Mort de Fidel Castro : ses cendres transférées d'un bout à l'autre de Cuba en « Jeep » soviétique sur près de 1000 km
Retour en 2016, à Cuba, lors de l'hommage national hors-normes rendu à Fidel Castro. Les cendres du « Lider Maximo » ont été transportées d'un bout à l'autre de l'île, durant quatre jours et sur près d'un millier de kilomètres, à bord d'une copie de Jeep badgée du fabricant soviétique UAZ.

Le 25 novembre 2016, les autorités cubaines annoncent la mort de Fidel Castro. L'ancien président, 90 ans, retiré des affaires depuis quelques années, vient de passer l'arme à gauche pour l'éternel, après cinquante ans d'un règne sans partage à la tête du pays.
Souvenez-vous, aux côtés de Che Guevara, de son frère Raoul et d’une poignée d’autres combattants rebelles (moins d’une centaine à l’origine), le jeune avocat de retour d’un exil forcé au Mexique avait réenclenché sa révolution pour faire tomber la dictature du Général Batista.
Celui que l’on surnommera plus tard le « Lider Maximo » avait débarqué dans le sud-Est de Cuba en 1956, se planquant avec ses hommes dans la Sierra Maestra puis fomentant durant deux ans des opérations de guérilla ciblées. L'initiateur du mouvement du « 26 juillet » 1953 bénéficia alors d'un soutien populaire amplifié, de la part du monde agricole et ouvrier notamment, ce qui lui permit de progresser stratégiquement de province en province, d’Est en Ouest, pour parvenir in fine à son but le 8 janvier 1959.
Ce jour-là, Fidel Castro, juché à l'arrière d'une Jeep Willys, entre dans La Havane en libérateur. Un tour de force qui ne fera que doper son égo démesuré. Il concentre rapidement les pleins pouvoirs. Il se rallie au communisme et à l'URSS durant la Guerre Froide, davantage d’ailleurs pour fustiger l’impérialisme américain que pour relayer les messages de Nikita Khrouchtchev à l'oreille des Caraïbes.
Dès 1960, le tribun en treillis, fumeur de cigare invétéré connu pour ses discours fleuve, entreprend de bâtir un régime « socialiste » pour le moins autoritaire qui, sous couvert de garantir la santé et l’école gratuite pour tous, ne tolèrera (ndlr : c’est encore le cas actuellement sous la présidence de Diaz-Canel, élu à 97 % au suffrage indirect) aucune opposition sociale ou politique et pas la moindre liberté d’expression.
Aux sources de la Révolution cubaine

C’est lui, Fidel Castro, que Cuba honore en cette fin d'automne 2016. Les cendres de l'ancien président défunt sont transportées au sein d’un cortège militaire d’un bout à l’autre de l’île, depuis le centre de la capitale jusqu’à Santiago, comme une façon de faire revivre à tous, et en sens inverse, le chemin de la Révolution.
La marche funèbre s’effectue à bord d’un étrange attelage, aussi solennel qu’ostensible, aussi étrange qu’anachronique. L’urne contenant les cendres de l’ancien chef d’Etat a en effet été disposée dans une boîte en verre parée du drapeau bleu et blanc à l’étoile rouge, au milieu d’une vaste remorque de l’armée tractée par une Jeep décapotable. Ou plutôt une copie de Jeep…, façonnée du temps du « grand-frère » soviétique, un petit tout-terrain imaginé par le constructeur automobile russe UAZ (Ulyanovsky Avtomobilny Zavod) sur la base du VUL américain.
L'UAZ-469 est un modèle né en 1971. Il est équipé d’un bloc quatre cylindres essence disposant d'environ 80 chevaux pour une vitesse limitée à 100 km/h. Il a d'abord fait la fierté de l'URSS puis celle de la Russie sous Eltsine et Poutine, avant d'élargir son terrain de chasse à certains états alliés de l'ancien « bloc de l’Est », tels que le Viêt-Nam et Cuba.
Sur la plus grande île des Antilles, le constructeur russe a installé ses bases en 2003, à Camargüey, 300 000 habitants, agglomération située au centre du territoire. L’UAZ-469, avec ses quatre mètres de long, sa robustesse et sa garde au sol généreuse, est devenu depuis un emblème cubain, en particulier pour l’armée locale, qui mobilise régulièrement cet utilitaire léger pour ses opérations.
Procession loin des mythiques américaines

A la vue de cette voiture atypique, qui sert d'ultime compagne de route au camarade marxiste-léniniste le plus célèbre de l'Amérique latine, on est forcément loin de l’image d’Épinal chère aux occidentaux, celle qui colle à la peau de Cuba depuis des lustres, incarnée par ces mythiques berlines, coupés et cabriolets US datant de l’avant-Révolution.
On est en effet à cent lieues de la vision idéalisée que renvoient aux touristes, depuis les rues de La Havane, les sublimes Cadillac Eldorado, Buick Special, Pontiac Star Chief, Plymouth Belvedere et autres Chevrolet Deluxe datées des années 40 et 50, qui ont semblé longtemps infatigables et réparables à l'envi.
Le convoi funéraire qui transporte les cendres de Fidel Castro, avec donc en son sein cet improbable 4x4 de marque UAZ, encadré par six autres véhicules militaires, se met en marche le 30 novembre. Il quitte le Ministère des Forces Armées, traverse la Place de la Révolution de La Havane puis s’engage dans un périple aussi lent que hors-normes, une procession de près de 1000 kilomètres échelonnée sur quatre jours.
Il fait étape dans 13 des 15 provinces, avant de rejoindre le cimetière Ifigenia de Santiago le 4 décembre. Il marque notamment des arrêts à Cardenas, à Santa Clara (fief du « Che ») mais aussi à Holguin, dans la région natale de Fidel. Entre-temps, la lointaine cousine de la Jeep Willys subit quelques couacs à l’allumage ou au redémarrage, contraignant de temps à autre les soldats de l’escorte à camper les mécaniciens.
Hommage d'un peuple sous surveillance

A chaque passage ou pause obligée du cortège, la population se masse au bord des routes, dans les villes ou sur les places de villages. Drapeau à la main, scandant des « Viva Fidel ! » voire des « Yo soy Fidel ! », quelque deux millions d’habitants de tous âges se relaient sagement le long du parcours jusqu'au jour de l'inhumation. Tous ou presque éprouvent le besoin de rendre un dernier hommage (officiellement spontané et fervent) à leur figure tutélaire disparue, à celui qui, aussi admiré ou contesté qu'il soit (protecteur pour les uns, tyran pour les autres), a conduit leur pays d'une main de fer de 1959 à 2008.
Parallèlement, dans le cadre des neuf jours de deuil national décrétés par Raoul Castro, le président en fonction, les Cubains sont tenus d'aller parapher des registres dans lesquels ils s'engagent à défendre l’héritage socialiste de leur guide. Pour autant, en dépit de cette surveillance étatique et de ce convoi funéraire unique dans l'histoire, aucun monument posthume à l’effigie de Fidel ne verra le jour à l’issue de la cérémonie.
Sur son lit de mort, le « Comandante » a en effet fait jurer à son successeur et frère de ne bâtir ni statue, ni stèle, et de ne baptiser d'ailleurs aucun lieu en son souvenir, renonçant ainsi faussement d’entretenir un culte de la personnalité dont il ne s'est pourtant jamais offusqué de son vivant...
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