La géniale GM EV1, l’électrique qui aurait pu empêcher Tesla d’exister !
Brillamment conçue, la GM EV1, à motorisation électrique, a séduit ses utilisateurs dès la fin des années 90. Pourtant, le groupe américain a décidé prématurément de la retirer de la route, avant de le regretter amèrement…

Pays d’extrêmes et de contrastes, voire de contrastes extrêmes, les Etats-Unis se sont repus de gros et gourmands moteurs V8 tout en étudiant des moyens de rouler en brûlant moins de combustile. Les crises énergétiques de 1973 et 1979, suivies de législations encourageant les motorisations économes et non polluantes, ont incité les constructeurs à proposer moteurs alternatifs, comme le diesel chez GM par exemple.
Mais le géant de Detroit réfléchit aussi depuis très longtemps à l’électrique, comme le montre l’Electrovette de 1979 qui a bien failli être produite en série. En 1990, le gouvernement Bush passe le Clean Air Act Amendment, un renforcement supplémentaire et majeur du Clean Air Act qui, dès 1963, prévoyait de réduire la pollution de l’air avec des subventions à la clé.

De plus, en 1992, l’Energy Policy Act vise à réduire la dépendance des US aux énergies importées tout en favorisant le renouvelable. Simultanément, de son côté, le CARB (California Air Resources Board) passe des lois toujours plus sévères sur les émissions des véhicules (la Californie est plus restrictive en la matière que les autres Etats). Ce contexte législatif incite GM, notamment, à plancher de nouveau sur une voiture zéro émission.
GM prépare un ambitieux programme électrique
Cette fois, ce ne sera pas l’adaptation d’un modèle existant à l’électrique mais une création entièrement inédite, conçue dès le départ pour n’utiliser que des batteries. Cela donne en 1990 le concept Impact, dont le développement sera confié à un société extérieure, AeroVironment. Le but sera de produire ce coupé électrique, capable de 295 km/h, à 25 000 unités annuelles à terme.

Le CARB, ravi de voir la faisabilité d’un tel véhicule, demande aux constructeurs d’électrifier leur gamme : 2 % des autos écoulées devront ne rien émettre d’ici à 1998, 5 % en 2001 et 10 % en 2003, s'ils veulent continuer à vendre en Californie. GM retravaille le proto réalisé par AeroVironment, non viable en l’état (trop peu fonctionnel), et présente en 1994 la Preview.
Très proche de l’Impact, cette biplace frôle réellement les près de 300 km/h promis et jouit d’un excellent comportement routier. 50 unités sont louées pendant une quinzaine de jours à des particuliers triés sur le volet, dont le retour d’expérience sera crucial. En réalité, il est excellent, ce qui est largement relayé dans les médias.

Chez GM, on comprend vite que cette auto ne sera jamais rentable, mais ce succès convainc les décideurs de la finaliser. Le modèle définitif, l'EV1, apparaît en 1996 et étonne par son Cx ainsi que son Scx incroyables : 0.19 et 0.36, des records historiques qui tiennent toujours. Les avancées technologiques concernent aussi les roues, réalisées en magnésium, les pneus à faible résistance au roulement, conçus par Michelin, et surtout la structure en aluminium ne pesant que 130 kg !
L’EV1 s’équipe aussi d’un freinage régénératif, les étriers avant étant actionnés de façon électro-hydraulique, les tambours arrière ayant droit à une commande totalement électrique. Du jamais-vu ! La GM s’équipe aussi d’une pompe à chaleur : des caractéristiques qui ne dépareraient pas en 2025.

La motorisation électrique de 137 ch ne permet pas d’atteindre les 300 km/h des protos, évidemment, mais quelle importance ? Reste la question cruciale : l’autonomie. A cause de batteries plomb-acide de 16,5 kWh pas très évoluées, elle ne dépasse pas 160 km dans le meilleur des cas. C’est remarquable pour l’époque, cela dit. Mais elles sont lourdes (533 kg). Toutefois, on peut les recharger sans fil (de façon magnétique) en plaçant l’EV1 sur un dock spécialement conçu (déjà !), ou classiquement en les branchant sur secteur.

Prudent, peut-être trop par manque de conviction, GM ne prévoit une production que de 660 EV1, uniquement proposées à la location en Californie et en Arizona, là encore à des particuliers sélectionnés. Ils paieront de 299 $ à 574 $ mensuels (le constructeur a pris comme base un prix de 33 995 $), ce qui reste raisonnable pour la voiture électrique la plus sophistiquée et aboutie jamais commercialisée !
GM tue l'EV1 au grand dam de ses utilisateurs !
Les locations commencent le 5 décembre 1996, et en 1997, 288 EV1 sont attribuées. Les bénéficiaires sont ravis de leur auto, malgré l’autonomie limitée. Ils sont des pionniers, un privilège très estimé outre-Atlantique, et GM promet des améliorations rapides. Effectivement, fin 1998, l’EV1 retravaillée (surnommée Gen 2) reçoit des batteries fournies par Panasonic, toujours à l’acide-plomb, mais un peu plus grandes (18,5 kWh).
Elles sont vite remplacées par des éléments utilisant la technologie Nimh (nickel-métal hyride) de 26,5 kWh. Et là, l’autonomie maxi grimpe à 230 km, un record. Cela dit, alors que le nombre de villes ouvertes à la location de l’EV1 augmente, les loyers restent assez stables (de 349 $ à 574 $), mais GM pose des conditions hallucinantes pour autoriser les personnes intéressées à louer une EV1...

Il faut dire qu’elle est produite en pure perte, chaque exemplaire revenant à près de 100 000 $ selon les estimations les plus pessimistes. Conséquence, alors que les utilisateurs adorent leur EV1, malgré un rappel effectué pour risque d’incendie durant la recharge, GM stoppe la production fin 1999, 1 117 EV1 ayant alors été fabriquées. Le marché est pourtant estimé à 25 000 voitures annuelles, mais voilà, les pertes financières sont trop jugées importantes. Certains, au sein du groupe américain, préfèrent s'en tenir aux 4x4 et pickups, simples et rentables, donc militent contre l'EV1.
Conséquence de cette guerre interne, GM décide en février 2002, de mettre fin aux contrats de location et de récupérer les EV1 pour les passer au pilon. Indignés, les utilisateurs protestent énergiquement, certains envoyant des chèques au groupe de Detroit pour conserver leur auto. En vain. Les chèques sont renvoyés, et les EV1 rappariées fin 2004 sont presque toutes détruites. Voilà qui rappelle étrangement la stratégie de Citroën avec sa M35.

Le programme EV1 aurait coûté près d’un milliard de dollars à GM, ce qui explique sa réticence à produire le modèle autant qu’il aurait pu en distribuer. Au moins 4 000 personnes étaient intéressées, ce qui a créé une liste d'attente. Une attitude d'autant plus schyzophrénique qu’il en avait notamment étudié une prometteuse variante hybride plug-in.
Effet collatéral, l’arrêt de ce programme a valu à GM une campagne médiatique désastreuse pour son image. On peut aussi noter que celui-ci a produit une voiture d'ingénieurs, au prix de revient bien trop élevé... Toyota, dans le même contexte, a commercialisé en 1997 un Rav4 électrique nettement plus réaliste, à l'instar de Nissan avec son Altra. Toujours est-il qu'en 2006, Rick Wagoner, patron de GM, déclare publiquement que l’arrêt de l’EV1 constitue son plus grand regret, les sommes perdues étant négligeables pour la rentabilité de son groupe, beaucoup plus que l’image négative dont ce dernier a pâti après l’annulation brutale du programme.

Toyota fera preuve de bien plus de clairvoyance à long terme en acceptant de perdre longtemps de l’argent avec sa Prius (lancée en 1997), l’hybride lui permettant actuellement d’asseoir sa domination mondiale sur le marché auto. En tout cas, l’héritage de l’EV1 est colossal : c’est elle qui a montré la viabilité de l’électrique, incitant Martin Eberhart et Marc Tarpenning à créer Tesla en 2003…
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