Non, tout ce qui est ancien n’est pas forcément bien
Fiat tente de faire passer son Multipla pour un objet culte. De quoi donner des idées à d'autres marques qui pourraient elles aussi exhumer leurs pires loupés, au nom du temps qui passe et qui transforme les vieilleries, mêmes ratées, en beautés vintage.
Ce n’est plus du respect du patrimoine : c’est de l’acharnement thérapeutique. Voilà que, 25 ans après sa naissance, Fiat tente de transformer son Multipla malin en voiture culte. L’affreux petit canard deviendrait donc un beau cygne blanc par la simple grâce du kitsch qui, le temps passant, passerait en mode vintage. On se dit, histoire de se rassurer, que pour cette opération, la Fabricca Italiana Automobili Torino a fait appel aux plus fines gâchettes du design pour revisiter son étonnant monospace à tête de Beluga, mais rien de tout cela.
Le temps transforme les ricanements en sourires
L’engin, qui sera fabriqué, exposé, puis vendu, est une pièce unique qui reprend trait pour trait l’auto de 1997. Il sera simplement rebaptisé Multipla 6x6 pour l’occasion. Pourquoi cette dénomination pour une auto qui est en fait une 3 + 3, avec ses trois places à l’avant et autant à l’arrière ? Son nom, il le doit aux 6 petits personnages dessinés à l'époque par Roberto Giolito, le designer du Multipla. Ses petits bonshommes devaient symboliser les différentes manières de vivre sa drôle d’auto.
Le problème de ce revival n’est pas tant dans le modèle choisi. Le Multipla a parfaitement rempli son rôle de familiale pratique, et dieu sait qu’il l’était. En plus, il a finalement rendu au design l’un de ses sens d’origine : Une esthétique qui se met avant tout au service de la fonction. Mission accomplie.
Ce qui interroge avec cette opération d’esbroufe, c’est qu’elle risque d’être accueillie avec bienveillance par ceux-là mêmes qui, il y a quelques années encore, ricanaient au passage d’un Multipla. Mais le temps transforme les ricanements en sourires, et les bagnoles moches en madeleines. La direction du marketing de Fiat le sait bien et l’exhumation de son vieux monospace n’a qu’un but : augmenter le capital sympathie lié à la marque dont on ne sait, hormis la 500 et ses déclinaisons, quelle est réellement son identité.
Au nom de cette sympathie pour les vieilleries honnies, tous les constructeurs pourraient ouvrir leur musée des horreurs et en exhumer les pires loupés de leur histoire. La Renault VelSatis ? Ses 25 ans approchent. L’occasion rêvée de rendre hommage à sa ligne fluide qui ne ressemble pas du tout du tout à un coffre-fort. La Peugeot 1007 et son dessin de voiture sans permis (et sans designer) fêtera, quant à elle, ses vingt ans dans un an. L’occasion d’un modèle unique exposée au MOMA, le musée d’art moderne de New York ? N’hésitons pas.
Mais alors, le temps qui passe gommerait les vilenies et les rendrait jolies comme par magie ? Pas vraiment. Si le public adhère aux vieilleries, et particulièrement aux autos d’il y a un certain temps, c’est parce qu’elles permettent à chacun de se projeter dans une période rêvée, celle des trente glorieuses, d’où le succès des Youngtimers. D’où le succès, aussi, des autos d’aujourd’hui, ces néorétros qui appuient fort sur la pédale de la nostalgie, ces Fiat 500 ou ces Mini.
Mais si ces dernières sont plutôt réussies, d’autres plus anciennes provoquent la sympathie sans pour autant être particulièrement bien dessinées. Toutes les vieilles autos ne sont pas des Bugatti Atalante. Une Simca Vedette, qui n’est qu’une copie hexagonale des modèles américains de la même période, trimbale pourtant un capital sympathie, de même qu’une R8 Renault, dont les lignes pourraient être celles d'un enfant à qui l’on demande pour la première fois de dessiner une auto.
Les qualités esthétiques d’une voiture n’ont donc que peu à voir avec la cote d’amour qu’elle enregistre. Que les designers qui se loupent aujourd’hui soient soulagés. Les années leur rendront hommage, et leurs citrouilles rencontreront sûrement quelques nostalgiques dans vingt ans. On trouve bien aujourd’hui des fans de la première Toyota Prius du millésime 1997, comme quoi, le temps est le meilleur critère esthétique.
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