Tesla Cybertruck : comme toujours, Elon détonne
En présentant le premier pick-up Tesla, son patron, Elon Musk a obtenu des retombées dont aucune marque automobile n’a jamais osé rêver. Faire un buzz mondial en lançant une simple camionnette à benne : le boss californien l’a fait, en appliquant une recette simple, à base de culot monstre et d’une solide ceinture d’immunité contre les critiques.
Il aura suffi d’un show filmé et de quelques images de synthèse pour déclencher les hostilités. Dans tous les recoins de la planète et jusque sur Caradisiac, les premières images du Cybertruck de Tesla ont provoqué des réactions de rejet. « Mon petit-neveu avait construit le même dans sa chambre avec des bouts de carton l'année dernière » commente cet internaute sous l’article de Florent Ferrière. « Une vaste blague » ajoute un autre. « Cette horreur est indéfendable » conclut un dernier. Le lynchage ne s’arrête pas là. La planète Twitter y est allée de ses quolibets et les posts Facebook se sont multipliés. Jusqu’au vice-président de Citroën en charge du marketing, Arno Belloni. Il ne juge pas, sur LinkeDin, la qualité du design du truck américain, mais lui trouve des similitudes avec un prototype de sa propre maison, la Karin, datée de 1980.
Bien sûr, tous les avis ne sont pas aussi outrancièrement méchants ou déconnants. Certains internautes ont apprécié le Cybertruck et les préréservations ont décollé durant le week-end. Malgré les moqueries, et malgré le raté de la présentation (une vitre censée résister à des balles de 9 mm, et fissurée par un coup de masse), 187 000 précommandes de la bête ont été enregistrées, du moins c’est ce que prétend Elon Musk. Aujourd’hui, peu de gens ignorent l’existence de ce Cybertruck qui est d’ores et déjà devenu, en trois jours, le pick-up le plus connu au monde, puisque même les médias ultra-généralistes, qui ne sont jamais penchés sur les 4x4 à plateau, ont traité le sujet. Le boss de Palo Alto a donc réussi son coup.
Mais pourquoi a-t-il ouvertement voulu frapper fort pour ce nouveau lancement, a priori le moins important de ceux auxquels il nous a habitués, de la Model S, à la Model 3 en passant par le Model X ? C’est d’une part parce que le marché américain est archi-friand de pick-up. Aux US, la Clio locale est l’imposant Ford F-150, en tête des ventes depuis des années. D’autre part, le F-150 en question va lui aussi s’électriser. Il aura droit à une version hybride rapidement et son constructeur Ford a investi 500 millions de dollars dans le capital de Rivian, une start-up spécialisée, qui doit elle aussi se lancer dans la conception d'un pick-up à watts. En outre, l’autre concurrent, General Motors a annoncé, la veille du show de Musk, que lui aussi tentait l’aventure. Musk a donc tout intérêt à tenter de se faire une place sur le premier segment automobile américain.
Mais, car il y a toujours un mais dans les fulgurances du trublion californien, le marché du pick-up, s’il est gigantesque, est également ultra-conservateur. Selon les statistiques du cabinet IHS Market, 42,9 % des conducteurs de Ford F sont fidèles à la marque à l’ovale. Et ils sont 46,5 % en ce qui concerne les propriétaires de Ram. Juste l’inverse des clients de Tesla, moins conservateurs, plus jeunes, plus riches et plus urbains que ceux des autres marques. On peut donc se demander ce que Musk vient faire dans cette galère, avec une marque pas vraiment taillée pour les fermiers du Midwest, et une ligne aux antipodes des codes du pick-up classique qu’ils chérissent tant. Nul doute que le boss de Tesla a sa petite idée sur la question. Peut-être souhaite-t-il, comme il l’a déjà fait avec ses autres modèles, tenter de convaincre des happy fews surfeurs de la côte pacifique de craquer pour son drôle d’engin. Un micro-marché qui ne suffira pas à remplir les commandes. Mais Musk sait, comme tous les analystes le savent, que le pick-up n’attire pas seulement les fermiers et les entrepreneurs de travaux publics. Tous ceux qui ont sillonné les États-Unis peuvent témoigner de la prolifération de ces engins en ville ou dans les immenses banlieues. À leur bord, des familles se promènent, loin de champs et des chantiers. Ce calcul, s’il est celui de Musk, n’est pas celui des marchés. Et le cours Tesla a dévissé de 6,3 % en bourse après la présentation du Cybertruck. Mais souvent les marchés varient et si Elon détonne, il a toujours su retrouver leur confiance. Cette fois-ci, il a deux ans pour les convaincre. Puisque les premières livraisons de l’engin sont prévues à la fin 2021.
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