Ineos Grenadier: la voie de la décroissance
Nous vous avons déjà présenté Ineos Automotive, nouveau venu dans le monde de l’automobile ; voici les premières images officielles du Grenadier, le véhicule qui est censé remettre la planète sur la voie de la raison.
L’événement était annoncé de longue date, à grand renfort de secret, de rumeurs et de fuites. Il a fallu attendre la nuit du 1er juillet à une heure du matin pour découvrir la nature du scoop. S’agissait-il d’un vaccin anti-covid ? Ou d’un spectacle de dance floor à Levallois-Perret ? Mieux, le monde allait découvrir la voiture qui réinvente l’automobile.
Nous sommes rompus à ces suspenses insoutenables, à ces embargos dramatisés qui débouchent aux heures pâles de la nuit sur le lancement d’un nouvel iPhone ou sur l’ouverture d’un salon de coiffure après confinement.
Ineos, colossal groupe chimique britannique, avait préparé son entrée dans l’univers de l’automobile en nous promettant qu’on allait voir ce qu’on allait voir. À vous de juger si le résultat est à la hauteur de la tension dramatique entretenue…
Depuis de longs mois, des images traînaient sur la toile montrant les essais d’un tout-terrain dont la silhouette faisait immanquablement penser à un Land Rover Defender de la génération éteinte en 2016. Sur ce point, la révélation d’aujourd’hui ne nous déçoit pas : le Grenadier proposé par Ineos est bel et bien un clone de la vieille icône britannique.
L’idée de ses promoteurs et de ses concepteurs est louable puisqu’il s’agit de revenir aux valeurs fondamentales du quatre-quatre, de restaurer les qualités des tout-terrain qui se sont dilués dans l’essor des SUV. Bref, de retrouver une sincérité et une authenticité qui ont été dévoyées pour satisfaire les déviances du marketing.
La démarche est respectable et on ne peut plus claire dans son énoncé : no-nonsense ! Après le déferlement de propositions ineptes, culminant avec la notion de crossover urbain, on ne peut que se réjouir du bien fondé d’un véhicule rustique, utilitaire, honnête. Ce qui surprend, c’est que pour répondre à cette incantation, il n’existe pas d’autre voie que celle de la reproduction d’un modèle du passé.
Sur le plan mécanique, le Grenadier n’a recours qu’à des schémas basiques et éprouvés. Il repose sur un robuste châssis en échelle où tous les composants, longerons et traverses sont généreusement dimensionnés. La carrosserie vient se boulonner sur ce cadre en échelle. Les solutions choisies pour les trains roulants sont tout aussi ancestrales, les essieux fournis par Carraro étant rigides à l’avant comme à l’arrière. Concession au modernisme (!?) : les ressorts hélicoïdaux…
Des options plus contemporaines se trouvent sous le capot avec le choix de moteurs six cylindres BMW qui sont accouplés à une boîte de vitesses à huit rapports ZF. Dans l’immédiat, on ne parle pas de motorisation électrique ni même hybride. Un parti pris étonnant quand on sait que - notamment sur le marché américain - des marques comme Bollinger ou Rivian ont misé à cent pour cent sur l’électricité pour des véhicules dans le même esprit. Disponible en break et en pick-up à double cabine, le Grenadier a une charge utile de une tonne et peut tracter 3,5 tonnes.
Le développement du Grenadier a été assuré par Magna International, une entreprise autrichienne qui bénéficie d’une longue expérience dans la recherche et l’industrialisation. Elle assure aujourd’hui des séries marginales aussi diverses que la Toyota Supra, la Jaguar I-Pace ou la Mercedes-Benz Classe G et par le passé, elle assemblait notre regrettée Peugeot RCZ.
Première vidéo du Grenadier en action (images 3D):
La carrosserie du Grenadier reprend le même style que celle de la Defender ancienne avec des surfaces planes, simples, sans formes gratuitement modelées, afin de rester facile à réparer en toutes circonstances. Par rapport à la Defender 110, les proportions sont voisines. On note seulement quelques nuances mineures au niveau des plis de tôle, plus acérés sur le Grenadier, des bas de caisse, plus travaillés, et du capot, plus incliné. Même la grille de calandre ne cherche pas vraiment à donner de la personnalité à la face avant. On trouve bien sûr des vitres planes et des grosses charnières de portes apparentes sans lesquelles on ne pourrait pas parler de frugalité. Les gros pneumatiques Goodrich et la garde au sol importante finissent de fixer les contours de l’objet qui est plus fait pour les sentiers boueux que pour la terrasse de Sénéquier.
Pour « imaginer » le Grenadier, Ineos a fait appel à un designer qui est reconnu dans le monde du yachting, mais totalement étranger à l’automobile. Pour la firme Redman Whiteley Dixon (RWD), dont il a été le direction de création à partir de 2007, Toby Ecuyer a dessiné des yachts somptueux pour quelques happy few. Exactement aux antipodes du Grenadier… Du moins, tel qu’on le pressent. Car on peut s’attendre à toutes les dérives. Souvenons-nous que les Hummer H1 et Lamborghini LM002 furent à la fois les plus rustres des véhicules tout-terrain, mais aussi les préférés des milliardaires.
Si l’on oublie le manque de créativité qui a conduit à dupliquer un ancien modèle, l’initiative ne manque pas de pertinence dans une société qui parle de décroissance.
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