Hydrogène : où en est-on vraiment ?
Solution miracle pour les uns, impasse pour les autres, l’hydrogène est un sujet clivant. Aujourd’hui réduit à des expérimentations ponctuelles, ce carburant a-t-il un réel avenir ? Nous vous donnons les réponses à toutes vos questions.
Rouler sans aucune émission nocive et juste un peu d’eau perlant à l’échappement, avec une énergie renouvelable et décarbonée, n’y a-t-il pas mieux pour faire rêver ? Cela correspond bien à la description de la solution hydrogène alimentant une pile à combustible. Une simple réaction d’oxydation avec de l’oxygène effectuée dans une sorte de générateur embarqué produit ainsi l’électricité nécessaire à animer un moteur électrique, avec une source énergétique dont le plein se fait en quelques minutes. Pas de grosses batteries très lourdes qui nécessiteront un recyclage complexe, mais tous les avantages d’une voiture électrique, évoluant en silence en douceur en somme.
Mais les miracles ne sont pas de ce monde et l’exploitation de cette énergie n’est pas d’une simplicité biblique… Sa production est complexe et très énergivore, et en fonction des ressources utilisées pour produire cette énergie, cela joue grandement sur son bilan carbone. Difficile et cher à transporter et distribuer, encombrant dans les réservoirs cylindriques haute pression des véhicules, l’hydrogène est à ce jour une énergie chère et du coup, rare.
Certains projets voient cependant le jour, tandis que 7,2 milliards d’euros seront consacrés au développement de la filière d’ici 2030 en France. Hype voudrait passer de 600 à 10 000 taxis hydrogène dans Paris d’ici fin 2024. Renault vient tout juste d’inaugurer sur son site de Flins l’usine HYVIA où démarrent l'assemblage et le test de piles à combustible basés sur la technologie de Plug Power, destinées au futur Renault Master H2-TECH, ainsi que bientôt, la production d’hydrogène bas carbone. Le spécialiste Lhyfe a inauguré son premier site de production d’hydrogène vert l’an passé en Vendée. Des acteurs de la recherche et développement en France comme FEV France ou l’IFP investissent dans des bancs d’essais dédiés. Différents constructeurs continuent la recherche et développement vers cette énergie dont l’avenir semble plus assuré pour les utilitaires que pour les voitures particulières, surtout pour ce qui est d’un usage tourné vers le grand public. Hyundai et Toyota ont chacun une auto à pile à combustible dans leur gamme.
France Hydrogène (l'Association Française pour l'Hydrogène et les Piles à Combustible) prévoit pour 2050 20 % de la demande d’énergie nationale vers l’hydrogène, économisant ainsi 55 millions de tonnes de CO2. Pour les voitures particulières, selon la PFA (filière automobile et mobilités), la place de l’hydrogène en 2040 se limiterait à 6 % de part de marché en Europe selon le scénario le plus optimiste. 100 stations de distribution sont envisagées pour la fin 2023, 400 à 1 000 stations pour 2030.
Comment l’hydrogène est-il fabriqué ?
Il existe plusieurs manières de produire de l’hydrogène, ou plus précisément du combustible hydrogène H2, et toutes n’ont pas un bilan carbone idyllique. L’électrolyse de l'eau nécessaire requiert une grande quantité d’énergie, malheureusement souvent issue aujourd’hui du pétrole, de reformage de gaz méthane, voire de la gazéification de matériaux organiques… Elle peut naturellement aussi être issue d’énergies renouvelables comme l’éolien ou le solaire, mais c’est plus difficile et plus cher et donc, plus rare. C’est naturellement cette filière d’hydrogène dit « vert » qui est privilégiée.
Quels sont ses avantages ?
L’hydrogène est présent partout dans la nature et n’est pas limité. Sa transformation en énergie utilisable (H2) pour une pile à combustible présente un excellent bilan CO2 si elle est effectuée à partir d’énergies renouvelables (on parle alors d’hydrogène vert). Il est assez facilement stockable et un plein est effectué rapidement en juste quelques minutes. Dans une Toyota Mirai, 5,6 kg suffisent pour une autonomie de 650 km, sans produire d’émissions polluantes ou de gaz à effet de serre en roulant. Le roulage 100 % électrique bénéficie au confort de conduite. Enfin, les basses températures n’influent pas l’autonomie, contrairement aux batteries qui sont sensibles au froid.
Quels sont ses inconvénients ?
Lorsqu’il est produit avec des énergies fossiles (on parle alors d’hydrogène gris), son bilan CO2 est d’emblée gâché. Le H2 n’est disponible que dans quelques stations et sa distribution ultra-limitée empêche tout usage grand public. Les bombonnes embarquées prennent un espace non négligeable. Enfin, la puissance modeste des piles à combustible limite les performances.
Quels dangers présente-t-il ?
L’hydrogène carburant est très inflammable et nécessite des manipulations sécurisées. Les bombonnes embarquées nécessitent une construction très particulière pour résister en cas de choc ou d’incendie. Dans la Toyota Mirai, les trois bombonnes sont ultra-renforcées au moyen de fibres de carbone.
Quel est son coût ?
Les coûts de fabrication réels des petites séries de véhicules sont très élevés, plus encore que les prix affichés, pourtant déjà bien hauts. Les constructeurs les vendraient donc aujourd’hui à perte. Les prix d’achat des voitures à pile à combustible disponibles se montent entre 67 900 et 79 900 €, d’où on peut retrancher un bonus de 2 000 € jusqu’au 1er juillet, 1 000 € ensuite, ce à quoi s’ajoutent quelques aides locales.
Il faut compter une cinquantaine d’euros par plein aujourd’hui, une somme qui pourrait être divisée par 2 à 4 à terme si le prix au kilo passe de 12 € à 6, voire 3 € comme les analystes l’évoquent.
Qu’en est-il de sa distribution ?
En France, une centaine de stations hydrogène sont prévues pour la fin 2023, puis 400 à 1 000 en 2030. Le tarif se compte en une dizaine d’euros/kilo, soit une cinquantaine d’euros pour un plein, ce qui reste peu attractif pour un automobiliste particulier. Attention, différentes pressions sont proposées par les stations (350 ou 700 bars), ce qui ne convient pas à chaque véhicule.
Quels véhicules pour l’hydrogène ?
Les véhicules particuliers à pile à combustible se comptent sur les doigts d’une main. Deux doigts suffisent même à ce jour : Hyundai propose son SUV Nexo (79 900 €, 666 km d’autonomie) et Toyota commercialise sa limousine Mirai de dernière génération, forte de 182 ch (67 900 €, 650 km d’autonomie), tous deux très onéreux donc.
Notons aussi le très conceptuel projet français Hopium, dont la limousine très haut de gamme est annoncée pour 2025. Le britannique Ineos étudie une version à pile à combustible de son 4x4 Grenadier produit en France dans l’ancienne usine Smart. Renault va dévoiler en mai un concept de SUV avec une motorisation à hydrogène. BMW montre un projet de iX5 hydrogène mais Mercedes a arrêté son GLC F-Cell, tout comme Honda son Clarity, même si les deux constructeurs ne semblent pas jeter l’éponge. Land Rover travaille aussi sur le sujet.
Côté véhicules utilitaires, la taille des véhicules permet plus facilement d’embarquer de gros réservoirs et assurer ainsi une grande autonomie zéro émissions. Ainsi le futur Renault Master Van H2-Tech assurera 500 km d’autonomie et pourra emmener 12 m3 de marchandises, avec une pile à combustible de 30 kW utilisée comme prolongateur d’autonomie alimentant une batterie de 33 kWh. Plus petit, le Kangoo hydrogène devra se contenter d’une autonomie plus modeste de 370 km. Chez Stellantis, en attendant de plus gros véhicules, les triplés Citroën Jumpy, Opel Vivaro et Peugeot Expert hydrogène proposent 400 km d’autonomie, dont une cinquantaine assurée par une batterie rechargeable séparément.
Un bus à hydrogène Toyota et CaetanoBus a été livré il y a quelques mois à l’agglomération de La Roche-sur-Yon. Des trains, bateaux et même, avions, groupes électrogènes stationnaires ou vélos électriques fonctionnent aussi sur le même principe. Une ville nouvelle de 2 000 habitants va être construite au Japon, essentiellement basée sur cette source d’énergie, au pied du Mont Fuji.
À quels clients s’adresse-t-il ?
Mis à part les quelques « early adopters » fans de cette technologie, les utilisateurs privés ne sont pas vraiment visés par ces véhicules. Ce sont plutôt les flottes captives de véhicules d’entreprise qui sont concernés, qu’il s’agisse de VP (taxis, véhicules de fonction…) ou de VU. Les tarifs, la rareté de la distribution empêche d’envisager un usage quotidien normal pour le moment. Mais à l’horizon 2030, les choses pourraient changer, notamment pour une clientèle de gros rouleurs, une fois la filière un peu plus développée.
L’hydrogène a-t-il sa place en compétition ?
La compétition a depuis toujours été un laboratoire des nouvelles technologies, et l’hydrogène y a sa part. La voiture du projet MissionH24 a été montrée en démonstration aux 24 H du Mans et elle devrait prendre le départ de l’édition 2025. Toyota a pris part à quelques courses d’endurance au Japon avec une Corolla équipée d’un moteur carburant à l’hydrogène, malgré un rendement moyen. Pour obtenir une tout autre puissance, le géant japonais a demandé à Yamaha Motor le développement d’un moteur V8 5 litres alimenté à l’hydrogène, basé sur le moteur du coupé Lexus RC F avec des injecteurs, culasse, collecteur d’admission modifiés. Résultat, une puissance de 450 ch à 6 800 tr/min et un couple maximum de 540 Nm à 3 600 tr/min pour assurer de belles performances.
D’autre part, on note des acteurs comme GCK Motorsport qui développe son propre système de pile à combustible à forte puissance pour un véhicule de rallye-raid, l’e-Blast H2, et Gaussin avec son camion engagé au Dakar.
Bilan
Les véhicules employant une pile à combustible représentent une des solutions d’énergie décarbonée, à condition que la production du précieux H2 soit bien vertueuse. Une filière est en train d’être mise en place et les investissements vont bon train. Nul doute que cette énergie aura sa place dans le mix énergétique de demain, aux côtés de l’électrique avec batteries, des solutions hybrides et des carburants de synthèse. Chaque technologie présente ses avantages selon les différents usages et l’avenir dira quelles seront les proportions prises par chacune d’entre elles. Nul doute que le virage géopolitique de 2022 autour des énergies fossiles pourrait bien changer la donne pour le destin de l’hydrogène.
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