien utilisé.
La pollution : un argument pour ou contre ?
C'est un point de débat aujourd'hui important, la santé publique étant un enjeu d'envergure.
Alors oui, les rejets de Nox des diesels (responsables de maladies respiratoires) sont plus élevés que ceux des moteurs essence en moyenne. Mais les diesels respectant les dernières normes Euro 6d, qui ont limité drastiquement les émissions, ne sont pas spécialement non plus les monstres de pollution que l'on décrit. Les rejets restent certes plus importants, mais les systèmes de dépollution coûteux (pièges à Nox, filtres SCR c'est-à-dire la réduction catalytique sélective) sont efficaces. Reste un doute sur les émissions réelles en circulation. Doute levé avec les nouveaux cycles d'homologation qui comprennent un cycle "RDE" c’est-à-dire en conditions réelles. Ça, c'est pour le neuf, or les diesels d'occasion, eux, rejettent sans doute des Nox à qui mieux mieux, surtout après quelques années d'encrassement en circulation...
Par contre le diesel reste, de par sa sobriété toujours reconnue, le champion des basses émissions de CO2 (qui rappelons-le, n'est pas un polluant, mais un gaz à effet de serre responsable du réchauffement climatique, mais dont on parle comme d'un polluant). Ses émissions de particules, obligatoirement filtrées depuis 2011, ne sont pas supérieures aux derniers moteurs essence à injection directe, qui se voient également obligés d'opter pour le FAP pour respecter les dernières normes, et qui arrivent aussi aujourd'hui sur le marché de l'occasion... Bien sûr, l'arrivée des modèles hybrides rechargeables, dont les émissions officielles sont le plus souvent sous les 50 grammes par kilomètre, change la donne. Mais en utilisation réelle, c'est une autre histoire.
Du coup, comment définir si c'est un avantage ou un inconvénient ? Aucun des deux n'est au final capable de rejeter un air pur. Mais il semble que le diesel, même si les choses sont toujours plus compliquées qu'elles n'y paraissent, soit plus "polluant" au sens strict du terme, et plus nocif pour les voies respiratoires, que l'essence.
Verdict : un argument plutôt CONTRE
Les restrictions de circulation : un argument pour ou contre ?
Les ZFEm (zones de faibles émissions mobilité) devront être une réalité en 2025 pour les 43 agglomérations françaises de plus de 150 000 habitants. Et cela est toujours d'actualité aujourd'hui, même si seulement 11 sont en place en 2023. Cependant, ce sont les restrictions de circulation appliquées dans ces zones qui sont en réalité les plus importantes, car elles touchent en premier lieu les diesels !
Or, la plupart des maires des zones concernées reculent, sous la pression populaire, la mise en place de leur zone, ou lorsqu'ils la mettent en place l'assortissent de restrictions bien plus légères que ce qui était prévu au départ. Ainsi, même dans la ZFE du Grand Paris, la plus restrictive à date, les diesels sont encore autorisés à circuler, alors qu'ils devaient au départ être interdits en juillet 2023, mais même en janvier 2025, les plus récents d'entre eux pourront toujours rouler (ceux d'après janvier 2011). Dans certaines ZFE, seuls les véhicules sans aucune vignette Crit'Air sont interdits de circulation. Dans d'autres seuls ceux qui ont une vignette Crit'Air 5 (soit les diesels antérieurs à 2000) sont embêtés. Et le durcissement des restrictions est souvent repoussé.
Bref, pour résumer, les édiles sont pied sur le frein, pour éviter le mécontentement. Et même les pouvoirs publics admettent qu'une ZFE sans restriction autre que l'interdiction des véhicules sans vignette (la semaine seulement on le rappelle) et parfois même seulement lors des pics de pollution, peut s'envisager, si la qualité de l'air est bonne. Ce deviendrait des "zones de vigilance" seulement.
Le spectre de devoir revendre ou remiser son diesel s'éloigne donc, et il va rester encore de (parfois nombreuses) belles années de tranquillité, surtout pour les diesels Crit'Air 2, 3 et 4.
Verdict : certes c'est un argument CONTRE à la base, mais le "danger" s'éloigne presque d'année en année.
Les coûts d'utilisation : un argument pour ou contre ?
L'assurance.
Les prix du neuf plus élevés des diesels, qui devraient mener à des primes plus importantes, sont contrebalancés par une décote plus forte aujourd'hui. De fait, nos simulations pour des profils identiques et des modèles essence et diesels comparables démontrent que les tarifs des diesels ne sont pas plus élevés que ceux des modèles essence, et par ailleurs plus faibles que ceux des hybrides. Les différences existent, mais elles sont de l'ordre de quelques euros par an. Ce n'est pas significatif.
Le prix des pièces.
Ici, les choses sont assez claires. Si les pièces de carrosserie sont évidemment au même prix, les pièces mécaniques (freins, embrayage, transmission, amortisseurs), dimensionnées pour des véhicules plus lourds et en général plus coupleux que les essence, sont plus chères en moyenne de 20 à 40 % selon les modèles. Les systèmes d'injection haute pression sont bien plus chers à remplacer également.
De plus, seuls les diesels (et certains modèles essence très récents) sont dotés de filtres à particules qui posent souvent problème et nécessitent un entretien. Les systèmes de dépollution diesel sont aussi plus onéreux à maintenir et remplacer. Au final, le panier de pièce est cher.
Les coûts d'entretien.
Contrairement aux idées reçues, les coûts des révisions sont aujourd'hui assez équivalents. Tout simplement car les modèles essence ont peu à peu adopté les mêmes technologies que le diesel, et leur technicité a renchéri le coût de leur entretien. Il existe une toute petite différence en défaveur du diesel mais c'est comme pour l'assurance, c'est anecdotique.
Verdict : à cause du prix des pièces, c'est un argument CONTRE
La fiabilité : un argument pour ou contre ?
Si l'on excepte certains moteurs essence faisant office de "mouton noir", comme le bloc Renault 1.2 TCe, ou le PSA 1.2 Puretech, qui connaissent des soucis bien identifiés de fiabilité, c'est bien aujourd'hui les moteurs diesels qui sont moins fiables que les essence. Et si pendant longtemps, la croyance populaire continuait à pencher du côté des "diesels indestructibles", même celle-ci bascule, et le grand public est aujourd'hui au courant des avatars des diesels modernes.
Systèmes d'injection fragiles, vannes de recyclage des gaz d'échappement qui s'encrassent, turbo qui cassent prématurément, système de dépollution qui dysfonctionnent, filtres à particules qui leur emboîtent le pas, la liste est longue.
Et toutes nos maxi-fiches fiabilités font, sauf exception, le même constat, mois après mois : il y a plus de soucis avec les modèles diesels qu'avec les autres.
Verdict : un argument CONTRE
La revente : un argument pour ou contre ?
Pendant les heures de gloire du diesel, on entendait souvent "tu payes ton diesel plus cher oui, mais tu récupères une grosse partie du surcoût à la revente...". Et c'était vrai. Car les modèles fonctionnant au gazole se revendaient comme des petits pains.
Or, vous l'avez compris plus haut dans cet article, ce n'est plus le cas, bien au contraire. Malgré un petit regain de forme ces derniers mois, il reste plus compliqué d'écouler un diesel. Surtout pour les modèles les plus récents, et surtout dans les grandes agglomérations. Plus question de récupérer le surcoût, toujours bien présent face aux modèles 100 % thermiques, lors de la revente, c'est même le contraire. Ce n'est donc plus un argument en faveur du carburant "gras".
Verdict : un argument CONTRE
L'autonomie : un argument pour ou contre ?
Pour la forme, il nous est apparu nécessaire de trouver quelques derniers arguments en faveur claire du diesel. On les trouve en parlant d'abord d'autonomie.
Oui, la logique veut qu'avec des consommations plus faibles à puissance équivalente, et souvent des réservoirs plus imposants que les modèles essence, ou hybrides aujourd'hui, les diesels aient des autonomies plus importantes. Et donc la possibilité de parcourir sans s'arrêter des distances plus grandes. C'est factuel.
Cependant, avec aujourd'hui des injonctions fortes à s'arrêter régulièrement, et de toute façon la possibilité de faire le plein très rapidement, que ce soit en essence ou en diesel (et surtout bien sûr comparé aux modèles électriques de plus en plus nombreux), cet argument est à relativiser.
Verdict : un argument POUR
L'agrément de conduite : un argument pour ou contre ?
On trouve ici un second argument en faveur du diesel. Même si les moteurs essence modernes ont progressé, c'est une évidence, ceux au gazole, aidés par un couple encore un peu plus élevé, proposent souvent de meilleures reprises, une plus grande aisance pour tracter.
Ils sont certes en moyenne plus bruyants que leurs homologues essence (et encore, pas toujours, et à vitesse stabilisée, leur régime de rotation plus faible peut se révéler un avantage), mais ces derniers, avec les trois cylindres actuels qui se répandent partout ou presque, peuvent aussi se révéler vibrants au ralenti, un phénomène qui ne touche pas les 4 cylindres.
Verdict : léger argument POUR le diesel
LE BILAN
Faisons les comptes. Avec trois arguments POUR, un argument ni pour ni contre, et cinq arguments CONTRE, la réponse à la question posée en titre est négative. Il existe plus d'inconvénients que d'avantages à acheter aujourd'hui un diesel d'occasion. C'est assez factuel et objectif. Mais les arguments prix, autonomie et agrément de conduite peuvent peser plus lourd pour certains conducteurs, et cela s'entend aussi.
Dans tous les cas, acheter un diesel en occasion, tout comme acheter un diesel en neuf, ne va clairement pas dans le sens de l'Histoire. Un hybride ou une électrique, oui.
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