Virée Caradisiac - 3 000 km en Renault Megane E-Tech : bonne à tout faire ?
Pionnier du 100 % électrique avec sa Zoé lancée il y a dix ans, Renault s’était sans doute depuis un peu oublié dans la course à l’électrification qu’imposent les gouvernements. Avec cette nouvelle Megane E-Tech promise à la pointe de la technologie et fabriquée en France à Douai, l’ex régie semble avoir (re)pris le bon train. Pour s’en assurer, nous sommes partis à son volant pour un essai de plus de 3 000 km.
L’idée était simple : faire comme si nous partions en vacances à plus de 1 000 km de Paris, donc faire au moins 2 500 à 3 000 km aller-retour. Mais en voiture 100 % électrique. Une drôle d’idée pour beaucoup de gens vu que la majorité des autos du genre proposent des autonomies réduites, surtout sur autoroute, et qu’en plus le réseau de bornes de recharge serait, aux dires de ceux qui savent, trop peu développé. Mais à vouloir convertir tous les automobilistes au 100 % électrique, cela va forcer tous les foyers, même ceux qui n’ont qu’un unique véhicule, à y passer. Donc à tout faire avec une seule et même voiture.
Et franchement, même si cette nouvelle Mégane, qui ne partage que le nom avec la compacte thermique ou hybride de la marque en reprenant la plateforme dédiée aux véhicules électriques du groupe Renault-Nissan, ne toise que 4,20 m entre les plaques minéralogiques, soit à peine plus d’une Clio, elle peut remplir le rôle d’une petite familiale. Car un moteur électrique, même avec ses composants électroniques de puissance, ça prend quand même moins de place devant qu’un bloc thermique, surtout s’il est hybridé. C’est pourquoi cette plateforme, baptisée CMF-EV, offre un avant très court, avec presque aucun porte-à-faux, pour ménager une belle habitabilité malgré un gabarit contenu.
Les batteries, logées dans le plancher, ne mesurent quant à elles que 11 cm d’épaisseur, permettant pour leur part d’abaisser le centre de gravité et de proposer un plancher totalement plat aux places arrière. Donc la belle est suffisamment habitable, plutôt très compacte, et jouit d’un coffre logeable avec sous son plancher deux logements pour y caser les câbles. On le verra, cela peut servir sur les bornes italiennes urbaines.
Au départ de Paris, dans la circulation dense de la capitale, le 100 % électrique est un pur bonheur : silence et douceur de fonctionnement sont au programme, avec en plus ici une super maniabilité avec un diamètre de braquage correct, mais surtout une direction à démultiplication variable qui permet de braquer de butée à butée sans croiser les bras. En manœuvre, c’est génial. Et puis il y a sur notre version d’essai EV60 Iconic toute une batterie d’aides à la conduite, comme le régulateur adaptatif de vitesse, qui fonctionne même jusqu’à l’arrêt, l’aide au franchissement de ligne qui corrige la trajectoire si on dévie sans clignoter et toutes les caméras nécessaires pour offrir une vue 360° de la voiture en manœuvre. Pour faire simple, dans les embouteillages, on profite de cette conduite assistée de niveau deux, autrement dit qui prend complètement la main, nous permettant quelques instants de distraction, laissant la voiture suivre le train, ralentir, freiner ou même s’arrêter sans que l’on ait à faire quoi que ce soit. Et même à repartir quand le trafic se fluidifie. Même si c’est une assistance, qui ne doit donc pas remplacer le conducteur, c’est quelque chose de surprenant et de très utile dans cette configuration de circulation.
Au sortir de Paris, sur l’autoroute A6 vers Macon, nous préférons évidemment reprendre les choses en mains. L’idée est d’aller jusqu’en Toscane, de relier la capitale française à Florence en Italie, en passant par le tunnel du Mont-Blanc puis Milan, soit plus de 1 000 km dans la journée. C’est ce que l’on ferait en voiture thermique, alors ça se tente.
Avec un niveau de charge à 100 % au départ, l’ordinateur de bord, une expression qui prend tout son sens dans cette Renault, avec Google « inside" comme on dit, annonce plus de 350 km d’autonomie. Un calcul réalisé sur la base des derniers kilomètres de roulage, sachant que selon la norme WLTP la Megane E-Tech EV60 est donnée pour 450 km avec une batterie pleine. Sauf qu’une fois la destination rentrée dans le GPS, cela tombe à moins de 300 km. Logique, la navigation nous fait prendre l’autoroute qui n’est, tout le monde le sait, pas la tasse de thé de ce genre d’engin avec une chute drastique de leur rendement au-dessus de 120 km/h. Mais mille bornes dans la journée, on ne les fera pas par les départementales. Pour nous aider dans notre périple, nous avons choisi une carte de rechargement du réseau Chargemap, permettant à la fois de payer les recharges aux bornes compatibles, mais aussi de bénéficier du planificateur de trajet de l’application mobile. Pour faire simple, vous rentrez le type de votre véhicule, le point de départ (géolocalisé si vous voulez), le niveau de charge au départ et à l’arrivée… et l’appli vous dit où vous arrêter et comment recharger (sur quelle borne et combien de temps). C’est très pratique, sauf quand vous tombez sur une borne non fonctionnelle qui n’est pas signalée comme telle. Ça nous est arrivé, merci Chargemap.
Même avec une batterie de 60 kWh et des capacités de recharge élevées, pouvant aller jusqu’à 130 kW sur du courant continu selon Renault, le trajet va durer plus de 12 heures. Avec des arrêts toutes les heures et demie. Quand on n’y est pas habitué, c’est insupportable. Et encore, en France, la majorité des bornes sont placées sur des aires d’autoroute où il est possible de se restaurer durant la charge contrairement aux superchargeurs Tesla qui vous obligent à sortir de l’autoroute pour aller vous perdre dans des zones industrielles. Mais une fois en Italie, les recharges se font… à la Tesla. Dommage. En plus, la carte Chargemap ne fonctionne quasiment jamais de l’autre côté des Alpes et il faut basculer sur un autre réseau, ENEL X par exemple dont le site internet, pour s’y inscrire, est uniquement en italien. Super. Mais cette journée de roulage aura été riche d’enseignements. Sur la voiture déjà.
Même à plus de 120 km/h, le silence de fonctionnement reste exceptionnel, sans doute aidé par la nouvelle mousse isolante brevetée par Renault et placée entre la batterie et l’habitacle, sous la voiture. Il faut savoir qu’en l’absence de bruits moteurs, les bruits aérodynamiques deviennent plus présents, normalement. Pas ici. Les performances se révèlent très nettement suffisantes, avec à peine plus de 7 secondes pour passer de 0 à 100 km, des reprises fulgurantes de voiture électrique (quand même dotée de 220 ch et 300 Nm de couple pour 1 630 kg), et un confort de roulement meilleur que ce que les roues de 20 pouces de cette version pouvait laisser croire. Reste que, malgré tout, la combinaison de ces grandes jantes et les faibles débattements de suspensions arrière génèrent quelques rebonds désagréables pour les passagers sur route bosselée, comme l’est l’autoroute italienne dans la Vallée d’Aoste. Mais c’est surtout sur la gestion de l’énergie que ces 12 heures auront été riches d’enseignements. Tout le monde se focalise sur la capacité des batteries des voitures électriques.
Avec 60 kWh, la Mégane EV60 est dans la bonne tranche. Sauf qu’en fait on exploite pas du tout 60 kWh car dès que l’on charge en journée, comme nous l’avons fait presque dix fois, on ne charge que jusqu’à 75 à 80 %. Car les temps de recharge sont décuplés au-dessus de cette valeur. Sur une borne 60 kW par exemple, on peut avoir besoin de 30’ de recharge pour passer de 20 % à 80 %, et nécessiter plus de 30’ supplémentaires pour atteindre les 100 %. Dans les faits, on n’attend pas, préférant s’arrêter une fois de plus sur la route. C’est donc la capacité de rechargement acceptée par la voiture qui conditionne beaucoup de choses. Dans cette version EV60 Iconic, notre Mégane peut à la fois charger sur du courant alternatif (AC) jusqu’à 22 kW (7,5 kWh pour la version de base), et sur du courant continu (DC) jusqu’à 130 kW. Nous avons vérifié sur une borne 175 kW DC un pic de charge à 128 kW pendant quelques minutes, puis une baisse, la charge se stabilisant ensuite autour des 80, puis 70 kW.
Enfin, le passage du Mont-Blanc par le tunnel et la descente vers Aoste, sur près de 40 km au total, nous aurons aussi prouvé l’intérêt de la régénération en descente. Non seulement notre Mégane n’a pas consommé d’énergie sur cette portion, mais elle en a produit au point de nous rajouter 40 km d’autonomie en plus. Un moteur électrique, quand il est alimenté en électricité, produit de l’énergie mécanique : il fait tourner les roues. Mais dans l’autre sens, s’il est entraîné par les roues, il va produire de l’électricité pour recharger les batteries. Et ça fonctionne vraiment, surtout si l’on joue avec les palettes au volant qui permettent d’augmenter ou de réduire le frein électrique régénératif.
Une fois en Toscane, entre Florence, Sienne, Argentario et Pise, nous avons retrouvé des routes nationales et départementales où l’autonomie redevient acceptable (de l’ordre de 350 km), les vitesses moyennes étant davantage autour des 70 km/h que les 120 sur autoroute. Et, surtout, nous avions choisi un hôtel doté de bornes, permettant de recharger jusqu’à 100 % dans la nuit, et donc de bénéficier de toute l’autonomie annoncée. Nous n’avons eu de mauvaises surprises qu’à Sienne où quatre des cinq bornes visitées ne fonctionnaient pas. Et il nous a fallu vider notre coffre à la cinquième pour attraper nos câbles, la borne 22 kW en étant dépourvue. Mais ces quelques jours nous ont aussi permis de « jouer » avec l’interface Google dans la voiture. Un partenariat noué entre Renault et le géant américain qui prend tout son sens avec un véhicule électrique. Dans cette appli, non seulement le GPS fonctionne parfaitement, mais il est renseigné sur le trafic et l’état des bornes (fonctionnelle et dispo), ainsi que sur l’état de la voiture, au % près de batterie.
Sur le retour, c’est par ce planificateur que nous avons évolué et non via Chargemap, réduisant le nombre d’arrêt et le temps passé à attendre « le plein ». Avec une vitesse moyenne de 116 km/h (grosse baisse d’autonomie observée au-dessus de 120 km/h), notre Mégane Optimum Charge à 47 400 € (hors bonus) s’est contentée de moins de 19 kWh/100 km sur autoroute, affichant au bout de 3 100 km, dont 1 000 de route et ville, une moyenne de consommation de 17,6 kWh/100 km : un score à peine supérieur à celui d’une Tesla Model 3. Renault semble avoir accroché le bon wagon avec cette nouveauté. D’autant que toute l’interface Google « online » va évoluer constamment pour améliorer les services et les trajets. Finalement, ça va peut-être le faire le tout électrique.
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